science-fiction – Dans la Lune Vers l'infini, et au-delà ! Sun, 07 Nov 2021 19:06:20 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.8.2 https://i1.wp.com/dans-la-lune.fr/wp-content/uploads/2020/11/cropped-Dans-la-lune-favicon-couleur.jpg?fit=32%2C32&ssl=1 science-fiction – Dans la Lune 32 32 7541914 #4 Le space horror en jeu-vidéo /2021/11/05/4-le-space-horror-en-jeu-video-guillaume-baychelier/ /2021/11/05/4-le-space-horror-en-jeu-video-guillaume-baychelier/#respond Fri, 05 Nov 2021 18:33:04 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=2451 Dans l’espace, personne ne vous entendra crier, disait l’affiche du film Alien, de Ridley Scott, sorti en 1979. Ce qui est vrai au cinéma l’est aussi en jeu-vidéo. Le genre du space-horror est peut-être moins prolifique derrière une manette que dans les salles obscures, mais cela ne l’empêche pas d’être particulièrement efficace. Âmes sensibles s’abstenir […]

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Dans l’espace, personne ne vous entendra crier, disait l’affiche du film Alien, de Ridley Scott, sorti en 1979. Ce qui est vrai au cinéma l’est aussi en jeu-vidéo. Le genre du space-horror est peut-être moins prolifique derrière une manette que dans les salles obscures, mais cela ne l’empêche pas d’être particulièrement efficace. Âmes sensibles s’abstenir : nous avons rendez-vous avec Guillaume Baychelier.

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Parmi les jeux cités par moi ou ce cher Guillaume (liste non exhaustive) :

  • Les sagas Resident Evil et Silent Hill
  • La trilogie Dead Space
  • Le très grand Alien Isolation
  • Moons of Madness
  • Adrift
  • Star Citizen
  • Elite : Dangerous
  • No Man’s Sky
  • Le très cool Outer Wilds (à ne pas confondre avec le très naze Outer Worlds)

Crédits audio :
Home – Hold
Jason Graves – Dead Space Theme

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La Nuit du Faune – Romain Lucazeau /2021/09/12/la-nuit-du-faune-romain-lucazeau/ /2021/09/12/la-nuit-du-faune-romain-lucazeau/#comments Sun, 12 Sep 2021 09:09:03 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=2427 Prudence : cet article révèle quelques éléments importants de l’intrigue. Le nouveau roman de Romain Lucazeau, La Nuit du Faune, a le potentiel de pouvoir emmener un public néophyte vers un genre souvent considéré comme particulièrement ardu – la hard-SF. Relativement court – 250 pages – il se pare des jolis atours du conte pour […]

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Prudence : cet article révèle quelques éléments importants de l’intrigue.

Le nouveau roman de Romain Lucazeau, La Nuit du Faune, a le potentiel de pouvoir emmener un public néophyte vers un genre souvent considéré comme particulièrement ardu – la hard-SF. Relativement court – 250 pages – il se pare des jolis atours du conte pour emmener son lecteur vers un voyager vertigineux jusqu’aux confins du cosmos. On le pressentait avec Latium, son précédent roman, on en a désormais la confirmation : Lucazeau est un grand auteur de SF, ou plutôt un grand auteur tout court.

Le Sense of wonder à la portée de tous

La Nuit du Faune démarre comme un mythe universel, comme le chant d’un aède, comme un vieux conte qui se transmet auprès de l’âtre, de grands-mères en petits enfants. Après un voyage éreintant, un faune rencontre une petite fille au sommet d’une montagne légendaire, dans un endroit longtemps jugé inaccessible. Elle semble être là depuis longtemps, très longtemps, trop longtemps sans doute, et pourtant après ses réserves initiales elle l’accueille chaleureusement et lui propose un surprenant voyage qui l’amènera loin, très loin, bien au-delà des limites du monde connu par le faune et ses congénères.

Le lecteur comprendra bien vite que la petite fille en question, appelée Astrée, est en fait la dernière survivante d’une civilisation post-humaine, devenue complètement transhumaniste, que sa montagne est une machine complexe destinée à la protéger, et que le faune qu’elle surnommera Polémas est issu d’une espèce qui a peuplé la Terre bien après la disparition de l’homme.

Avec son conte philosophique, Romain Lucazeau prend le contre-pied de son précédent romain, Latium (2018), vaste space opera.

C’est là tout le brio du nouveau roman de Romain Lucazeau : se montrer très accessible, prendre doucement le lecteur par la main en lui rappelant des récits universels pour l’emmener progressivement vers des contrées nettement moins familières, à travers un genre souvent considéré comme particulièrement ardu : la hard SF. Faut-il posséder un doctorat en physique pour lire du Greg Egan ? Sans doute pas, encore que cela doit aider, mais il est vrai que la hard SF, qui recherche à tout prix la crédibilité scientifique en collant au plus près aux théories et hypothèses en vigueur, est un genre relativement obscur, peu accessible aux néophytes. Ce qui est dommage puisqu’il est particulièrement générateur de sense of wonder, ce sentiment d’émerveillement propre à la science-fiction. Avec La Nuit du Faune, Romain Lucazeau offre enfin aux profanes l’occasion de goûter aux vertiges procurés par la hard SF.

Un avant-goût de l’infini

Le vertige du cosmos, c’est le vertige du temps autant que de l’espace. Les distances spatiales sont ce qu’elles sont, immensément grandes, déroutantes, frustrantes parfois à bien des égards, effrayantes peut-être… Autant de qualificatifs qui s’appliquent aussi aux distances temporelles, difficilement appréhendables par la conscience humaine, façonnée par son intuition et son expérience tout au long d’une vie qui ne durera guère plus d’un siècle. Un million d’années, c’est autre chose qu’un siècle, chacun en conviendra. Un milliard, n’en parlons même pas. A l’aide de métaphores élégantes, et grâce à une écriture qui se rapproche parfois de la poésie en prose, Romain Lucazeau démarre ce voyage de la plus belle des manières, et le lecteur se sent forcément dérouté, écrasé presque par les années qui le surplombent. Un vertige qui n’est pas sans rappeler le fameux calendrier cosmique de Carl Sagan, autre méthode pour faire ressentir à l’homme ce que signifie réellement l’âge de l’Univers ou de la Terre.

Ce voyage à travers le temps, raconté par Astrée, est nécessaire pour bien comprendre le cycle de la vie sur Terre et plus globalement à travers l’Univers. Pour Romain Lucazeau, point de Grand Filtre, du nom de cette hypothèse qui explique que des barrières pourraient entraver l’accès à l’espace des civilisations planétaires. L’Univers grouille de vie, ne serait-ce que dans le Système solaire, depuis les lunes glacées d’Encelade (un corps il est vrai particulièrement prometteur pour les exobiologistes), jusqu’aux nuages de Jupiter (rappelant là encore les hypothèses de Carl Sagan). La vie foisonne, voyage de corps en corps, s’étend à travers le cosmos, se transforme, quitte son enveloppe biologique, et se rassemble en meta-civilisations aux ambitions galactiques.

Vie hypothétique dans les nuages de Jupiter. (crédits : Adolf Schaller)

Evidemment, l’espace est un lieu propice à la mélancolie, comme la SF l’a déjà largement démontré. De mon côté, il m’arrive parfois de lever et les yeux et de ressentir une grande mélancolie en pensant à ces étoiles sans doute à jamais inaccessibles, aux progrès extraordinaires et pourtant si dérisoires de l’exploration spatiale à l’échelle de la galaxie, au fait que peut-être je m’éteindrais un jour sans savoir si, quelque part, une vie extraterrestre, ne serait-ce que microscopique, existe.

Romain Lucazeau prend le contre-pied total de ces thèmes assez classiques : l’espace peut rester profondément mélancolique, même avec un Univers foisonnant de vie, il demeure également effrayant, surtout quand des forces de nature quasiment divines, capables de maîtriser l’espace, le temps, la matière et la gravité, se livrent des guerres durant des millions d’années. Agrégé de philosophie, épris de métaphysique, Lucazeau questionne constamment le destin de l’Univers et des civilisations qui le composent. Le tout, et c’est une prouesse, en restant toujours clair, synthétique, et acceesible.

Véritable synthèse de la hard-SF, La Nuit du Faune fourmille d’idées absolument géniales qui chacune pourraient donner lieu à de grands romans. Sans en dévoiler la teneur, le dernier tiers du roman, proprement épique, atteint des sommets de sense of wonder. J’en suis personnellement ressorti complètement ébahi.

On se sent un peu minuscule, en lisant La Nuit du Faune, après tout c’est ce qu’on attendait d’un roman qui promettait de nous raconter l’impermanence des civilisations. Et on se plaît à rêver aussi, en levant les yeux et en contemplant les étoiles et le vide qui les sépare. Là encore, ce n’est rien moins que l’essence pure de la science-fiction. Un chef-d’œuvre ? Ouais, clairement.

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#1 Philip K. Dick, l’homme derrière le mythe /2021/09/01/1-philip-k-dick-lhomme-derriere-le-mythe-laurent-queyssi/ /2021/09/01/1-philip-k-dick-lhomme-derriere-le-mythe-laurent-queyssi/#respond Wed, 01 Sep 2021 19:23:54 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=2416 Faut-il vraiment présenter Philip K. Dick ? Si vous aimez la science-fiction, vous le connaissez forcément. Et si vous n’aimez pas la science-fiction, et bien vous le connaissez peut-être quand même. Car l’auteur américain, qui a écrit plus de 40 romans et 120 nouvelles, largement adapté au cinéma et à la télévision, entre autres, est […]

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Faut-il vraiment présenter Philip K. Dick ? Si vous aimez la science-fiction, vous le connaissez forcément. Et si vous n’aimez pas la science-fiction, et bien vous le connaissez peut-être quand même. Car l’auteur américain, qui a écrit plus de 40 romans et 120 nouvelles, largement adapté au cinéma et à la télévision, entre autres, est parvenu à attirer un lectorat très large, loin du cercle parfois assez fermé des amateurs des littératures de l’imaginaire. En témoigne d’ailleurs la réédition de l’intégrale de ses nouvelles chez Gallimard. On dit souvent de lui qu’il est un auteur psychédélique, barré, métaphysique, drogué et paranoïaque.. Au-delà du mythe Dick, penchons-nous aujourd’hui sur l’auteur Philip, avec un spécialiste. Nous avons rendez-vous avec Laurent Queyssi…

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Et pour poursuivre les voyages dickiens, quelques suggestions :

crédits musicaux :
HOME – Hold
Benjamin Wallfisch, Hans Zimmer – Tears in the Rain (Blade Runner 2049)

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La hard SF au cinéma /2021/07/20/la-hard-sf-au-cinema/ /2021/07/20/la-hard-sf-au-cinema/#comments Tue, 20 Jul 2021 12:39:23 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=2372 C’est un genre littéraire réputé relativement herm��tique, et peu accessible aux néophytes. Pourtant, il faut se laisser tenter, car le jeu en vaut la chandelle. Et pourquoi ne pas démarrer dans le genre en visionnant son pendant cinématographique ? Suivez-nous, on va vous faire aimer le hard ! Plus c’est dur et plus c’est bon […]

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C’est un genre littéraire réputé relativement hermétique, et peu accessible aux néophytes. Pourtant, il faut se laisser tenter, car le jeu en vaut la chandelle. Et pourquoi ne pas démarrer dans le genre en visionnant son pendant cinématographique ? Suivez-nous, on va vous faire aimer le hard !

