Le retour sur la Lune
Le 11 décembre 1972, l’astronaute américain Gene Cernan pose le pied sur la Lune dans le cadre de la mission Apollo 17. Véritable triomphe technique et scientifique, la mission se déroule pourtant dans une certaine indifférence médiatique. Onze hommes, avant Cernan, ont déjà marché sur la Lune. Et, depuis, aucun. C’était il y a pourtant près d’un demi-siècle. Heureusement, cela pourrait bientôt changer…
Les préférences vont vers les confins
Mais alors pourquoi n’y est-on jamais retourné ? Au milieu des années 70, le gouvernement américain n’a plus les yeux portés vers le ciel : les américains ont triomphalement remporté la course à l’espace face à l’Union Soviétique, et la très coûteuse guerre du Vietnam s’éternise. A quoi bon envoyer des hommes là-bas ? Après avoir grimpé au sommet de l’Everest, il faut bien redescendre. Et puis l’exploration du cosmos par des sondes est plus rapide, plus sécurisée, plus efficace et moins chère, comme le démontreront les missions Voyager et Viking, qui fourniront de sublimes images de mondes jusque-là inaccessibles. Et c’est ainsi que plus de quarante ans après l’épopée du commandant Cernan et de son équipe, plus personne n’a marché sur la Lune, ce qui n’a d’ailleurs pas manqué d’alimenter les théories conspirationnistes.
Pour être tout à fait honnête, il faut préciser que si aucun homme n’a été envoyé sur la Lune depuis 1972, de nombreuses missions ont malgré tout été lancées : des orbiteurs, des atterrisseurs, des rovers… Mais aucun homme.
Pourtant, un projet ambitieux, successeur des missions Apollo, est envisagé dans les années 2000 : le programme Constellation. Initié par le président George W. Bush, il doit signer le grand retour des missions spatiales habitées des États-Unis en envoyant l’homme sur la Lune avant 2020. En 2010, Barack Obama annonce son annulation, pour des raisons de calendrier et de budget. Coup dur pour la NASA.
Voir incessamment la Lune porter son regard vers la Terre toute les nuits a-t-il fini par nous lasser ? Nos rêves de cosmos nous poussent peut-être à vouloir explorer plus avant le Système solaire, délaissant notre environnement proche… Ce serait dommage : la Lune est loin d’avoir dévoilée tous ses secrets, et son intérêt scientifique est intact. Il est temps d’y retourner.
Quand la Chine s’éveillera
Nous ne vivons plus dans un monde bipolaire : dans le spatial comme ailleurs, il faudra compter avec une multitude de pays – et c’est tant mieux – dont fait évidemment partie la Chine. Le programme lunaire établi par la CNSA, l’agence spatiale chinoise, est pragmatique, réaliste et ambitieux.
Il est divisé en trois phases, chacune servant de test technologique pour les suivantes :
- La première phase, désormais terminée, a permis le lancement de deux orbiteurs autour de notre satellite
- La deuxième, a permis de faire atterrir un rover en 2013 ; un deuxième devrait suivre en 2020, dédié à l’exploration de la face cachée de la Lune
- La troisième phase, enfin, prévoit de récupérer des échantillons grâce à un rover et de les ramener sur Terre grâce à un orbiteur – lancement prévu dès 2019 !
Bref, un joli tutoriel dont l’objectif final est bien d’envoyer l’homme sur la Lune, et si possible avant 2040.
Comme le déclare un responsable :
L’avenir du programme spatial habité de la Chine n’est pas l’alunissage, ce qui est assez simple, ou un programme de vol habité vers Mars, qui reste difficile actuellement, mais l’exploration continue de l’espace Terre-Lune avec un développement constant des technologies.
A noter que l’Inde prévoit elle de lancer un rover près du pôle sud à la fin de l’année 2018. La course a l’espace serait-elle de retour ?
We have to go back, Kate !
Au début de l’année 2018, la NASA a organisé un atelier de réflexion de deux jours dédié à des missions d’atterrissage sur la Lune.
Dans un entretien accordé au magazine Scientific American, le principal organisateur de l’événement, Greg Schmidt, se montre optimiste :
Cette fois-ci ce n’est pas une guerre froide de course à la Lune entre deux superpuissances hostiles. Le monde entier s’intéresse à la Lune.
