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En quête d’une civilisation extraterrestre passée dans le Système solaire

La question de la vie extraterrestre et plus globalement de la pluralité des mondes agite les esprits depuis au moins plusieurs siècles. Aujourd’hui, il faut malheureusement s’y résoudre : sauf preuve du contraire, la vie n’a pas essaimé dans le Système solaire, tout du moins la vie intelligente. Nous sommes seuls. Il va donc falloir chercher plus loin. Plus loin dans l’espace, c’est entendu… Et pourquoi pas aussi plus loin dans le temps ?

Vastitude du temps

Pas besoin de grandes leçons d’astrophysique : il suffit de lever les yeux par une belle nuit d’été pour comprendre quelle est la place de l’homme dans l’Univers. Dérisoire, pourraient dire certains. La plus proche de toutes ces étoiles qui se dévoilent peu à peu à mesures que nos yeux s’habituent à l’obscurité, est tout de même située à plus de 4 années-lumière de la Terre : il faudrait envisager un voyage de près de 70 000 ans pour la rejoindre. Toutes les autres étoiles de notre galaxie, qui en comprend au total environ 200 milliards, sont par conséquent inaccessibles autrement que par la lumière qu’elles nous renvoient. Et l’Univers ne s’arrête pas là, comme on le croyait avant les années 30 : la galaxie la plus proche de la Voie Lactée s’appelle Andromède, elle est située à environ 2,5 millions d’années-lumière de la Terre. Elle aussi comporte des milliards d’étoiles. Notre Univers observable, contiendrait environ 2000 milliards de galaxies, selon les dernières observations menées grâce au télescope spatiale Hubble. Et au-delà de cet horizon à jamais infranchissable, qu’y a-t-il ? Nous n’en savons rien, nous sommes aveugles.

Bref, oui, l’espace est vaste, tant et si bien qu’on ne sait toujours pas s’il est infini ou non. Cela est, au choix, fascinant, frustrant, terrifiant, déprimant.

C’est cependant oublier un autre vertige : celui du temps. Notre Univers est vieux. 13,4 milliards d’années. Un nombre difficilement concevable pour l’esprit humain, tout comme ceux énumérés plus haut. Mais si nous sommes capables d’apprécier l’immensité de la voûte céleste durant la nuit, nous sommes contraints par la flèche du temps  qui nous empêche de voir le passé et le futur. Il est donc plus compliqué de bien saisir à quel point notre Univers est vieux – au regard de la vie humaine, de la vie tout court, et même de la Terre elle-même. Il faut donc utiliser des échelles de temps plus intuitives. C’est ce que fait, par exemple, le scientifique britannique Carl Sagan dans son livre Les Dragons de l’Eden (1977) puis dans le premier épisode de la série Cosmos. Il ramène toute l’histoire de l’Univers, depuis le Big Bang jusqu’à nos jours, sur le calendrier d’une année, où le 1er janvier équivaut au Big Bang et le 31 décembre à minuit à l’instant présent.

Le remake de Cosmos, présenté par Neil deGrasse Tyson, reprend le calendrier cosmique.

Sur ce calendrier, les premières galaxies se forment donc le 22 janvier, et la Voie Lactée le 16 mars. Ensuite, il se passe des choses, bien des choses, avant que le Système solaire ne se forme le 9 septembre, puis la Terre le 12 septembre seulement, par accrétion de poussière et de petits corps. La vie émerge le 25 septembre par un processus dont l’origine reste à ce jour inconnue. Les premiers invertébrés apparaissent le 17 décembre. Les premiers arbres le 23. Les dinosaures ? Seulement le 25 décembre. Et l’homme, alors ? Révisons notre place sur Terre, dont certains, et tout porte à croire qu’ils ont raison, diront qu’elle est dérisoire : il apparaît le 31 décembre aux alentours de 21 heures. A 23h56, c’est l’Homo sapiens qui fait ses premiers pas. Les premières villes se fondent à 23h59 et 35 secondes. Et à minuit, vous lisez cet article. En somme, notre histoire toute entière n’occupe que les dernières secondes de la dernière minute du calendrier cosmique…

Comme le dit lui-même si bien Carl Sagan :

Dans le vaste océan du temps que représente ce calendrier, tous nos souvenirs sont confinés à cette petite place. Chaque personne dont nous avons entendu parler a vécu là. Tous ces rois et batailles, migrations et inventions, guerres et histoires d’amour. Tout le contenu des livres d’histoire se passe ici, dans les 10 dernières secondes du calendrier cosmique.

