Un peu plus près des étoiles
L’épopée spatiale est grisante : elle permet à l’homme de repousser les limites de ses technologies, de découvrir des mondes fabuleux et de révéler peu à peu les secrets de son origine. Elle est aussi frustrante : l’Univers, c’est avant tout du vide. 4 années-lumière séparent en effet le Soleil de sa plus proche voisine, Proxima du Centaure. Un photon émis depuis le Soleil et qui parcourt l’espace à 300.000 kilomètres par seconde mettra 4 ans pour y parvenir. Une sonde spatiale terrienne traditionnelle, à peu près 30 000 ans. Voilà qui complique les ardeurs de l’humanité… Alors, passé Pluton, point de salut ? Devrons-nous nous contenter éternellement de notre entourage proche, et compter sur nos télescopes pour observer les alentours ? Peut-être pas.
Du rêve à la réalité
Jusqu’à présent, le voyage interstellaire était cantonné à la science-fiction. Trous de ver, vitesses supraluminique, hyper-espace… Les auteurs ne manquent pas d’idées pour pallier à la faiblesse de nos fusées propulsées avec de simples moteurs à combustion. Pourtant, dans les années 70, la science s’est emparée du sujet suite à la ferveur générée par les premiers pas de l’homme sur la Lune et plusieurs projets, évidemment jamais concrétisés, ont été couchés sur le papier, tels que le cylindre O’Neill ou le projet Orion… Plus récemment, le web s’est enflammé autour d’un soi-disant projet de vaisseau supraluminique de la NASA. Pure spéculation, a rappelé l’agence spatiale américaine. Nouvelle déception : le voyage vers une autre étoile reste donc une chimère.
La fondation Breakthrough Initiatives, créée par le milliardaire russe Yuri Milner, a justement pour objectif de dépasser cette frontière et d’élargir les horizons de l’humanité. Elle a déjà fait parler d’elle en juillet 2015 avec son programme Listen, destiné à trouver les traces d’une civilisation extraterrestre. Projet soutenu par le physicien britannique Stephen Hawking, Listen prévoit de surveiller un million d’étoiles pendant dix ans, pour un budget de 100 millions de dollars.
Ecouter, c’est bien. Mais bouger, c’est mieux. Le mardi 12 avril 2016, soit cinquante-cinq ans jour pour jour après le premier vol de l’homme dans l’espace, Milner annonce son nouveau projet, Starshot. L’objectif est ambitieux : rejoindre Proxima du Centaure en 20 ans seulement (au lieu de 30 000 ans, donc)… Il pourrait sembler absurde, irréaliste, farfelu – qu’importe, il fait déjà rêver. Et Yuri Milner est bien entouré :
- Stephen Hawking est une fois de plus partisan du projet
- De même que Mark Zuckerberg, président de Facebook et membre du Conseil de Starshot avec Hawking et Milner
- Freeman Dyson, éminent physicien américano-anglais, créateur entre autres de la sphère de Dyson (dont quelques esprits créatifs en soupçonnent la présence autour d’une étrange étoile, KIC 8462852) et surtout collaborateur du projet Orion, un vaisseau à propulsion nucléaire pour lequel Dyson envisagea la possibilité de missions interstellaires, déjà vers Alpha du Centaure, en à peu près 133 ans…
En somme, que du beau monde. Milner investit à hauteur de 100 millions de dollars dans la conceptualisation du projet, ce qui en fait le plus ambitieux à ce jour dans la recherche interstellaire. Une discipline jusque-là cantonnée, il est vrai, à la spéculation.
La feuille portée par le vent
Mais comment atteindre Proxima du Centaure en seulement vingt ans ? Il s’agit d’une voile photonique, d’environ 4 mètres d’envergure, pour un poids de quelques grammes et une épaisseur d’environ cent atomes, propulsée par des antennes situées sur la Terre. Ces antennes émettront ensemble un énorme rayon laser en direction de cette voile. La force délivrée par les collisions de photons (générées par la réflexion de la lumière sur la voile) devrait accélérer la voile jusqu’à 20% de la vitesse de la lumière.
Le vaisseau fixé à cette voile, appelé StarChip, sera évidemment loin des poncifs des grandes épopées cinématographiques. Son poids devra être le plus réduit possible, tout juste un petit gramme, et sa taille guère plus grande que celle d’un timbre-poste. Plus il sera léger, plus il ira vite.
En se fondant sur la célèbre loi de Moore qui induit une miniaturisation des composants, Milner explique :
Un instrument qui pesait autrefois 300 grammes en pèse aujourd’hui 3. Ce qui pesait autrefois 100 grammes en pèse aujourd’hui 0,5. C’est la tendance sur laquelle nous surfons.
