Spéculations Archives - Dans la Lune http://dans-la-lune.fr Vers l'infini, et au-delà ! Fri, 27 May 2022 06:41:55 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.0 https://i0.wp.com/dans-la-lune.fr/wp-content/uploads/2020/11/cropped-Dans-la-lune-favicon-couleur.jpg?fit=32%2C32 Spéculations Archives - Dans la Lune http://dans-la-lune.fr 32 32 7541914 Du transistor au neurone : l’ordinateur humain http://dans-la-lune.fr/2022/05/26/du-transistor-au-neurone-lordinateur-humain/ http://dans-la-lune.fr/2022/05/26/du-transistor-au-neurone-lordinateur-humain/#respond Thu, 26 May 2022 19:57:23 +0000 /?p=2523 Peut-on imaginer fabriquer un ordinateur biologique, dont les bits auraient été remplacés par des hommes ? L’idée peut sembler farfelue, mais elle permet de soulever la question de l’émergence de la conscience, en mettant en parallèle le neurone et le transistor. Voyage vers la frontière ténue qui sépare l’humain de la machine… L’homme réduit à un […]

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Peut-on imaginer fabriquer un ordinateur biologique, dont les bits auraient été remplacés par des hommes ? L’idée peut sembler farfelue, mais elle permet de soulever la question de l’émergence de la conscience, en mettant en parallèle le neurone et le transistor. Voyage vers la frontière ténue qui sépare l’humain de la machine…

L’homme réduit à un transistor

Dans le roman d’Adrian Tchaikovsy, Dans la toile du temps (2015), une civilisation intelligente d’araignées parvient à mettre en place des technologies complexes grâce à des matériaux biologiques, principalement la soie qu’elles produisent ; leur usage des matériaux minéraux ou métalliques étant limité, voire inexistant.

Vers la fin du roman, dans un chapitre fascinant, les araignées utilisent des millions de fourmis pour concevoir ce qui pourrait s’apparenter à un ordinateur capable de stocker et de transmettre de l’information :

Autour de lui, dans un réseau de tunnels et de salles dont la géographie est constamment renouvelée, s’active une colonie de cent millions d’insectes. Leurs interactions ne sont pas aussi rapides que celles d’un système électronique créé par les humains, mais le minuscule cerveau de chaque fourmi constitue une unité de mémoire et un moteur de décision. La colonie elle-même ne peut pas estimer sa capacité de calcul globale. C’est là une forme d’informatique « en nuage » : elle ne repose pas sur la rapidité, mais sur un vaste et complexe ensemble de ressources qui peuvent être reconfigurées à l’infini.

Ce concept surprenant rappelle un passage du Problème à trois corps de Liu Cixin (2008), dans lequel ce ne sont pas des fourmis mais bien des hommes qui occupent le rôle des transistors d’un ordinateur.

Liu Cixin détaille sur plusieurs pages le fonctionnement d’un tel système, et c’est en fait plutôt simple à comprendre. Trois soldats sont disposés en triangle : les deux soldats de la base, chargés de l’entrée des signaux, sont appelés Entrée 1 et Entrée 2, tandis que celui du sommet, chargée de la sortie des signaux, est appelé Sortie. Chaque soldat se voit remettre un drapeau blanc, représentant 0, et un drapeau noir, représentant 1. Vous l’avez deviné : il s’agit d’un système binaire, comme celui à la base de notre informatique. Sortie doit observer les drapeaux levés par Entrée 1 et Entrée 2 et, selon les ordres qui lui sont donnés, lever un drapeau à son tour.

Sortie lèvera son drapeau noir seulement si Entrée 1 et Entrée 2 ont tous les deux levés leur drapeau noir. Dans tous les cas contraires, il lèvera son drapeau blanc. Il s’agit de la porte logique ET. Dans le cas d’un circuit électrique, une lampe s’allumerait si Entrée 1 ET Entrée 2 lèvent leur drapeau noir.

Pour la seconde porte logique, Sortie lèvera son drapeau noir si Entrée 1 ou Entrée 2 lèvent au moins un drapeau noir. Sinon, il lèvera son drapeau blanc. Il s’agit de la porte logique OU. Une lampe s’allumerait si Entrée 1 OU Entrée 2 lèvent leur drapeau noir.

Au total, sept portes logiques sont présentées : NON-ET, OU-exclusif, NON-OU exclusif, une porte à trois états, et enfin NON (dans ce cas, seulement deux soldats sont nécessaires, Sortie levant le drapeau contraire à Entrée).

Une porte composée de trois hommes n’est guère capable de résoudre des calculs : dix millions de portes sont bientôt assemblées en un système unique, un circuit logique.