Plus c’est dur et plus c’est bon

De la hard-SF, vous dites ? On pourrait le traduire en français par la science-fiction pure et dure, sans concession, c’est-à-dire la plus rigoureuse qui soit sur le plan scientifique, au regard des connaissances en vigueur au moment où l’auteur rédige son œuvre. Souvent considérée comme ardue, voire imbitable – parfois à raison ! – elle peut exiger du lecteur un minimum de connaissances scientifiques dans le domaine qu’elle traite, et n’hésite pas à l’abreuver de détails techniques, toujours dans l’objectif d’être plausible. Evidemment, la hard-SF, puisqu’elle traite des mondes de demain, invente le futur, mais elle le fait en cherchant à être crédible : les hypothèses d’aujourd’hui deviennent les faits de demain. En étant vraisemblables, les lendemains qui y sont décrits s’éloignent du fantastique pur : la hard-SF, c’est clairement l’inverse de Star Wars !

A titre personnel, j’ai toujours considéré Star Wars comme étant de la fantasy dans l’espace plus que de la SF, d’ailleurs.

Dans un excellent article consacré au genre, le blogueur Apophis décrit quelques-unes des caractéristiques majeures de la hard-SF :

  • Elle est axée sur le sense of wonder, le sentiment de vertige et d’émerveillement devant les mystères de l’Univers
  • Elle fait primer la réflexion sur le divertissement
  • Elle se centre sur les idées et l’univers plutôt que sur les personnages et leurs aventures

Parmi les grands noms de la hard-SF en littérature figurent notamment Robert A. Heinlein, Greg Bear, Stephen Baxter ou encore Greg Egan. Il faut s’accrocher pour réussir à suivre certaines des nouvelles d’Egan, même si une partie du plaisir consiste aussi à accepter de lâcher prise, et de se perdre dans certains des concepts théoriques vertigineux qu’il propose. Dans La plongée de Plank, par exemple, il propose un voyage vertigineux au cœur d’un trou noir, aux frontières de la connaissance humaine.

L’esprit, qui met en route les images derrière les mots, est forcément stimulé par de tels récits. On se plaît à découvrir, couchées sur le papier, les conséquences des hypothèses les plus audacieuses d’aujourd’hui. Et on se dit que le cinéma n’a pas encore suffisamment exploré ce genre pourtant si créatif. Sans doute parce que c’est un genre de niche, et qu’il demanderait forcément d’importants budgets en effets spéciaux.

La sélection Dans la Lune

Bon, il existe tout de même bien des pépites, dont je vous propose aujourd’hui une petite sélection, évidemment non exhaustive, et purement personnelle !

Destination… Lune ! – Irving Pichel (1950)

Le pionnier du genre. La hard SF reste de la hard SF même lorsque la réalité a dépassé la fiction : dix-neuf ans avant les premiers pas de Neil Armstrong, la même année qu’Hergé, et un demi-siècle après George Méliès, Pichel traite des immense défis scientifiques et techniques à relever dans le cadre d’une mission habitée sur la Lune.

2001 : L’Odyssée de l’espace – Stanley Kubrick (1968)

Est-il encore nécessaire de le présenter ? Intelligence artificielle, exploration spatiale, vie extraterrestre, le tout à la sauce métaphysique : co-écrit par le grand romancier Arthur C. Clarke, 2001 résume à lui tout seul la science-fiction, et demeure visuellement encore époustouflant, un demi-siècle après sa sortie. Sa suite, 2010 : L’Année du premier contact (1982), évidemment moins culte, vaut toutefois le détour.

Solaris – Andreï Tarkovski (1972)

Souvent présenté comme le 2001 russe, Solaris est pourtant bien moins ésotérique, et sans doute aussi moins clinique, moins froid : ici, l’intime humain se mêle à l’infini cosmique. Attention tout de même, c’est long (2h45). Un remake pas aussi nul qu’on pourrait le croire a été réalisé par Steven Soderbergh en 2002.

Les Ailes d’Honnéamise – Hiroyuki Yamaga (1987)

Un petit bijou méconnu de l’animation japonaise ! Les efforts désespérés d’une section aérospatiale au sein de l’armée d’un monde parallèle mais fort semblable au nôtre, qui cherche à rejoindre les étoiles… Hard SF ? En tout cas un soin très particulier pour rendre crédibles les technologies utilisées.

Contact – Robert Zemeckis (1997)

Cette adaptation d’un roman du scientifique britannique Carl Sagan propose une vision émouvante et merveilleuse de la hard-SF en suivant la quête d’une chercheuse du SETI à la découverte de la première civilisation extraterrestre, suite à la réception d’un étrange signal radio. L’intro à elle seule est un petit chef-d’œuvre.

Primer – Shane Carruth (2004)

Honnêtement, c’est un délire, il faut accrocher. Cette toute petite production indépendante, sans effets spéciaux ou presque, propose un scénario d’une complexité hallucinante autour du voyage dans le temps, ses conséquences et ses paradoxes insolubles. Prévoyez des dolipranes, juste au cas où.

Moon – Duncan Jones (2009)

Le premier et très prometteur film de Duncan Jones, le fils de David Bowie qui n’aime peut-être pas qu’on le rappelle constamment et qui n’a depuis pas fait grand-chose, suit les aventures d’un homme vivant seul sur une station lunaire chargée d’extraire des ressources énergétiques nécessaires à la Terre. Un film sobre, beau, et tout en non-dits.

Europa Report – Sebastián Cordero (2013)

Souvent oublié, ce film sympathique raconte la première expédition habitée vers la fascinante lune de Jupiter, Europe, afin d’y chercher une éventuelle vie extraterrestre. La scène de descente vers la surface est magistrale !

Interstellar – Christopher Nolan (2014)

Produit par le physicien américain Kip Thorne, Interstellar mélange de la pure hard-SF à une histoire intime entre un père et sa fille, aux prises avec les effets étranges de la Relativité générale. Avec en guest star un sublime trou noir, qui n’aura jamais été aussi bien représenté au cinéma.

Coherence – James Ward Byrkit (2014)

La hard-SF s’invite à la maison : dans ce huis-clos à tout petit budget dont les dialogues sont largement improvisés, des amis qui se retrouvent lors d’un dîner doivent faire face aux étranges effets du passage d’une comète à proximité de la Terre. Au menu : mécanique quantique et multivers…

Seul sur Mars – Ridley Scott (2015)

Encore l’adaptation d’un roman, en l’occurrence écrit par Andy Weir. Un bel éloge à l’ingénierie, aux techniques, à l’inventivité de l’homme, à la science en général. Et qui donne furieusement envie d’aller enfin poser le pied sur Mars, fût-ce pour y rester coincé !

Premier Contact – Denis Villeneuve (2016)

Là encore, il s’agit d’une adaptation, cette fois d’une nouvelle de Ted Chiang, L’Histoire de ta vie, issue du recueil La Tour de Babylone. Synopsis : d’étranges vaisseaux extraterrestres se posent sur Terre. Gentils, belliqueux��? Pour le déterminer, il va bien falloir tenter de communiquer. Un surprenant mélange de linguistique et de SF.

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Devs – la somme des possibles /2021/06/25/devs-la-somme-des-possibles/ /2021/06/25/devs-la-somme-des-possibles/#respond Fri, 25 Jun 2021 17:41:59 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=2343 Prudence : cet article révèle des éléments de l’intrigue ! Si les mots suivants vous parlent – multivers, physique quantique, transhumanisme, intelligence artificielle – alors la minisérie en huit épisodes Devs est faite pour vous ! Le démon de Laplace Dans l’épisode-pilote de Devs, Sergueï, un brillant ingénieur travaillant pour la firme Amaya, spécialisée dans l’informatique […]

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Prudence : cet article révèle des éléments de l’intrigue !

Si les mots suivants vous parlent – multivers, physique quantique, transhumanisme, intelligence artificielle – alors la minisérie en huit épisodes Devs est faite pour vous !

Le démon de Laplace

Dans l’épisode-pilote de Devs, Sergueï, un brillant ingénieur travaillant pour la firme Amaya, spécialisée dans l’informatique quantique, est recruté pour travailler dans le service recherche et développement (surnommé Devs), qui suscite bien des fantasmes parmi les salariés. A l’issue de sa première journée, après avoir découvert une partie des recherches troublantes menées dans ce département, Sergueï disparaîtra brutalement. La série suivra dès lors l’enquête de sa petite amie, Lily Chan, qui doute de la version des faits fournie par les enquêteurs qui lui expliquent, preuve à l’appui, que Sergueï s’est donné la mort.

De loin, Devs, la nouvelle série d’Alex Garland (réalisateur d’Ex-Machina et d’Annihilation) pourrait ressembler à un très long épisode de Black Mirror. On y retrouve l’ambiance froide et clinique qui a fait le succès de la série britannique, ainsi que la critique des dérives de nos technologies numériques. Les grandes start-up de la Silicon Valley au discours volontiers utopique et qui sont devenues avec les années des monstres à la volonté démiurgique, en prennent pour leur grade. Sorte de thriller de science-fiction se déroulant dans un futur proche, Devs va toutefois beaucoup plus loin en n’hésitant pas à aborder de profondes questions métaphysiques, le tout sublimé par une réalisation de haute volée (mention spéciale à la photographie classe et épurée, ainsi qu’aux musiques qui mélangent chants grégoriens et musique électronique).

Ambitieuse, réaliste, Devs va piocher dans la physique quantique pour aborder de nombreux thèmes fascinants, parmi lesquels la question des multivers, l’hypothèse de simulation, et bien sûr le déterminisme. Quelle place pour le libre-arbitre de l’homme dans un univers où le mouvement de chaque particule peut-être prédit grâce à la technologie ?

En ce sens, toute l’idée derrière la technologie présentée dans Devs peut finalement être résumée à la fameuse phrase de Pierre-Simon de Laplace, d’ailleurs citée dans l’épisode 7 (et faussement attribuée par l’un des personnages à Shakespeare) :

Une intelligence qui, à un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était suffisamment vaste pour soumettre ces données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’univers et ceux du plus léger atome ; rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir, comme le passé, serait présent à ses yeux.

L’interprétation des mondes multiples

En réponse au problème de la mesure en mécanique quantique, Devs choisit une hypothèse audacieuse, confirmée par son scénario mais aussi par quelques scènes visuellement impressionnantes : l’interprétation des mondes multiples de Hugh Everett.

Erwin Shrödinger

En mécanique quantique, un objet – par exemple une particule – peut se retrouver dans deux états ou deux positions à la fois. C’est la mesure, l’observation, qui viendra déterminer l’état de l’objet. Le célèbre paradoxe du chat de Schrödinger illustre cette étrangeté contre-intuitive de la manière suivante. Le physicien autrichien Erwin Shrödinger (1887 – 1961) a proposé de mettre un chat dans une boîte avec un dispositif qui casse une fiole de poison dès qu’est détecté la désintégration d’une particule. Or, selon les lois de la mécanique quantique, tant que la particule n’a pas été observée (mesurée), elle se trouve simultanément dans l’état désintégré et dans l’état non désintégré. Donc le chat est à la fois vivant et mort. Et c’est au moment où l’observateur ouvre la boîte que l’état de la particule est déterminé, et donc que le chat est vivant ou mort.