Dès lors, peut-on imaginer qu’une autre vie intelligente ait émergée dans le Système solaire, en dehors de ces dix secondes ? Et si nous pouvions explorer le temps, à la recherche d’indices en faveur d’une telle civilisation ? Et si la Terre elle-même en fut le berceau, bien avant d’être celui des hommes ?

Le temps détruit tout

Pour savoir ce qu’il pourrait rester d’une éventuelle civilisation préhumaine, il faut d’abord se demander ce qu’il restera de l’homme quand la fin de son règne adviendra sur Terre, pour une raison ou pour une autre.

Dans un essai paru en 2007, Homo Disparitus, le journaliste américain Alan Weisman se pose la question de notre impact sur notre écosystème en partant d’un postulat original : du jour au lendemain, l’homme disparaît, instantanément.

Le temps n’épargne rien, et surtout pas la vanité de l’homme !
(crédits : Jonas De Ro)

Il passe en revue les conséquences d’un tel scénario, sur la faune, la flore, l’environnement, sur nos infrastructures inévitablement vouées à disparaître.

La plupart des constructions modernes de l’homme – les immeubles, les ponts, les routes – sont conçues pour durer entre 60 et 200 ans, en étant évidemment régulièrement entretenues. Lentement, année après année, les murs s’effritent, le bois pourrit, les vitres éclatent, les toits pourrissent et s’écroulent. Portées par le vent, des graines échouent au milieu des maisons, poussent et deviennent des arbres. Les métaux rouillent, le béton s’effrite, l’humidité pénètre partout et fait gonfler les structures, les bâtiments s’effondrent les uns après les autres sous leur propre poids, après une lente décomposition accentuée par la succession des saisons.

Le plastique est l’un de seuls matériaux conçus par l’homme qui ne soit pas pas à la merci de la nature. Il résiste aux éléments, hormis le feu, et n’est pas comestible. Des téléphones portables et des ordinateurs intacts gisent, ici ou là, avant d’être enterrés sous les feuilles.

Qu’en est-il de la pollution causée par l’excès de CO2 dans l’atmosphère ? Et bien, ses effets se font encore longtemps sentir. Durant au moins un siècle, augmentant la température mondiale de quelques dixièmes de degrés. Les effets sont vite régulés par la planète même si le taux de CO2 ne reviendra pas pour autant à la normale aussi rapidement.

Après 150 ans, la plupart des villes ne ressemblent plus qu’à un champ de ruines.  A Londres, la Tamise a repris ses droits. La capitale anglaise est redevenue le marais qu’elle était avant que l’homme ne s’y installe, tout comme à Paris. Las Vegas est redevenue un désert, privée de ses pompes électriques. L’île de Manhattan se transforme peu à peu en forêt.

Après 200 ans, ce sont d’autres édifices massifs qui montrent des signes de faiblesse : les barrages. Certains, fatigués par l’érosion, lâchent, libérant des milliers de mètres cubes d’eau.

Les monuments antiques, comme les pyramides de Gizeh, la muraille de Chine ou encore le Parthénon, sont ceux qui résistent le mieux aux affres du temps. Si la tour Eiffel a tenu plus longtemps que les gratte-ciels de béton, privée de sa peinture qui s’est écaillée peu à peu, victime de la rouille causée par les pluies,  elle s’écroule elle aussi, environ 230 années après la disparition de l’homme.

Après 1000 ans, la seule structure quasiment intacte de l’homme demeure le Tunnel sous la Manche, même s’il est en partie inondé. La planète, dans un lent mouvement continuel, se débarrasse peu à peu de tout notre ouvrage. Elle recouvre, elle avale, elle broie, elle réduit en poussière. Comme une vague qui, très lentement mais inéluctablement, emporte tout.