Le projet principal évoqué par la NASA durant cet atelier est Deep Space Gateway (Porte vers l’espace profond, en français), une mission née après l’abandon du programme Constellation et prévue pour les années 2020. Il s’agit en fait d’une mini-station spatiale qui orbiterait autour de la Lune et permettrait de faciliter des missions d’astronautes sur notre satellite, notamment sa face cachée, d’une part ; et d’envisager des missions plus ambitieuses vers d’autres corps du Système solaire, d’autre part.
L’occasion d’utiliser enfin le futur super-lanceur de la NASA, le Space Launch System, qui sera chargé de mettre en orbite les différents éléments de la station. Une station qui n’est guère comparable à l’ISS : elle ne pourra accueillir que quatre astronautes, et pas en permanence.
Retourner sur la Lune nécessite évidemment une forte impulsion politique, comme cela fut le cas lors des missions Apollo. En décembre 2017, le président américain Donald Trump confirmait le retour d’astronautes sur la Lune :
Cette fois, il ne s’agira pas seulement de planter notre drapeau et de laisser notre empreinte. Nous établirons une base pour une mission vers Mars et peut-être un jour au-delà.
Qu’en est-il du calendrier ? Pour le moment, c’est plutôt encourageant :
- Un premier vol d’essai dès 2020
- Le module d’habitat assemblé en 2024 avec quatre astronautes
- Et peut-être un vaisseau appelé Deep Space Transport Vehicule pour 2029, chargé de simuler un voyage sur Mars qui aurait lieu vers 2033…
Qui sait si l’industrie privée attendra la NASA ? Pour l’instant, Elon Musk, l’ambitieux directeur de l’entreprise SpaceX, affirme que l’agence américaine est prioritaire, et qu’il ne viendra pas la court-circuiter : les deux travailleront de concert. En tout cas, SpaceX désire envoyer deux touristes autour de la Lune dès la fin de l’année 2018, sur les traces de la mission Apollo, avant d’envisager une base lunaire dans la prochaine décennie. Prudence, toutefois : les annonces de Musk sont toujours spectaculaires, mais les délais rarement respectés !
Du côté du concurrent principal de SpaceX, Blue Origin, la société de Jeff Bezos (fondateur du site Amazon), on plaide également pour un partenariat entre public et privé, afin d’établir une base permanente sur la Lune, idéalement située sur l’un des pôles, où les cratères sont supposés contenir d’importantes réserves d’eau glacée.
Quoique médiatiquement moins bruyant que son concurrent Elon Musk, Bezos n’en est pas moins ambitieux :
Je veux voir des millions de personnes vivre et travailler dans l’espace, je veux que nous devenions une civilisation spatiale. Nous avons besoin d’explorer et d’utiliser l’espace pour sauver la Terre.
Mon petit village
Un autre projet particulièrement ambitieux est celui de l’Agence Spatiale Européenne (ESA). Menée sous l’impulsion de son directeur Jan Wörner, il vise à établir un village permanent sur la Lune ! Dans la lignée de la Station spatiale internationale, ce village serait ouvert à toutes les agences spatiales du monde ainsi qu’aux entreprises privées, qui pourraient chacune contribuer au projet à leur manière. La Chine a d’ores et déjà manifesté son intérêt.
Le projet est évidemment à l’état embryonnaire, mais des recherches et réflexions sont déjà menées sur l’emplacement d’un tel village (peut-être sur la mystérieuse face cachée, ou près des pôles) ou sur les méthodes de construction employées (impression 3D ?). D’autres études prévoient que le village ne serait habité que par des robots, une vision ambitieuse mais qui met une fois de plus à mal le retour effectif de l’homme sur la Lune !
Quant au calendrier… Là encore, il faudra être patient. Le projet n’en est encore qu’à ses balbutiements, et sera sérieusement envisagé – s’il est validé par les États membres de l’ESA et financé – après la fin de la Station spatiale internationale, soit au milieu des années 2020 pour une réalisation dans le courant de la décennie suivante.
Dans un entretien donné au Parisien, Claudie Haigneré, ancienne astronaute et conseillère auprès de Jan Wörner, résume :
Y construire un village, cela signifie penser l’expansion de notre société sur une autre surface que la Terre. C’est un projet de civilisation ! Et c’est aussi une étape intermédiaire sur le chemin qui mène à la planète Mars.
L’avant-poste de l’homme dans l’espace, c’est aujourd’hui la Station spatiale internationale, située à environ 400 kilomètres de la surface de la Terre. Au-delà, et jusqu’aux confins de l’Univers observable, nulle présence humaine. N’est-il pas temps aujourd’hui de repousser cette frontière ?
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