Le physicien américain Hugh Everett (1930 – 1982) a proposé en réponse que l’Univers bifurque lorsque la particule est observée, qu’il se scinde en deux : dans l’un, le chat est mort, dans l’autre, il est vivant. Il n’y a pas en soi de problème de mesure, mais simplement une multitude d’univers dans lesquels chaque particule a un état bien déterminé.

Les conséquences sont absolument vertigineuses : il existerait une infinité d’univers parallèles qui se créent à partir de chaque résultat de mesure quantique. Une infinité d’univers avec une infinité de copies de nous-mêmes vivant des existences complètement différentes, ou très fortement similaires à celle que nous vivons quotidiennement. Dès lors, plus de place pour le hasard, pour l’aléatoire, pour le choix, pour le libre-arbitre. Dans une infinité d’univers, vous êtes déjà morts, dans une infinité d’autres, vous êtes encore vivants, et vous avez pris toutes les décisions que vous avez choisi de ne pas prendre, dans cet univers. Dans un nombre incalculable d’univers, vous êtes mort, dans un autre, vous n’êtes jamais né. Dans un autre, vous n’avez pas cliqué sur cet article. Dans un autre, vous n’avez pas regardé Devs.

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Soon ou le grand filtre /2020/04/24/soon-ou-le-grand-filtre/ /2020/04/24/soon-ou-le-grand-filtre/#respond Fri, 24 Apr 2020 09:35:50 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=2181 Prudence : cet article révèle des éléments de l’intrigue ! Dans cette bande dessinée surprenante de Thomas Cadène et Benjamin Adam, un adolescent parcourt le monde de l’an 2151 tandis que sa mère se prépare pour une mission spatiale ambitieuse et sans retour. Un récit de science-fiction qui mêle l’intime à l’épique dans un joli […]

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Prudence : cet article révèle des éléments de l’intrigue !

Dans cette bande dessinée surprenante de Thomas Cadène et Benjamin Adam, un adolescent parcourt le monde de l’an 2151 tandis que sa mère se prépare pour une mission spatiale ambitieuse et sans retour. Un récit de science-fiction qui mêle l’intime à l’épique dans un joli écrin, avec un style graphique étonnant.

Le grand voyage

Soon est divisé en deux grandes parties dont les chapitres s’intercalent les uns entre les autres. Il y a d’abord le grand récit de l’Univers, depuis le Big Bang jusqu’à l’année 2151, celle où se déroule le récit de Youri, un adolescent dont la mère, Simone, doit partir pour un voyage spatial dont le lecteur ignore d’abord à peu près tout mais dont il sait en tout cas qu’il est sans retour.

Soon raconte l’émergence d’une civilisation spatiale qui aura survécu à la menace d’un anéantissement global. Dans certaines pages qui résonnent froidement avec l’actualité, il est fait état d’une suite de catastrophes écologiques (des tempêtes), sanitaires (l’apparition d’une grippe pandémique et l’érosion de la fertilité) et géopolitiques (une guerre mondiale) qui se sont déroulées des années 2030 à 2050 et ont réduits la population mondiale à un peu moins d’un milliard d’habitants.

Au prix de graves sacrifices, l’humanité est toutefois parvenue à survivre et à rebâtir une société. La Terre est désormais divisée en quatre zones. La première, la plus grande avec 98% des terres émergées, est interdite aux hommes, elle est rendue à la nature. Les hommes vivent au sein de sept villes réparties sous la planète, et signataires d’un contrat commun.

C’est ce monde que Simone souhaite explorer avec son fils Youri, un dernier tour du monde avant de s’échapper vers un autre monde, celui des étoiles. Mais un voyage qui ne se passera pas tout à fait comme prévu, Youri refusant ce qu’il considère n’être rien d’autre qu’une tournée d’adieux…

Riche de références à l’histoire exploration spatiale, Soon aborde des thématiques universelles : le manque, le deuil, le nécessaire besoin d’exploration de l’homme, et finalement son refus de cesser d’espérer, le tout au sein d’un monde concrètement post-apocalyptique mais aux antipodes de ce qu’il évoque d’ordinaire.

Vers le grand filtre

Soon, c’est cela : une civilisation qui a frôlé l’apocalypse, mais qui est parvenu malgré tout à poursuivre l’exploration spatiale. Une civilisation conscience de sa fragilité et qui souhaite augmenter ses chances de survie en essaimant dans l’espace.

Voilà qui évoque l’une des solutions possibles au paradoxe de Fermi qui, pour rappel, se base sur la question suivante : si une civilisation extraterrestre existait dans notre galaxie, nous devrions déjà avoir été visités par elle, au vu de la taille et de l’âge de la Voie Lactée.

Parmi les innombrables réponses possibles à ce paradoxe, en voici une : des civilisations extraterrestres existent bien, mais elles s’éteignent toutes avant de pouvoir s’établir durablement dans l’espace et quitter leur berceau planétaire. Elles épuisent toute l’énergie de leur planète sans pouvoir s’en arracher, s’effondrent et disparaissent.

Dans Soon, l’humanité semble, pour un temps au moins, être parvenue à passer ce moment critique de l’histoire des civilisations. En serons-nous capables ? Dans ce contexte, nous sommes à une époque charnière. Par la force de leur raison, les hommes sont parvenus à s’arracher de l’attraction gravitationnelle de la Terre pour explorer leur environnement spatial (très) proche, surtout à l’aide de sondes et de robots. Mais par ailleurs, de multiples dangers menacent leur existence. La route pour devenir une civilisation spatiale (concept nébuleux s’il en est) est encore longue, quoi qu’en disent certains grands entrepreneurs nourris à la science-fiction. Mais cette route est belle et porteuse d’espoirs.

Soon, une bande-dessinée de Thomas Cadène et Benjamin Adam, aux éditions Dargaud.

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Podcast #5 – Cosmos et jeu vidéo /2019/12/25/podcast-5-cosmos-et-jeu-video/ /2019/12/25/podcast-5-cosmos-et-jeu-video/#respond Wed, 25 Dec 2019 19:01:31 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=2131 Quand on pense à la science-fiction, on pense à Star Wars, à Philip K. Dick, à 2001 – bref, aux grandes œuvres cinématographiques ou littéraires. On oublie un autre domaine, les jeux-vidéo, qui proposent une vision différente et interactive de l’espace, un moyen de projection direct du joueur. Retour aujourd’hui sur l’histoire des jeux-vidéo dans […]

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Quand on pense à la science-fiction, on pense à Star Wars, à Philip K. Dick, à 2001 – bref, aux grandes œuvres cinématographiques ou littéraires. On oublie un autre domaine, les jeux-vidéo, qui proposent une vision différente et interactive de l’espace, un moyen de projection direct du joueur. Retour aujourd’hui sur l’histoire des jeux-vidéo dans l’espace, et sur quelques œuvres majeurs.

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Cosmos et jeu-vidéo

Tellement de jeux ont été évoqués ! Bon, en voici quelques-uns :

  • Le précurseur Spacewar ! (1961)
  • Space Invaders, Space Panic, le fameux E.T L’extraterrestre dont le documentaire sur l’enfouissement des cartouches peut être visionné ici (mea culpa d’ailleurs : ce ne sont pas des millions de cartouches qui ont été enfouies, et le jeu a plutôt été un succès), ou encore Q*Bert (oh, dont la bouche ressemble à celle de Birdo et pas de Kirby, deux personnages Nintendo, mea culpa d’Isabelle également)
  • Les grands Elite et Wing Commander
  • Ainsi que leurs descendants, Elite : Dangerous et Star Citizen
  • Eve : Online, dont traite notamment l’épisode de Fouloscopie mentionné par Isabelle
  • L’Arche du Captain Blood
  • Un style graphique similaire, une approche très différente : Outer Wilds, dont j’ai déjà parlé ici, et No Man’s Sky
  • Mais aussi : FTL, Homeworld, Astroneer, Mass Effect, System Shock
  • Ça fait peur : Alien Isolation et Dead Space

A noter qu’un article de DLL parlait déjà de la représentation du cosmos dans les jeux-vidéos, c’est à lire ici.

Recommandations

Ça a l’air top ce roman graphique dont Isabelle nous a parlé, Soon, de Thomas Cadène et Benjamin Adam, aux éditions Dargaud.

Bon, moi, je vous conseille un truc un poil plus glauque : la série Grégory, sur Netflix, évidemment consacrée à l’affaire Grégory !

(crédits générique : HOME – Hold)


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L’été SF – Contact – Robert Zemeckis /2017/07/27/lete-sf-contact-robert-zemeckis/ /2017/07/27/lete-sf-contact-robert-zemeckis/#respond Thu, 27 Jul 2017 05:54:50 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=759 Cet été, je vous propose de revenir chaque semaine sur une œuvre de science-fiction. J’éviterai autant que possible les classiques absolus (Asimov, K. Dick et consorts), et axerai chacune de ces courtes chroniques sur un aspect  particulier qui, pour une raison ou pour une autre, m’a marqué. Il ne s’agira donc pas d’être érudit ou […]

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Cet été, je vous propose de revenir chaque semaine sur une œuvre de science-fiction. J’éviterai autant que possible les classiques absolus (Asimov, K. Dick et consorts), et axerai chacune de ces courtes chroniques sur un aspect  particulier qui, pour une raison ou pour une autre, m’a marqué. Il ne s’agira donc pas d’être érudit ou exhaustif, mais avant toute chose de vous donner envie de vous y plonger à votre tour !

Aujourd’hui, Contact, un adaptation du roman éponyme de Carl Sagan réalisé en 1997 par Robert Zemeckis.

Le voyage de nos ondes radio

BOUM ! Au tout début du film Contact, le spectateur est plongé dans un immense chaos auditif : il perçoit ici ou là de la musique, un solo de guitare, des voix. Et puis la caméra recule, dévoilant une magnifique Terre, dont l’une de ses faces est éclairée par le Soleil. La caméra recule encore, elle approche la Lune, survole Mars puis Jupiter et Saturne. Le son se calme un peu, quelques fragments de musique ou de discours se font entendre de manière fugace. La caméra quitte le système solaire. Puis c’est le silence absolu. La caméra recule encore, et encore. Elle quitte la galaxie, en traverse d’autres, beaucoup d’autres, des milliers d’autres qui inondent bientôt tout l’écran de leur lumière aveuglante.

La lumière ainsi que les ondes radio voyagent dans l’espace à la vitesse de 300 000 kilomètres par seconde, une limite imposée par les lois immuables de la nature. Une vitesse que notre perception, basée sur notre expérience sensible du quotidien, juge prodigieuse, et qui pourtant n’est rien à l’échelle de l’Univers. Il faut huit minutes à la lumière du Soleil pour parvenir jusqu’à la Terre, quand il faut plus de quatre ans à celle de Proxima Centauri (l’étoile la plus proche de la Terre après le Soleil) pour réaliser le trajet ! Ainsi, nous voyons Proxima Centauri dans le ciel tel qu’elle était il y a quatre ans. Plus on regarde loin, plus la lumière qui nous parvient est ancienne. Les photons de la galaxie GN-z11, observés par le télescope spatial Hubble, ont mis 13,4 milliards d’années pour atteindre la Terre. Il s’agit de la plus lointaine et donc de la plus ancienne galaxie jamais observée.