Après 5000 ans, les bombes thermonucléaires se fissurent et laissent échapper des substances radioactives.

Après 25 000 ans, et bien, est-il nécessaire d’insister sur l’état ce que nous avons construit ? Peut-être qu’une nouvelle période glaciaire aura d’ici là terminé de recouvrir sous des mètres de neige tout l’hémisphère nord.

Tous nos ouvrages seront-ils donc engloutis par le temps, condamnant l’humanité à l’oubli ? Non, des traces indirectes de notre activité pourraient subsister longtemps, très longtemps. Ce sont des techno-signatures : les conséquences de la civilisation industrielle, qui en quelques siècles impactent durablement l’environnement.

L’hypothèse silurienne

Dans un article intitulé The Silurian Hypothesis (L’hypothèse silurienne, sur laquelle nous reviendrons) et paru en 2018, les scientifiques américains Gavin A. Schmidt et Adam Franck, tentent de recenser de telles signatures :

  • Des anomalies dans le ratio des isotopes de carbone, oxygène, hydrogène et nitrogène
  • La disparition massive de certaines espèces, et la prolifération d’autres, plus invasives (nuisibles) dans les futurs fossiles
  • Certains produits chimiques de synthèse
  • Les micro et nanoparticules de plastique
  • Certains isotopes radioactifs, dans le cas d’une catastrophe majeure ou d’une guerre nucléaire

Quelque part, et c’est assez effrayant, les mêmes technologies qui contribueront peut-être à tous nous enterrer nous permettront peut-être aussi de passer à la postérité géologique, comme le suggère l’article :

Plus une civilisation dure longtemps, plus ses pratiques doivent être durables pour qu’elle puisse survivre. Plus une société est durable (par exemple, dans la production d’énergie, la production ou l’agriculture), plus son empreinte sur la planète est mince. Mais plus l’empreinte au sol est mince, moins le signal est intégré dans l’histoire géologique. Ainsi, l’empreinte de la civilisation pourrait se limiter sur une échelle de temps relativement courte.

En dernier lieu, plusieurs milliards d’années après que le dernier homme aura fermé les yeux, les vestiges de l’exploration spatiale survivront sans doute, notamment sur la Lune où l’activité géologique est très faible.

Le rover de la mission Apollo 17.
(crédits : NASA)

Dans ce cadre, L’hypothèse silurienne suggère qu’une civilisation préhumaine aurait pu exister sur Terre bien avant l’émergence de l’homme, et que des techno-signatures similaires pourraient être détectées. Elle tire en fait son nom d’un épisode de la série britannique Doctor Who diffusé en 1970, dans lequel une ancienne civilisation de reptiles humanoïdes s’est réfugiée sous la Terre suite à une série de cataclysmes.

Pour Schmidt et Franck, il existe des similarités indéniables entre certains événements survenus dans  passé lointain et les effets de notre civilisation sur l’environnement. Ces événements sont par contre contemporains de phénomènes ou de catastrophes naturels, ils ne constituent donc absolument pas une preuve en faveur de l’hypothèse silurienne.

Dans La Nuit des temps (1968), René Barjavel imagine une civilisation technologique sur Terre éteinte depuis 900 000 ans.

C’est une question que je me suis souvent posée, enfant : pourquoi les dinosaures, qui ont vécu si longtemps sur Terre, n’ont-ils pas accédé à la conscience et à l’intelligence ? A priori, donc, rien n’indique que ce ne soit pas le cas, même si c’est fort peu probable. Bon, peu importe, mon rêve de voir des dinosaures conduire des voitures volantes ou flotter dans l’espace ne s’est pas totalement évanoui, et c’est ce qui compte !

A présent, éloignons-nous de la Terre. Selon les dernières études en vigueur, des planètes comme Mars et Vénus auraient eu par le passé des conditions environnement bien plus hospitalières et favorables à la vie. Peut-on imaginer qu’elle ait effectivement émergée là-bas, ou même encore plus loin, et qu’on puisse un jour retrouver d’éventuels artefacts extraterrestres ?