La charge utile d’un vaisseau aussi réduit doit être minimale, elle comprendra le strict nécessaire :
- Des caméras et des capteurs chimiques élémentaires
- Du matériel de communication
- Des instruments de navigation
Tout est donc dans la miniaturisation. Plus la voile est petite, plus le vaisseau est petit, et plus la vitesse atteinte sera grande. C’est en fait une nuée de vaisseaux qui s’envoleront ; dans une optique de réduction des coûts de production, mais aussi pour éviter l’échec d’un vaisseau unique, et parvenir à plusieurs destinations en même temps. Un vaisseau mère sera chargé de larguer ces nanovaisseaux dans la haute atmosphère terrestre. L’idée rappelle celle des nanorobots auto-réplicants capables de coloniser la galaxie toute entière, parfois évoquée par les transhumanistes.
Demain c’est loin
Pour autant, soyons réalistes, le projet est loin d’être concrétisé, tant du point de vue financier que technologique. Milner précise d’ailleurs lui-même que les 100 millions de dollars seront investis dans la vérification du concept même de cette mission qui nécessiterait à terme plusieurs milliards de dollars. Parmi les points d’interrogation figurent notamment :
- La puissance des lasers et leur concentration sur un vaisseau aussi minuscule, notamment en passant à travers l’atmosphère terrestre
- Leur impact sur ce vaisseau
- Les conséquences d’une accélération aussi soudaine, équivalente à une force de 60 000 G
- La présence de poussière interstellaire qui, à une telle vitesse, réduirait le vaisseau à néant
- Les manœuvres du vaisseau à destination, puisqu’il n’existe aucun moyen pour le faire décélérer…
- Le retour des données qui nécessiterait, au regard des technologies actuelles, une antenne immense
Alors seulement, peut-être, l’un de ces vaisseaux pourra approcher une exo-planète, permettant à l’humanité de contempler, comme indiqué sur le site officiel de la mission :
[…] une image d’une qualité suffisante pour apercevoir les caractéristiques de sa surface, comme des continents ou des océans.
Un exploit qui nécessiterait sur Terre un télescope de 300 kilomètres de diamètre, située comme Hubble sur son orbite !
Mais avant, il faudra être patient : si la technologie pourrait être disponible d’ici une vingtaine d’années, il faudra aussi compter les vingt ans du voyage, et les quatre années nécessaires pour que les données nous parviennent à la vitesse de la lumière… Ce qui nous emmène déjà dans le dernier quart du XXIème siècle… La brièveté de la vie humaine n’est guère adaptée à la longueur des voyages interstellaires, c’est une évidence, ce qui fait dire à l’écrivain Mark Alpert, dans le blog des invités du site Scientific American, qu’il va falloir adapter notre stratégie à ces vastes distances. Les sondes envoyées vers d’autres systèmes solaires ne seront pas capables de communiquer rapidement avec la Terre, elles devront agir et prendre des décisions de manière autonome.
Alpert écrit :
Dans le futur, les émissaires de la Terre dans les étoiles ne seront pas humain. Nos explorateurs galactiques seront nos machines et nos intelligences artificielles.
Plus concrètement, les recherches nécessaires à ce projet devraient de toute façon bénéficier à la recherche spatiale en général : atteindre Alpha du Centaure en vingt ans, c’est atteindre Mars en quelques heures et Pluton en quelques jours…
On ne peut que féliciter ces hommes, Hawking et Dyson, qui ne verront jamais l’aboutissement de ce projet qu’ils lancent, peut-être pour écrire leur histoire, certainement pour écrire celle de l’humanité. A l’aube du prochain siècle, le voyage interstellaire sera peut-être une réalité. Et une banalité dans les siècles à venir… Finalement, comme dans le cas du programme Apollo au début des années 60, ce qu’il faut à l’homme pour élargir son horizon, c’est une vision. Une vision claire, portée par un homme orgueilleux, une nation ambitieuse, une entreprise arrogante, une poignée de chercheurs passionnés, qui portent l’humanité avec eux, dans leurs projets tout aussi fous que géniaux. L’homme a grandi sur Terre, mais il est peut-être né dans les étoiles. Peut-on lui reprocher l’envie d’y retourner ?
Bonjour
Vous avez fait une petite erreur sur la vitesse de la lumière, c’est 300000 km/s (arrondie) et non 360000…
Merci Eric, coquille corrigée !
[…] de la vie extraterrestre et du voyage interstellaire (et participant d’ailleurs au projet Breakthrough Starshot, qui vise à rejoindre Alpha du Centaure). Le principe de la mégastructure qu’il propose en 1960 […]
par ce voyage dans la galaxie et les pléiades , je suis proche de ma famille et mes amis disparues , et je m’évade dans une perle étoilée et de rosée