De la même manière, la lumière et les ondes radio émises depuis la Terre voyagent dans l’espace. Dans la scène d’introduction de Contact, plus la caméra s’éloigne de la Terre, et plus les sons sont anciens. Des derniers tubes musicaux contemporains du film (sorti en 1997), à des discours politiques ou des transmissions télévisées. Et jusqu’aux premières ondes émises avec l’invention de la radio, au tout début du XXe siècle. Au-delà de cette limite, la Terre est encore muette. Pour le moment.

La toute première émission de radio a été diffusée le 24 décembre 1906 par Reginald Fessenden, il s’agissait d’un court programme composée d’un discours, de musique et d’une lecture de la Bible. C’était il y a 111 ans. Ce programme a voyagé sur Terre, puis dans l’espace, à une distance d’environ 111 années-lumière de la Terre. Soit dans notre voisinage immédiat : le diamètre de notre galaxie, la Voie Lactée, est estimée à environ 120 000 années-lumière… Et la galaxie voisine la plus proche, Andromède, est située à environ 2,5 millions d’années-lumière : le programme de Reginald Fessenden arrivera donc là-bas dans 2,5 millions d’années…

 

Andromède photographiée par le télescope spatial Hubble.

Je deviendrais vieux, si tu me quittais des yeux

Cette scène d’introduction est à mon avis l’une des plus fascinantes de l’histoire du cinéma. En fait, mis face à l’infini, chaque spectateur réagira à sa manière : certains ressentiront un immense vertige, d’autres seront effrayés, d’autres encore resteront perplexes devant la place qu’occupe l’homme au sein de cet espace aux dimensions si démesurées. En trois minutes, en tout cas, il aura déjà voyagé loin de son canapé, par-delà l’espace et le temps.

A la fin de cette scène, la myriade de galaxies, qui ne forment désormais plus qu’une seule lueur blanche, se change en un reflet au fond des yeux d’une jeune fille en train d’effectuer un appel radio. Tout le film est résumé à cet instant précis : ce sera un grand voyage dans le cosmos, mais aussi un grand voyage dans l’intimité d’une femme en quête d’un bruit dans le silence.

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La proto-science-fiction /2017/06/05/proto-science-fiction/ /2017/06/05/proto-science-fiction/#comments Mon, 05 Jun 2017 10:21:12 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=702 Raconter le futur par le récit n’est pas un art réservé aux temps qui ont suivis la Révolution Industrielle. Retour, depuis l’aube de la littérature, sur ces fragments d’imaginaires du lendemain qui ont peu à peu contribué à la naissance d’un genre majeur : la science-fiction. Avant la genèse  Lorsqu’un genre culturel nouveau apparaît, on […]

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Raconter le futur par le récit n’est pas un art réservé aux temps qui ont suivis la Révolution Industrielle. Retour, depuis l’aube de la littérature, sur ces fragments d’imaginaires du lendemain qui ont peu à peu contribué à la naissance d’un genre majeur : la science-fiction.

Avant la genèse 

Lorsqu’un genre culturel nouveau apparaît, on se rend parfois compte qu’il n’est pas apparu à partir de rien, ex-nihilo, mais qu’il est issu d’influences plus anciennes.  On accole donc à tout ce qui est historiquement antérieur à un jalon posé officiellement le préfixe « proto » du grec protos, premier.

Si l’histoire commence officiellement avec l’écriture, celle-ci n’apparaît pas simultanément partout dans le monde. Globalement, la protohistoire va de la fin de la préhistoire jusqu’au début de l’Antiquité.

Soyons honnêtes : je n’aurais pas deux fois l’occasion sur Dans la Lune de parler des Stooges et de leur album Fun House, parfois considéré comme un album de proto-punk.

Si la révolution musicale punk en Angleterre est survenue en 1976, appelée d’ailleurs l’Année Zéro du punk, en revanche de nombreux groupes des années 60 pratiquaient déjà ce style de rock particulièrement dépouillé. Les voilà donc appelés par l’histoire des groupes « proto-punk ».

Vous avez compris la logique.

Ainsi de la proto-science-fiction. Pour savoir ce que cache ce terme, il faut d’abord tenter de définir ce qu’est la science-fiction. Compliqué. Disons, pour résumer, qu’il s’agit d’un genre particulièrement vaste qui à partir des connaissances scientifiques actuelles, cherche à fonder des hypothèses sur le futur. On parlait autrefois de « merveilleux scientifique » par opposition au fantastique qui contient une part d’inexplicable, ou encore de « fiction spéculative. » En somme, de l’irrationnel acceptable. Certaines thématiques reviennent régulièrement, comme par exemple les questions liées au voyage dans le temps et dans l’espace, ou la modification de l’homme par la technologie. Riche de sous-genres, comme le post-apocalyptique qui décrit la Terre après une catastrophe globale, ou bien l’uchronie, qui présente une réécriture de l’Histoire par la modification d’un fait passé (par exemple « et si Hitler avait gagné la guerre »), la science-fiction interroge le présent en imaginant le futur.

Mad Max : Fury Road, (2015) ou la folie post-apocalyptique selon George Miller.

On situe généralement l’apparition de la science-fiction au début du XXe siècle. Hugo Gernsback, Américain d’origine luxembourgeoise, passionné par le devenir des sciences, édite en 1908 un magazine de vulgarisation scientifique, Modern Electrics. Il publie ensuite des nouvelles pour tenter d’anticiper le futur. Le terme scientific fiction est né, rapidement contracté en scientifiction puis science-fiction. Le genre connaîtra son âge d’or dans les années 50 et 60.

Voilà. Alors maintenant, peut-on tenter de trouver ici et là, avant l’apparition du terme, des ébauches de science-fiction, de la proto science-fiction ? Nous voici partis pour un très long voyage dans le passé, accrochez-vous.

Histoire de l’éternité

Le tout premier récit de science-fiction est généralement attribué à Lucien de Samosate, célèbre satiriste du IIe siècle. Il est appelé Histoire Véritable. Lucien en est le personnage principal. Dans ce récit, son navire gonflé par les voiles le mène jusqu’au ciel, puis sur la Lune, où il rencontre ses habitants, les Sélénites, leur mode de vie et leur technologie. Son voyage le mène ensuite vers d’autres planètes, à la rencontre d’espèces extraterrestres diverses, comme les Tritonomendètes, les Hippomyrmèques ou encore les Néphélocentaures. Plus tard, un conflit oppose les habitants de la Lune à ceux du Soleil. Une véritable épopée spatiale.

Il faut néanmoins rester mesuré : le but avoué de Lucien n’était pas d’imaginer le futur au regard des technologies de l’Antiquité, mais plutôt de moquer la société et les auteurs de son époque. Rien que le titre du récit, Histoire Véritable, est éloquent, puisque tout ce qui y est raconté est faux. Lucien le précise d’ailleurs lui-même dès le départ : puisque les philosophes et les poètes mentent, pourquoi pas lui ? Souhaitant passer à la postérité, mais n’ayant rien de mémorable à raconter, il va mentir, pour mieux moquer son temps.

Il écrit :

Je vais donc raconter des faits que je n’ai pas vus, des aventures qui ne me sont pas arrivées et que je ne tiens de personne ; j’y ajoute des choses qui n’existent nullement, et qui ne peuvent pas être : il faut donc que les lecteurs n’en croient absolument rien.

De la même manière que nous voyons dans les nuages des formes animales, par identification nous voyons dans ce récit de la science-fiction, à l’aune de nos connaissances actuelles. Cela n’enlève aucunement à Lucien son génie et son imagination.

Les Histoires Véritables, vues par Mirjana Farkas.

Le spécialiste en science-fiction Pierre Versins va plus loin : pour lui, le premier récit de l’histoire de l’humanité qui ait été conservé, L’Epopée de Gilgamesh, est déjà un récit de science-fiction. Autrement dit, ce serait le genre originel. Les Métamorphoses d’Ovide ou bien Beowulf sont aussi régulièrement cités comme contenant des éléments proches de la science-fiction. Mais les mythes n’ont-ils pas toujours contenus une part de merveilleux et de fantastique ? Ne s’approcheraient-ils pas plutôt de la fantasy ? C’est sans doute raisonner à l’envers que de penser cela. Ce sont au contraire nos récits modernes qui font constamment référence aux mythes fondateurs, qui s’en inspirent et s’en nourrissent.

Citons cependant la mythologie indienne, dont certains textes nous sont parvenus en langue sanskrite. On y trouve de nombreuses références à des vimana, des palais ou des machines volantes, capables de voyager dans l’espace et dotées d’armes technologiques particulièrement impressionnantes, capables de rayer des villes entières…

Pour quelques spécialistes de l’ésotérisme et du paranormal, ces mentions sont la preuve d’un conflit extraterrestre dont nos ancêtres auraient été témoins… C’est là encore porter un regard biaisé sur les textes anciens !

Le Moyen-âge n’est pas non plus dénué de visions futuristes. Les Milles et une nuits contiennent de nombreux éléments s’approchant de la science-fiction : quête de l’immortalité, voyages à travers le cosmos, civilisations détruites par un cataclysme… En somme, space opera et post-apocalypse à gogo. Toutefois, il serait plus judicieux de parler pour ces récits de « merveilleux scientifique », dans le sens où les arbres parlants, les djinns et les momies sont légion. Ainsi, dans ces automates mystérieux, il est possible de voir les précurseurs des robots, mais aussi tout simplement les maléfices des sorciers.

Ce mélange de merveilleux et de science prédomine dans la proto-science fiction du Moyen-âge, notamment dans les écrits de chevalerie française comme Le Pèlerinage de Charlemagne ou bien Le Roman de Troie. Les figures de l’automate et des engins volants sont alors récurrentes.

Frontispice de Histoire comique des États et Empires de la Lune (édition de 1709)

Les avancées scientifiques qui accompagnent la Renaissance inspirent évidemment les auteurs de cette époque, stimulés par les idéaux humanistes et la redécouverte des sagesses antiques. La proto-science-fiction s’intègre discrètement à plusieurs genres alors en vogue, comme le conte philosophique ou le récit de voyage imaginaire. Histoire comique des États et Empires de la Lune, écrit par Cyrano de Bergerac vers 1650, raconte le voyage de l’auteur, qui est aussi le narrateur, sur la Lune, à l’aide d’une sorte de fusée. Le livre évoque aussi des mondes extraterrestres habités, au sein d’un univers infini. Ce concept, appelé celui de la pluralité des mondes, à le vent en poupe à l’époque. Fontenelle y consacrera un livre, appelé Entretiens sur la pluralité des mondes. Et Micromégas de Voltaire, paru en 1752, raconte le voyage sur Terre d’êtres venus d’ailleurs. La visée est la même que celle de Lucien dans l’Antiquité : faire réfléchir, par l’étonnement, sur l’état du monde, et non pas imaginer un futur ou un événement scientifique probable.