Mars et Vénus

L’astronome américain Jason T. Wright a publié en 2017 un article qui finalement se révèle être précurseur de l’hypothèse silurienne. Intitulé Prior Indigenous Technological Species, il questionne la possibilité de retrouver des artefacts d’une ancienne civilisation extraterrestre ayant émergé dans le Système solaire, sur la Terre ou ailleurs. Son papier, comme celui de Schmidt et Franck, recense quelques techno-signatures qui pourraient survivre à l’épreuve du temps, et tente d’appliquer ce modèle à d’autres corps du Système solaire.

Vénus et Mars font office d’excellentes candidates. Selon une étude de l’Institut Goddard de la NASA, parue en 2016, Vénus aurait pu être la première planète habitable du Système solaire, et ce pendant au moins deux milliards d’années, laissant le temps à la vie d’apparaître, de se développer, puis de disparaître il y a de cela environ 750 millions d’années, lorsque les conditions ont commencées à se dégrader, pour devenir ce qu’elles sont actuellement (globalement, un enfer).

Dans un article, la NASA précise :

Il semble qu’il y ait eu suffisamment d’eau pour favoriser une vie abondante, avec assez de terres émergées pour réduire la sensibilité de la planète aux changements provoqués par la lumière solaire.

Sous l’épaisse atmosphère de Vénus, l’enfer !
(crédits : JAXA)

De toute évidence, selon Wright, d’éventuelles technologies développées à l’époque sont aujourd’hui inopérantes, ce qui complique leur détection, et nécessite une analyse in-situ, particulièrement compliquée au vu des conditions (voir à ce sujet le programme soviétique Venera).

Concernant la planète rouge, elle aurait eu un océan d’eau liquide à surface il y a environ 4 milliards d’années. Les spéculations vont bon train sur la présence de vie passée. Ce sont principalement des structures microbiennes qui sont évoquées.

Wright va plus loin. L’érosion étant plus faible sur Mars que sur Terre, de potentielles structures extraterrestres relativement épargnées par le temps pourraient reposer sous la surface.

Et sinon ? Comme dans le cas de l’humanité, l’espace demeure le meilleur sanctuaire pour s’abriter du passage du temps. Il s’agit en fait du meilleur endroit pour envisager de telles recherches. Des artefacts sur des lunes ou des astéroïdes pourraient être détectables. Pour des objets en orbite (des satellites ou des sondes), ce serait a priori plus compliqué :

Si les artefacts sont inertes, manquent de propulsion, ils seront soumis au chaos dynamique du Système solaire et à la pression du rayonnement solaire.

En 2011, deux chercheurs qui débattaient déjà de la question expliquaient que notre technologie était de toute façon incapable de détecter des objets aussi petits dans l’espace.

En conclusion, Wright cite quelques technologies qui permettraient de favoriser les découvertes d’artefacts extraterrestres passés :

Peut-être que l’imagerie radar utilisée pour étudier la géologie des surfaces planétaires pourrait révéler des traces de structures enterrées, ou d’autres artefacts. La photométrie et les spectres des astéroïdes, des comètes et des objets de la ceinture de Kuiper pourraient révéler des anomalies d’albédo, de forme, de rotation, de composition ou autres, dues au fait que les cibles hébergent, ou sont, des artefacts.

Ce sujet, hautement spéculatif, fait rêver. Et incite à la réflexion sur notre propre place dans le Système solaire. Sur notre impact impact environnemental et ses funestes conséquences. Sur notre impact dans le temps, le temps long, celui qui détruit tout. Postulat de science-fiction : si de futurs archéologues extraterrestres explorent un jour la Terre à la recherche d’artefacts de notre civilisation et ne retrouvent, de notre histoire, de nos arts, de nos guerres, de nos amours, que quelques microscopiques particules de plastique, qu’en concluront-ils ?

1 commentaire

  1. Tout cela est strictement vrai pour le présent, mais nous n’avons pas dit le dernier mot car nous n’avons aucune compréhension sur la dernière découverte de la nature qui pourrait être un lien vers une civilisation supérieure, j’ai confiance en l’homme et son moyen de savoir.

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