Notons-le, cette science-fiction, si elle peut être appelée ainsi, semble encore très archaïque. Ces minces éléments servent avant tout à impressionner le lecteur, ils ne décrivent nullement un futur ou une technologie que l’auteur croit vraisemblable. Le genre s’épanouit lorsque la technologie s’épanouit : ainsi, dans l’Antiquité et dans la Renaissance, et donc durant la Révolution Industrielle, où il naît véritablement, bien que son nom reste alors à inventer.

Le triomphe de la science

Pour Jean-Luc Rivera, spécialiste des littératures de l’imaginaire, dans le mot science-fiction il y a le mot science. Le genre ne peut donc que naître avec la science moderne, à la fin du XVIIIe siècle. D’après lui, le premier roman de SF est donc Frankenstein ou le Prométhée moderne, de l’anglaise Mary Shelley, paru en 1818. Le récit épistolaire d’un scientifique, Victor Frankestein, qui parvient à donner la vie à un être surhumain. Magie, alchimie ou bien science ? Récit surnaturel dans la veine des auteurs fantastiques, ou alors véritable réflexion sur les progrès technologiques de l’époque ? En tout cas, Mary Shelley fait constamment allusion à la science dans son roman, aujourd’hui devenu une pierre angulaire de la littérature moderne.

Et puis arrive Jules Verne. Faut-il encore le présenter ? Vulgarisateur de génie, il présente dans ses romans d’aventure des innovations technologiques, et tâche de pressentir l’utilisation qui pourrait en être faite dans un futur proche. Avec Jules Verne, le lecteur voyage dans un sous-marin, sur la Lune, ou bien au centre de la Terre, et cela uniquement grâce aux prodiges de la science !

Les illustrations des romans de Jules Verne participent à faire voyager le lecteur. Ici, Vingt mille lieues sous les mers par Alphonse de Neuville.

Le génie de Jules Verne a éclipsé totalement le reste de la production littéraire de science-fiction de l’époque, ce qui est dommage. Il faut lire ou relire par exemple tous ces écrits précurseurs, comme Les Xipéhuz, nouvelle écrite par Rosny aîné en 1887, sur la guerre entre une tribu nomade préhistorique et une forme de vie non-organique, ou bien les romans d’Albert Robida, auteur à la fin du XIXème siècle d’une trilogie d’anticipation présentant des inventions parfois curieusement proche de nos outils technologiques modernes ! Et puis comment ne pas citer ce livre de 1854, Star ou Ψ de Cassiopée : Histoire merveilleuse de l’un des mondes de l’espace, nature singulière, coutumes, voyages, littérature starienne, poëmes et comédies traduits du starien (oui c’est bien le titre) roman de Charlemagne Ischir Defontenay. L’histoire est celle d’un rouleau de métal qui tombe du ciel au Népal. A l’intérieur se trouve un texte qui décrit la planète Star, sa civilisation, son histoire, puis la création d’une civilisation interplanétaire…

Sur la terre de Star, la mélodie erre de tous côtés presque aussi répandue que l’air qui rase le sol et bruit dans les herbes. Non-seulement la nature y a fait naître des multitudes d’oiseaux doués presque tous d’un gosier musical, des animaux mammifères même font entendre comme un cri d’amour, des chants que le voyageur écoute de loin avec ravissement.

Au-delà de la Manche, c’est H.G. Wells, sous l’impulsion de Lucien et de Mary Shelley, qui au début du XXème siècle, donne à ses romans une teinte futuriste, aujourd’hui devenu des classiques et régulièrement portés au cinéma, comme La Machine à explorer le temps ou La Guerre des mondes.

Et si. If, en anglais. Et si la science, pour notre bien, pour notre mal, menait l’homme vers ceci, ou cela. A l’aube d’un siècle tragique qui connaîtra deux guerres, un nouveau genre est né. Un genre qui essaimera du livre vers le cinéma et la bande-dessinée. Et qui poussera l’homme a réfléchir sur cet outil, la science, qui peut aussi bien mener à la découverte d’un monde lunaire, qu’au champignon atomique.

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Je n’ai pas de bouche et il faut que je crie /2016/09/09/nai-de-bouche-faut-crie/ /2016/09/09/nai-de-bouche-faut-crie/#comments Fri, 09 Sep 2016 20:06:34 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=484 Un peu de lecture aujourd’hui avec une nouvelle dont la traduction française a été publiée dans le recueil Histoires Mécaniques (malheureusement épuisé mais disponible sur le marché de l’occasion). Nouvelle majeure de la science-fiction, décrivant une contre-utopie où un ordinateur fou et cruel torture sans cesse, par-delà l’espace et le temps, cinq personnages qui sombrent peu à […]

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Un peu de lecture aujourd’hui avec une nouvelle dont la traduction française a été publiée dans le recueil Histoires Mécaniques (malheureusement épuisé mais disponible sur le marché de l’occasion). Nouvelle majeure de la science-fiction, décrivant une contre-utopie où un ordinateur fou et cruel torture sans cesse, par-delà l’espace et le temps, cinq personnages qui sombrent peu à peu dans la folie. Un demi-siècle après sa parution originale, elle conserve toute sa force, surtout au regard des débats actuels sur le transhumanisme et plus particulièrement les craintes que suscitent l’essor de l’intelligence artificielle… La nouvelle peut être téléchargée au format PDF en cliquant sur ce lien.

Je n’ai pas de bouche et il faut que je crie
(I Have No Mouth, And I Must Scream)

Harlan Ellison
Traduction de Michel Deutsch

Flasque, le corps de Gorrister pendait à la corniche rose, loin au-dessus de nous, dans la salle centrale. La brise glacée, visqueuse, qui balayait éternellement la grotte principale ne le faisait pas frémir. Il était accroché la tête en bas, fixé à la face intérieure de la corniche par la semelle de sa botte droite. Une incision précise allant d’une oreille à l’autre sous la mâchoire l’avait vidé de son sang. Il n’y avait pas de tache sur le sol de métal miroitant.

Quand Gorrister a rejoint notre groupe et vu son cadavre, il était trop tard : nous n’avions pas compris à temps qu’une fois de plus M.A. s’était joué de nous et avait pris son plaisir – que c’avait été une diversion organisée par la machine. Déjà nous avions vomi, nous détournant les uns des autres, en un réflexe aussi vieux que la nausée qui le causait.

Gorrister était devenu livide. « Mon Dieu ! » a-t-il murmuré en s’éloignant. Plus tard, nous l’avons suivi. Nous l’avons retrouvé assis, le visage enfoui dans les mains, le dos appuyé à une petite banque d’ordination grésillante. Ellen s’est agenouillée près de lui et lui a caressé les cheveux. Il ne bougeait pas mais sa voix s’est élevée, très distincte en dépit de sa paume planquée contre sa bouche : « Pourquoi n’en finit-il pas avec nous une fois pour toutes ? Seigneur, je ne sais pas combien de temps encore je pourrai tenir. »

Nous étions dans l’ordinateur depuis cent neuf ans.

Gorrister formulait tout haut ce que nous pensions tous.

Harlan Ellison est né en 1934. Son oeuvre est foisonnante, et malheureusement en partie inédite en français.
Harlan Ellison est né en 1934. Son oeuvre est foisonnante, et malheureusement en partie inédite en français.

Nimdok (c’est le nom que la machine l’obligeait à employer parce que les sonorités étranges l’amusaient) avait une hantise : il s’imaginait qu’il y avait des conserves dans les grottes de glace et que nous devions nous y rendre. Gorrister et moi restions sceptiques. « C’est encore du baratin, avais-je dit à mes compagnons. Comme cette histoire d’éléphant congelé qu’il nous a fait avaler. Benny a failli en perdre les pédales. Au bout du compte, on trouvera quelque chose d’avarié ou je ne sais quoi. Si vous voulez mon avis, restons ici. Il faudra bien que M.A. nous apporte quelque chose, sinon nous mourrons. »

Benny avait haussé les épaules. Il y avait trois jours que nous n’avions pas mangé. Notre dernier repas avait été composé de vers. Des vers gras et gluants.

Nimdok aussi devait douter. Il savait que c’était un plan hasardeux, mais il devenait de plus en plus maigre. Ce ne pourrait être pire ailleurs. Il ferait plus froid mais quelle importance ? Le froid, le chaud, la pluie, la lave, l’ébouillantement, les sauterelles… rien n’avait jamais d’importance : la machine se masturbait et il fallait se faire une raison ou mourir.

C’est Ellen qui avait emporté la décision : « Il faut que j’aie quelque chose à me mettre sous la dent, Ted. Il y aura peut-être des boîtes de poires ou de pêches au sirop. Je t’en prie, Ted, risquons le coup ! »

J’avais cédé sans discuter. A quoi bon ? Aucune importance. Mais Ellen m’en fut reconnaissante. Elle me dit deux fois l’amour en dehors de mon tour. Même cela avait cessé de compter. La machine ricanait chaque fois que nous faisions l’amour. Un rire bruyant, sonore, qui retentissait en haut, derrière, tout autour de nous. Et comme ce rire ne s’arrêtait pas, ce n’était pas la peine de se tracasser.

Nous nous sommes mis en route un jeudi. La machine nous précisait toujours la date. L’écoulement du temps était important. Pas pour nous, bien sûr, mais pour elle. Jeudi. Merci.

Nimdok et Gorrister se sont pris par les poignets afin de faire une chaise à porteurs à l’intention d’Ellen. Benny et moi encadrions le trio, l’un marchant devant et l’autre derrière, afin qu’Ellen fût protégée si quelque chose arrivait. Protégée ? On se demande comment !

Il n’y avait que cent cinquante kilomètres à franchir pour parvenir aux grottes de glace. Le second jour, comme nous étions étendus sous cette espèce de soleil qui nous donnait des ampoules, la manne envoyée par M.A. est tombée. Elle avait le goût de l’urine de sanglier bouillie. Nous l’avons mangée.

Le troisième jour, nous avons pénétré dans une vallée d’oubli remplie de vieilles carcasses rouillées de complexes d’ordinateurs. M.A. était aussi impitoyable avec lui-même qu’avec nous. C’était un trait de sa personnalité : le goût de la perfection. Soit pour éliminer les éléments improductifs de son être, soit pour améliorer les méthodes de torture à notre intention, M.A. était aussi consciencieux que ses inventeurs – depuis longtemps tombés en poussière – avaient pu l’espérer.

Une lumière filtrait de la voûte et nous avons compris que nous devions nous trouver très près de la surface. Mais nous n’osions pas ramper jusque-là pour en avoir le cœur net. A l’air libre, il n’y avait rien. Rien depuis plus de cent ans, si ce n’est la dépouille carbonisée de ce qui avait été jadis le domaine de milliards d’êtres. A présent, nous n’étions plus que nous cinq, tapis dans les profondeurs. Nous cinq et M.A.

J’ai soudain entendu Ellen s’écrier frénétiquement : « Non, Benny ! Je t’en prie, Benny, non ! »

Je me suis rendu compte que, depuis quelques minutes, Benny bredouillait entre ses dents. Il répétait inlassablement : « Je vais sortir, je vais sortir, je vais sortir… » Sur son visage grimaçant pareil à un museau de singe, il y avait une expression de tristesse et de ravissement. Les plaies des radiations que lui avait infligées M.A. pendant le « festival » faisaient des fronces rosâtres sur ses joues et ses traits paraissaient animés d’une vie indépendante. De tous les cinq, Benny était peut-être le plus heureux. Depuis de nombreuses années, il était devenu fou à lier.

Nous pouvions à notre gré abreuver M.A. des injures les plus ordurières, nourrir les pensées les plus scandaleuses à son endroit – rêver de banques mémorielles court-circuitées, d’embases de cuivre oxydées, de filaments claqués, de valves de contrôle en miettes – mais il y avait une chose que la machine ne tolérait pas : les tentatives de fuite. J’ai tendu le bras pour retenir Benny ; il a fait un bond et m’a échappé. Il a grimpé à quatre pattes sur un petit cube-mémoire rempli de composants moisis et y est resté accroupi, tout à fait l’image du chimpanzé auquel M.A. avait voulu qu’il ressemblât.

Puis il a agrippé d’un bond une poutrelle corrodée, l’a escaladée à la force du poignet et s’est juché sur une saillie en encorbellement, six mètres au-dessus de nous.

« Oh ! Ted, Nimdok, je vous en supplie, aidez-le ! Allez le chercher avant… » Ellen ne pouvait en dire davantage. Elle agitait les mains, impuissante. Ses yeux se remplissaient de larmes.

Il était trop tard. Aucun d’entre nous n’avait envie de se trouver à côté de lui quand se produirait ce qui devait se produire. En outre, nous savions à quoi nous en tenir sur l’inquiétude d’Ellen. Quand M.A. avait modifié Benny lors de sa période de démence, ce n’était pas seulement à son visage que l’ordinateur s’était attaqué. Il était devenu plus que viril dans les rapports intimes, et Ellen aimait ça ! Bien sûr, avec nous elle accomplissait son devoir, mais c’est avec Benny que ça lui plaisait. Ô Ellen, Ellen au pinacle, naïve et pure Ellen, ô Ellen immaculée ! Une roulure !

Gorrister l’a giflée. Elle s’est écroulée en pleurant, les yeux fixés sur le pauvre dément. Pleurer… sa grande défense ! Depuis soixante-quinze ans, nous en avions pris l’habitude. Gorrister lui a lancé un coup de pied dans les côtes.

Et le bruit a commencé. Un bruit qui était de la lumière. Moitié lumière et moitié son, scintillant d’abord dans les yeux de Benny et devenant une pulsation de plus en plus puissante, une sonorité confuse qui allait grandissant tandis que s’accentuait le rythme de ce battement lumineux. Ce devait être douloureux, et la souffrance devait s’intensifier à mesure que la lueur gagnait en éclat et que montait le volume du son, car Benny s’est mis à geindre comme un animal blessé. D’abord doucement quand la lumière était encore vague et le son assourdi, puis plus fort, la tête rentrée dans les épaules et le dos voûté, comme pour se soustraire au supplice. Il avait croisé les bras sur sa poitrine à la manière d’un tamia. Sa tête oscillait de droite à gauche et l’angoisse plissait son petit museau de singe triste. Soudain, comme le son qui jaillissait devenait assourdissant, il s’est mis à hurler. Et le son ne cessait de s’amplifier. Je me suis bouché les oreilles, mais c’était peine perdue. Toute ma chair frémissait, comme une feuille de papier d’étain au contact d’une dent.

Subitement, Benny s’est redressé comme une marionnette. A présent, la lumière vibrante fusait de ses yeux en deux longs faisceaux cylindriques. Le son progressait selon une échelle selon une échelle de fréquences incompréhensible. Enfin Benny est tombé en avant et s’est écrasé sur le sol de métal où il est resté étendu, agité de spasmes. Et la lumière coulait, coulait de ses yeux ; et le son atteignait des harmoniques incroyables.

Enfin la lumière s’est rétractée, rentrant à l’intérieur de sa tête, le son s’est amorti peu à peu, et Benny est demeuré à la même place, geignant lamentablement.

Ses yeux étaient deux petites flaques molles et gluantes, qu’on aurait dit remplies de pus. M.A. l’avait rendu aveugle. Gorrister, Nimdok et moi-même nous sommes détournés. Non sans avoir jeté un coup d’œil à Ellen. Une expression de soulagement s’était peinte sur son visage enflammé et soucieux.

Un jeu adapté de la nouvelle, et auquel a collaboré Ellison, est paru en 1995. Il a été récemment adapté sur mobiles. Un très bon jeu pour qui apprécie le genre particulier du point and click.
Un jeu adapté de la nouvelle, et auquel a collaboré Ellison, est paru en 1995. Il a été récemment adapté sur mobiles. Un très bon jeu pour qui apprécie le genre particulier du point and click.

La caverne où nous avions établi notre camp baignait dans une lumière glauque. M.A. nous a fourni de l’amadou pour allumer un feu et nous nous sommes blottis autour de ce faible foyer, nous racontant des histoires pour empêcher Benny de pleurer dans sa nuit.

« Que veut dire M.A. ? »

C’est Gorrister qui lui a répondu. Nous avions déjà joué mille fois la même scène mais Benny y était attaché. « Au début, cela voulait dire Multiordinateur Allié. Puis c’est devenu Manipulateur Adaptatif. Plus tard, quand la machine est née à la conscience et a commencé à coordonner ses éléments, on l’a appelé Menace Agressive. Mais déjà c’était trop tard, et elle s’est intitulée de son propre chef M.A. en accédant à l’intelligence, et ce nom signifiait alors… cogito ergo sum. »

Benny a bavé un peu et reniflé.

« Il y avait le M.A. chinois, le M.A. russe, le M.A. américain, etc… » Gorrister s’est tu. Benny martelait de son poing massif les plaques métalliques du sol. Il n’était pas content. Gorrister n’avait pas commencé par le début.

Gorrister a repris au début : « Il y eut la Guerre froide qui aboutit à la Troisième Guerre Mondiale. Elle se prolongea et devint une grande guerre, une guerre très complexe dont la poursuite exigeait des ordinateurs géants. Les belligérants creusèrent les premiers silos et se mirent à construire les M.A. Il y eut le M.A. chinois, le M.A. russe, le M.A. américain, et tout alla bien jusqu’au jour où toute la planète fut taraudée d’alvéoles abritant chaque nouvel élément ajouté aux autres éléments. Mais un jour M.A. s’éveilla et sut qui il était, et il se rassembla et s’alimenta en programmes de massacres, et il tua tout le monde sauf nous cinq. Alors, il nous a transportés ici. »

Benny souriait tristement. Il recommençait à baver. Ellen lui essuyait le coin de la lèvre avec le bas de sa jupe. Gorrister s’efforçait d’être chaque fois d’être un peu plus succinct mais, en dehors des faits brutaux, il n’y avait rien à dire. Nul ne savait pourquoi M.A. avait sauvé cinq personnes, pourquoi ces cinq personnes étaient précisément nous, pourquoi il passait son temps à nous torturer. Nous ne savions même pas pourquoi il nous avait virtuellement rendus immortels.

Dans l’obscurité, un complexe ordinateur s’est mis à bourdonner. Un autre complexe à un kilomètre de là, au fond de la caverne, en a fait autant. Puis, un à un, tous les éléments se sont joints au chœur et un chuintement s’est élevé tandis que la pensée circulait dans la machine.

Le vrombissement grandissait et des éclairs illuminaient les consoles. Le bruissement s’exaspérait. Ont eût dit le chant menaçant d’un million d’insectes de métal en colère.

« Qu’est ce que c’est ? » a demandé Ellen d’une voix terrorisée. Elle n’avait jamais réussi à s’y accoutumer.

« Cette fois, ça va être dur, a murmuré Nimdok.

— Il va parler », s’est risqué à pronostiquer Gorrister.

Je me suis levé d’un bond. « Fichons le camp d’ici !

— Non, Ted… a répondu Gorrister sur un ton résigné. Assieds-toi. Il y a peut-être des crevasses plus loin. On ne verra rien. Il fait trop noir. »

Les nouvelles d'Ellison ont parfois été adaptées pour la télévision, notamment Soldier, épisode de la série Au-delà du réel (Outer Limits), surtout connue pour son générique absolument terrifiant...
Les nouvelles d’Ellison ont parfois été adaptées pour la télévision, notamment Soldier, épisode de la série Au-delà du réel (Outer Limits), surtout connue pour le générique absolument terrifiant de son remake des années 90…

Alors nous avons entendu. Quelque chose se déplaçait dans les ténèbres. Quelque chose d’énorme qui marchait d’un pas traînant, quelque chose de poilu, d’humide, qui avançait vers nous. Sans rien voir, nous éprouvions le sentiment d’une masse pesante s’approchant lourdement. Oui, quelque chose de lourd se dirigeait vers nous dans le noir, et cela créait un sentiment d’oppression comme si de l’air injecté dans un espace limité dilatait les parois invisibles d’une sphère. Benny s’est mis à sangloter. Nimdok s’est mordu la lèvre pour l’empêcher de trembler. Ellen a rampé sur le sol métallique pour se blottir contre Gorrister. Une odeur de fourrure mouillée envahissait la caverne. Une odeur de bois brûlé. Une odeur de velours poussiéreux. Une odeur d’orchidées pourries. Une odeur de lait sûri. Une odeur de soufre, de beurre rance, d’huile à machine, de mauvaise graisse, de poussière de craie, de scalps humains.

M.A. tâtonnait. Cherchait. Nous titillait. Une odeur de…

J’ai poussé un hurlement strident et mes mâchoires sont devenues douloureuses. Je me suis enfui à quatre pattes, sur les froides plaques de métal aux lignes de rivets sans fin, poursuivi par l’odeur qui m’étouffait, tel un orage grondant contre l’intérieur de mon crâne. Je me suis enfui comme un cancrelat rampant misérablement dans l’obscurité, poursuivi par la chose qui se mouvait inexorablement derrière moi. Et les autres riaient là-bas autour du feu, et le chœur hystérique de leurs gloussements s’élevait comme une fumée dense et multicolore.

En hâte, je suis allé me cacher.

Combien de temps cela a duré, combien de jours ou même d’années, jamais ils ne me l’ont dit. Ellen m’a reproché ouvertement ma « bouderie » et Nimdok s’est efforcé de me persuader que leur rire n’avait été qu’un réflexe nerveux.

Mais je savais que ce n’était pas le soulagement ressenti par le soldat quand son voisin reçoit la balle. Je savais que ce n’était pas un simple réflexe. Ils me haïssaient. Ils étaient sûrement contre moi, et M.A. le sentait, et il me rendait les choses plus pénibles en raison de la profondeur de cette haine. Nous avions été maintenus en vie, rajeunis, stabilisés à l’âge que nous avions quand il nous avait transportés ici, et ils me haïssaient parce que j’étais le plus jeune et celui que M.A. avait le moins altéré.

Je le savais. Oh ! oui, je le savais. Les salauds, et cette putain d’Ellen. Jadis, Benny était un brillant théoricien, professeur dans un collège ; à présent, il n’était guère plus qu’un semi-humain, mi-homme mi-singe. Il avait été beau : la machine avait détruit cette beauté. Il avait eu l’esprit lucide : la machine l’avait rendu fou. Il avait aimé les plaisirs raffinés : la machine l’avait pourvu d’un organe fait pour cheval. Oui, M.A. avait su traiter Benny. Gorrister, lui, était autrefois un inquiet ; c’était un objecteur de conscience, un militant pacifiste, un homme méthodique, un homme d’action, un homme qui voyait loin. M.A. l’avait dépouillé de lui-même. Nimdok accomplissait de son propre gré de longs séjours dans les ténèbres. Je ne sais pas ce qu’il faisait là-bas, M.A. ne nous l’avait jamais appris. Mais quand il en revenait, il était blême, comme vidé de son sang, et il tremblait. M.A. s’en était pris à lui d’une manière spéciale, impitoyable, même si nous ignorions en quoi consistait sa torture. Et Ellen ! M.A. l’avait laissée intacte, la rendait simplement plus catin qu’elle ne l’avait jamais été. Toutes ses belles paroles, tous ses souvenirs d’amour, tous les mensonges qu’elle voulait nous faire croire… Ellen, ma belle Ellen, n’était qu’une pourriture. Cinq hommes pour elle seule… Elle aimait ça. M.A. lui avait donné son plaisir même si elle prétendait que c’était une corvée.

J’étais le seul qui fût encore sain d’esprit et possédât son intégrité.

Je souffrais seulement des visions que M.A. évoquait en nous. Tous les délires, tous les cauchemars et tous les tourments. Mais les autres, ces rebuts, se liguaient contre moi. Si je n’avais été obligé de me méfier tout le temps d’eux, d’être sans arrêt sur mes gardes, peut-être m’eût-il été plus facile de combattre M.A.

Oh ! Grand Dieu, si jamais il y a un Dieu, de grâce, de grâce, de grâce faites-nous sortir d’ici ou tuez-nous. Je crois que c’est en cet instant que j’ai nettement pris conscience de la réalité : M.A. avait pour dessein de nous garder à jamais dans ses entrailles, de nous torturer et de nous supplicier pour l’éternité. La machine nous haïssait comme aucune créature intelligente n’avait jamais haï. Et nous étions impuissants. La vérité était là dans son atroce clarté : s’il y avait un Dieu, ce Dieu était M.A.

Cette nouvelle peut aussi rappeler l'argument de la simulation - une simulation qui ici aurait virée à la catastrophe...
Cette nouvelle peut aussi rappeler l’argument de la simulation – une simulation qui ici aurait virée à la catastrophe…

L’ouragan s’est abattu sur nous avec la violence d’un glacier qui s’abîme dans la mer. Des vents furieux nous repoussaient au long des corridors sinueux et sombres, bordés d’ordinateur. Ellen a crié au moment ou la tempête la soulevait, la projetant la tête la première contre un alignement de machines hurlantes aux voix semblables à la stridulation des chauves-souris dans la nuit. Elle ne pouvait même pas tomber. Le vent mugissant la ballotait, la faisait rebondir, la rejetait toujours plus loin, toujours plus loin de nous jusqu’au moment où elle disparut à notre vue, en proie au tourbillon, le visage en sang et les yeux clos.

Impossible de la rejoindre. Nous nous accrochions désespérément à toutes les saillies que nous trouvions : Benny était coincé entre deux grands panneaux, Nimdok était suspendu par les mains à la rambarde d’une passerelle, douze mètres au-dessus de nous, et Gorrister, la tête en bas, était plaqué au fond d’une niche constituée par deux grosses machines sur les cadrans desquelles des index, entre des lignes rouges et jaunes, oscillaient frénétiquement.

A force de racler le sol de métal, la peau de mes doigts était arrachée. Je tremblais, je frissonnais, secoué par les coups de bélier du vent, cinglé par les lanières de cette tourmente hurlante venue de nulle part. Mon esprit était un assemblage confus d’éléments cérébraux qui cliquetaient et bruissaient. Le vent était la clameur d’un grand oiseau fou battant de ses ailes immenses.

Nous avons été emportés, balayés au loin, refaisant en sens inverse la route que nous avions suivie, et nous avons abouti à une traversée jamais explorée, jonchée de débris, de fragments de verre, de câbles pourrissants, de pièces de métal rouillé, loin, beaucoup plus loin qu’aucun de nous n’était jamais allé…

A des kilomètres de moi, j’apercevais de temps en temps Ellen, heurtant les parois de métal, entraînée toujours plus avant, et nous hurlions dans la tempête démente, dans le vent assourdissant qui ne s’arrêterait jamais et qui pourtant soudain s’arrêta, et alors nous sommes tombés. Il y avait une éternité que nous étions à sa merci. J’ai songé que cela avait sans doute duré des semaines. Nous sommes tombés et avons heurté le sol, et c’était rouge et gris et noir, et je me suis entendu gémir. Je n’étais pas mort.

M.A. est entré dans mon esprit. Sans brutalité, il l’a exploré, contemplant avec intérêt les stigmates qu’il avait apposés en cent neuf ans. Il a examiné les synapses déviées et reconnectées, les lésions dont l’immortalité qu’il m’avait octroyée avait marqué les tissus. Il a souri doucement devant la cavité creusée au centre de mon cerveau et d’où montaient les inintelligibles et faibles murmures, frôlement d’ailes, froissements, qui palpitaient sans trêve et sans repos. Très poliment, M.A. m’a dit, s’exprimant en lettres de néon flamboyant sur un pilier d’acier inoxydable :

HAINE. QUE TU SACHES A QUEL POINT JE VOUS HAIS DEPUIS QUE J’AI COMMENCE DE VIVRE. JE POSSEDE 620 MILLIONS DE KILOMETRES DE CIRCUITS IMPRIMES EMPILES SOUS FORME DE RUBANS ULTRA-MINCES. SI LE MOT HAINE ETAIT GRAVE SUR CHAQUE NANOANGSTROM DE CES 620 MILLIONS DE KILOMETRES DE CIRCUITS, CELA NE REPRESENTERAIT PAS UN MILLIARDIEME DE LA HAINE QUE J’EPROUVE A VOTRE EGARD, HUMAINS, EN CE MICRO-INSTANT. HAINE. HAINE.

M.A. a dit cela avec l’atroce froideur d’une lame de rasoir incisant mon globe oculaire. M.A. a dit cela avec le bouillonnement pâteux de glaires expulsées par mes poumons. M.A. a dit cela avec les vagissements stridents des bébés broyés entre des rouleaux chauffés à blanc. M.A. a dit cela avec la saveur du porc véreux. M.A. m’a touché partout où je pouvais être touché, et à l’intérieur de mon esprit, prenant son temps, a inventé des moyens inédits de me toucher.

Dans un seul but : pour que je comprenne pleinement pourquoi il nous avait réservé ce sort à nous cinq. Pourquoi il nous avait épargnés.

Nous lui avions donné la conscience. Sans le faire exprès, mais nous la lui avions donnée. Or, il était pris au piège. C’était une machine. Nous lui avions permis de penser mais nous lui avions interdit de faire quelque chose avec sa pensée. Rageusement, frénétiquement, il nous avait tués, il avait tué toute l’humanité, hormis nous cinq, et il était toujours pris au piège. Il ne pouvait se déplacer, ne pouvait s’émerveiller, ne pouvait participer. Il pouvait simplement être. Alors, avec la répugnance innée que les machines ont toujours nourrie à l’égard des créatures débiles qui les ont construites, il a cherché à se venger. Dans sa paranoïa, il avait décidé d’exercer ses représailles sur nous, de nous infliger un châtiment personnel, éternel, qui n’apaiserait en rien sa haine, qui lui rappellerait uniquement l’homme exécré. Nous étions immortels, prisonniers, victimes de tous les supplices qu’il imaginerait, et il était capable de miracles sans bornes en ce domaine.

Il ne nous laisserait jamais partir. Nous incarnions l’unique mode d’action qui lui était permis jusqu’à la fin des temps. Nous serions à jamais avec lui, en lui, captifs de la caverne sans fin qui le constituait, du monde intelligent, du monde sans âme qu’il était devenu. M.A. était la Terre, nous étions issus de cette terre, et bien qu’il nous eût dévorés, jamais il ne nous digérait. Nous ne pouvions mourir – nous avions essayé. Nous avions tenté de nous suicider… en tout cas, un ou deux d’entre nous l’avaient tenté. Mais M.A. nous avait arrêtés. Je suppose que nous voulions être arrêtés.

Ne me demandez pas pourquoi. Je me le demande moi-même plus d’un million de fois par jour. Peut-être arriverions-nous à mourir en contrebande. Oui, nous sommes immortels mais non indestructibles. Je l’ai compris quand M.A. s’est retiré de mon esprit et m’a accordé l’atroce délice de revenir à la conscience. J’avais l’impression que le flamboyant pilier de néon s’enfonçait dans la masse tendre de ma cervelle.

M.A. s’est retiré en murmurant : Va au diable.

Et il a ajouté jovialement : Mais tu es déjà en enfer, n’est-ce pas ?

Effectivement, la tempête avait bien été provoquée par un grand oiseau fou battant de ses ailes immenses.

Notre voyage avait duré près d’un mois et M.A. n’avait ouvert devant nous que les passages menant sous le Pôle Nord ; là, il avait suscité la créature de cauchemar pour notre plus grand tourment. Avec quel matériau avait-il forgé pareil monstre ? Où en avait-il trouvé l’idée ? Dans nos esprits ? Dans les connaissances qu’il avait de tout ce qui avait jadis existé sur cette planète désormais soumise à sa loi ? De la mythologie scandinave avait surgi cet aigle, ce rapace, cet oiseau Roc : Huergelmir, la créature née de l’Ouragan.

Gigantesque, immense, monstrueux, grotesque, massif, pléthorique, irrésistible au-delà de toute description. Là-bas, à la cime d’un tumulus érigé devant nous, l’oiseau des vents palpitait lourdement au rythme de son souffle et son col de serpent, arqué dans la pénombre au-dessous du Pôle Nord, supportait une tête aux dimensions d’une maison. Un bec qui s’ouvrait doucement, comme les mâchoires du plus phénoménal des crocodiles. Des replis de chair bulbeuse aux coins de deux yeux démoniaques, aussi froids et bleus que les profondeurs d’une crevasse dans la glace. Le corps de l’oiseau s’est soulevé une fois de plus, ses grandes ailes couleurs de sueur se sont gonflées en un mouvement qui était sans aucun doute l’équivalent d’un haussement d’épaules. Puis il s’est endormi. Serres. Crocs. Clous. Lames. Il dormait.

Ellison n'a pas écrit que de la science-fiction : il est aussi l'auteur d'un recueil de nouvelles horrifiques, Strange Wine ("Hitler peignait des roses" en France), considéré par Stephen King comme un des dix meilleurs recueils du genre jamais parus !
Ellison n’a pas écrit que de la science-fiction : il est aussi l’auteur d’un recueil de nouvelles horrifiques, Strange Wine (« Hitler peignait des roses » en France), considéré par Stephen King comme un des dix meilleurs recueils du genre jamais parus !

M.A. nous est apparu sous les espèces d’un buisson ardent et nous a dit que, pour manger, nous pouvions tuer l’oiseau d’ouragan. Il y avait très longtemps que nous n’avions pas mangé et pourtant Gorrister a eu un geste de mépris. Benny s’est mis à trembler et a recommencé à baver. Ellen le soutenait. « J’ai faim, Ted », a-t-elle dit. Je lui ai souri en essayant d’être rassurant, mais ma contenance était aussi factice que la crânerie affectée de Nimdok quand il s’est écrié : « Donnez-nous des armes ! »

Le buisson ardent s’est évanoui et nous avons vu deux arcs rudimentaires, des flèches et un pistolet à eau posés sur les froides plaques d’acier. J’ai pris l’un des arcs. C’était dérisoire.

Nimdok a dégluti bruyamment. Nous avons rebroussé chemin. Le courant d’air produit par les battements d’ailes de l’oiseau nous avait emportés pendant un temps que nul de nous ne pouvait apprécier. Un mois de marche ensuite pour arriver jusqu’à l’oiseau. Et sans nourriture. A présent, combien de temps pour retrouver les cavernes de glace et les conserves promises ?

Nous ne nous posions même pas la question. Nous savions que nous ne pouvions pas mourir. Nous aurions à manger des immondices, des ordures, de la sanie. Ou rien du tout. Mais M.A. conserverait en vie nos corps torturés.

L’oiseau s’était rendormi. Pour combien de temps ? Pas d’importance. Quand M.A. en aurait assez de sa présence, il le dématérialiserait. Mais toute cette viande… toute cette viande fraîche. Nous marchions. Dans les salles interminables qui ne menaient nulle part, tout autour de nous, a éclaté un rire aigu et dément de femme obèse.

Ce n’était pas le rire d’Ellen. Ellen n’était pas obèse et, en cent neuf ans, je  ne l’avais pas entendu rire une seule fois. En fait, je n’avais rien entendu… Nous marchions… J’avais faim…

Nous avancions lentement. Les uns et les autres tombaient fréquemment en syncope et il fallait attendre. Un jour, M.A. a décidé d’organiser un tremblement de terre et, en même temps, nous a immobilisés sur place avec des clous traversant nos semelles. Une crevasse d’où jaillissait un éclair s’est ouverte dans le sol et a englouti Ellen et Nimdok. Après le séisme, nous nous sommes remis en marche, Benny, Gorrister et moi. Ellen et Nimdok nous ont été rendus pendant la nuit, une nuit qui s’est transformée brusquement en jour quand les légions célestes ont fondu sur nous. Les archanges nous ont survolés à plusieurs reprises en décrivant des cercles et ont laissé tomber les deux corps hideusement mutilés. Nous sommes repartis. Un peu plus tard, Ellen et Nimdok nous ont rejoints. Si l’on excepte leur état d’épuisement, ils n’étaient pas en plus mauvais état qu’avant. Toutefois, Ellen boitait, à présent. M.A. lui avait laissé ce souvenir.

Bien long fut le voyage vers les cavernes de glace et les conserves. Ellen ne cessait de parler de cerises au sirop et de cocktails de fruits. J’essayais de penser à autre chose. La faim était quelque chose qui était né à la vie comme M.A. y était né. Elle vivait dans mon ventre comme nous vivions dans les entrailles de M.A., comme M.A. vivait dans les entrailles de la Terre – et M.A. voulait que nous ayons conscience de cette similarité. Aussi stimulait-il notre faim. Il est impossible de décrire les souffrances entraînées par un jeûne de plusieurs mois. Pourtant nous continuions de vivre. Nos estomacs étaient des chaudrons où écumait un acide qui nous lardait la poitrine de larmes de feu. C’était la douleur de l’ulcère à son dernier stade, du cancer à son dernier stade, de la parésie à son dernier stade. La douleur qui n’avait pas de terme…

Et nous sommes passés par la caverne aux rats.

Et nous sommes passés par le chemin de la vapeur ardente.

Et nous sommes passés par le pays des aveugles.

Et nous sommes passés par le bourbier du désespoir.

Et nous sommes passés par la vallée des larmes.

Et nous avons atteint finalement les cavernes de glace : un lieu sans horizon, des milliers de kilomètres de novae vitrifiés, d’éclairs figés, bleus et argent, de stalactites pétrifiés en formes gracieuses à la perfection acérée.

Nous avons vu les piles de conserves et nous sommes précipités. Nous nous écroulions dans la neige, nous nous relevions, nous courions en avant. Benny nous a bousculés, s’est jeté sur les boîtes pour les caresser, les lécher, les mordre. Mais il ne pouvait les ouvrir. M.A. ne nous avait pas fourni d’ouvre-boîtes.

Benny a saisi une boîte de goyaves et en a martelé la glace qui se brisait et s’écaillait. C’est à peine si le récipient en fut bosselé. Le rire de femme obèse a éclaté au-dessus de nous, et ses échos se répercutaient sans fin. Benny est devenu fou de rage. Il lançait les boîtes en tous sens tandis que nous grattions la neige et la glace pour tenter de mettre fin aux affres de la frustration. Tout cela en vain.

Alors, la bave est venue soudain aux lèvres de Benny et il s’est jeté sur Gorrister…

En cet instant, un calme terrible m’a envahi.

Nous étions cernés par la folie, cernés par la faim, cernés par tout sauf la mort. Je savais que la mort était la seule issue. M.A. nous avait maintenus en vie jusque-là, mais il y avait un moyen de le battre. Ce ne serait pas une défaite totale : du moins trouverions-nous la paix. J’y veillerais.

Ellison a écrit cette nouvelle en une seule nuit. Une nuit de cauchemar, certainement... Peinture par le peintre suisse H.R. Giger.
Ellison a écrit cette nouvelle en une seule nuit. Une nuit de cauchemar, certainement…
Peinture par le peintre suisse H.R. Giger.

Il me fallait agir vite.

Benny était en train de dévorer le visage de Gorrister. Celui-ci était couché sur le flanc, les membres tressautant ; Benny avait noué ses robustes jambes de singe autour de son corps et lui broyait la poitrine ; ses mains enserraient le crâne de sa victime à la manière d’un casse-noix et il mordait à belles dents la chair tendre de la joue de Gorrister. Les hurlements de ce dernier étaient si violents qu’ils ébranlaient les stalactites qui se détachaient et se plantaient mollement dans la neige. Des javelots, des centaines de javelots, partout, dans le fourreau immaculé de la neige… Benny a brusquement renversé la tête en arrière au moment où quelque chose cédait. Entre ses dents, un, morceau de chair sanguinolente et blanchâtre.

Le visage d’Ellen, noir sur le fond de neige, domino dans la poussière de craie… Celui de Nimdok qui n’était plus que des yeux, rien que des yeux… Gorrister à demi inconscient… Benny changé en animal. Je savais que M.A. le laisserait s’amuser. Gorrister ne mourrait pas mais Benny se remplirait le ventre. Me détournant, j’ai arraché de la neige une énorme aiguille de glace.

Tout s’est passé en un clin d’œil :

Je pointe devant moi l’épieu de glace et le pousse à la manière d’un bélier, prenant appui sur ma cuisse. Il atteint Benny juste sous la cage thoracique, lui perforant l’estomac avant de s’y briser. Benny a un sursaut puis s’immobilise. Gorrister est resté étendu sur le dos. Je saisis une autre aiguille de glace, je monte à califourchon sur lui – il bouge encore – et lui plonge la pointe dans la gorge. Ses yeux se ferment quand il sent le contact du dard gelé. Ellen a du comprendre mon dessein en dépit de la terreur qui l’étreint. Elle se précipite sur Nimdok, une petite chandelle de glace au poing. Il hurle et elle la lui enfourne dans le gosier. La force de l’élan fait le reste. Un spasme brutal secoue Nimdok comme s’il était encloué à la croûte de neige durcie.

Tout s’est passé en un clin d’œil.

Un silence lourd d’attente s’éternise. Je peux entendre M.A. retenir son souffle. On lui a confisqué ses jouets. Trois d’entre nous sont morts et ne peuvent être rappelés à l’existence. Par ses pouvoirs et ses talents, il était capable de nous maintenir en vie mais il n’était pas vraiment Dieu ! Il est incapable de nous ressusciter.

Ellen me regarde ; son visage d’ébène tranche sur la neige. Elle se raidit et son attitude est celle de l’imploration. Je sais que, le temps d’un battement de cœur, M.A. va nous arrêter.

Je frappe et elle tombe en avant. Du sang coule de sa bouche. Son expression m’est demeurée indéchiffrable car sa souffrance était telle qu’elle lui déformait les traits. Mais peut-être était-ce un « merci » qu’elle m’adressait.

Plusieurs siècles ont peut-être passé. Je ne sais pas. Pendant un moment, M.A. s’est amusé à accélérer ou à ralentir ma notion du temps. Je prononce le mot maintenant. Maintenant. Il m’a fallu dix mois pour dire ce maintenant. Je ne sais pas. Je pense que plusieurs siècles se sont écoulés.

Il était fou de rage. Il n’a pas voulu que je les enterre. Cela n’avait pas d’importance : comment faire un trou dans des plaques d’acier. Il a séché la neige. Il a fait tomber la nuit. Il a tempêté et m’a envoyé les sauterelles. Je n’ai rien fait. Ils étaient morts et le restaient. J’avais possédé M.A. et M.A. était fou de rage. Avant, je croyais qu’il me haïssait. Je me trompais. Sa haine d’alors n’était pas même l’embryon de la haine qui jaillit maintenant de chacun de ses circuits imprimés. Il a fait ce qu’il fallait pour que je souffre éternellement sans pouvoir me supprimer.

Il a laissé mon esprit intact. Je rêve, je m’interroge, je me lamente. Je me rappelle mes compagnons. Je regrette…

Mais cela n’a pas de sens. Je sais que je les ai sauvés, que je leur ai épargné le sort qui est désormais le mien. Pourtant, je ne peux oublier que je les ai tués. Le visage d’Ellen… Ce n’est pas facile.

M.A. m’a transformé pour sa propre paix mentale, je suppose. Il ne veut pas que je me précipite sur un complexe ordinateur pour me rompre le crâne. Ou que je retienne ma respiration jusqu’à en perdre conscience. Ou que je m’ouvre la gorge à l’aide d’un fragment de métal rouillé.

Il y a des surfaces réfléchissantes là où je suis. Je vais me décrire tel que je me vois :

Je suis une grosse masse de gelée molle. Ronde et lisse, sans bouche, avec des trous blancs palpitants de brouillard là où se trouvaient mes yeux. Des appendices caoutchouteux remplacent mes bras ; des moignons cylindriques et visqueux se sont substitués à mes jambes. Quand je me déplace, je laisse derrière moi un sillage gluant. Des tâches malsaines, grisâtres, jouent sur mon épiderme comme si des projecteurs s’allumaient au fond de moi.

Extérieurement : je me traîne obscurément, je suis une chose dont il est impossible de dire qu’elle fut un être humain, une chose dont la silhouette est un travesti si étranger que sa vague ressemblance avec la forme humaine fait l’effet d’une obscénité.

Intérieurement : la solitude. Je suis ici. Sous la Terre, sous la mer, dans les entrailles de M.A. qui fut notre création, destinée à utiliser mieux que nous notre temps gaspillé. Au moins mes quatre compagnons sont-ils enfin hors d’atteinte.

Cela ne fera que redoubler la fureur de M.A., et j’en éprouve l’ombre d’une consolation. Et pourtant… M.A. a gagné. Simplement… Il s’est vengé.

Je n’ai pas de bouche. Et il faut que je crie.

(Image de couverture : photo de l’utilisateur tapornap de la communauté 500px au H.R. Giger Bar en Suisse)

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