Trente millions de soldats affublés de drapeaux noirs et blancs, commandés par un officier hurlant ses ordres, s’agitent et reproduisent donc fidèlement le cœur d’un ordinateur, de l’unité centrale jusqu’à la mémoire externe, en passant même par l’affichage, là encore formé par des milliers de drapeaux de différentes couleurs, composant autant de pixels. Les dysfonctionnements du système se règlent par la mise à mort des soldats coupables ; il faut alors redémarrer le système.

Le Problème à trois corps par l’artiste chinois Jiming_X

Le résultat d’une opération peut facilement durer une année entière, la capacité de calcul du système étant fortement limitée par la vitesse d’action des soldats. Un homme qui lève un drapeau est bien plus lent qu’un transistor.

L’un des personnages, en observant cette myriade de soldats qui constituent autant de 0 et de 1, résume :

Tout cela est très intéressant […]. Chaque unité a une action très simple à réaliser, mais l’ensemble est d’une très grande complexité !

Quelques décennies avant Liu Cixin, l’écrivain et physicien soviétique Anatoly Dneprov, dans sa nouvelle The Game (1961), présente une expérience similaire, dans laquelle les 1400 délégués du Congrès soviétique, réunis au stade Lénine, participent à un jeu mathématique organisé par le professeur Zarubin. Ils en connaissent les règles – communiquer de manière précise les uns avec les autres en utilisant uniquement des 0 et des 1 – mais pas du tout la finalité, aussi après plusieurs heures de jeu en plein soleil, une jeune fille à côté du narrateur manque de s’évanouir et préfère quitter le stade.

Le lendemain, un débat est organisé par le professeur Zarubin autour du thème suivant : « les machines mathématiques peuvent-elles penser ? » Il pose deux questions à l’assemblée ; ce qu’ils ont bien pu faire hier, puis demande à ceux qui parlent portugais de lever la main, ce qui déclenche l’hilarité générale. Personne ne parle le portugais.

Zarubin secoue son carnet de notes devant la salle puis lit une phrase à voix haute : « Os maiores resultados são produzidos por – pequenos mas contínuos esforços. »

Il ajoute :

C’est une phrase en portugais. Je ne crois pas que vous puissiez comprendre ce qu’elle signifie, et pourtant c’est bien vous qui l’avez parfaitement traduit en russe, hier : « Les plus grands objectifs sont atteints grâce à des ekkedt mineurs mais continus. » Vous avez sûrement remarqué que l’un des mots n’a aucun sens, ce qui signifie que quelqu’un est parti trop tôt ou bien a violé les règles. Il faut lire « efforts ».

Tandis que le narrateur comprend qu’il s’agissait évidemment de la fille qui était située à côté de lui, Zarubin explique que les 1400 participants au jeu n’étaient que de simples transistors, transformant l’assemblée en ordinateur.

Craig Alan – All Together Now

Zarubin reprend alors le thème du débat : les machines peuvent-elles penser ? Le seul moyen pour un homme de le savoir serait de devenir une machine lui-même et d’examiner son processus de pensée, ce qui a été fait par Zarubin. Et force est de constater que si les participants au jeu ont été capables de traduire une phrase du portugais vers le russe, ils n’en avaient aucune idée, de la même manière qu’un ordinateur se contente d’exécuter des calculs ou des algorithmes sans « comprendre » ce qu’il fait. A partir de là, on peut supposer qu’un ordinateur surpuissant capable de simuler une conscience humaine continuerait d’exécuter des calculs – d’aligner des 0 et des 1 – sans comprendre ce qu’il fait.

Zarubin conclut :

Si vous, éléments structurels de modèles logiques, n’aviez aucune idée de ce que vous étiez en train de faire, alors pouvons-nous vraiment discuter de la « pensée » d’appareils électroniques composées de différentes pièces qui sont elles-mêmes incapables de penser ? […] Nous avons prouvé que même la simulation la plus parfaite de la pensée machine n’est pas le processus de pensée lui-même.

L’homme réduit à un neurone

Comme le rappelle l’un des personnages de la nouvelle de Dneprov, les participants à ce jeu ont été réduits à un simple transistor, ou même à simple neurone, et personne n’oserait dire d’un neurone qu’il est capable de penser – c’est bien l’ensemble des neurones qui est capable de penser et d’être conscient en tant qu’individu.

Car il est vrai que le neurone est une simple cellule, minuscule et capable de bien peu de choses, à la manière d’un transistor. Dneprov anticipe là une expérience de pensée connue sous le nom de cerveau chinois. Si chaque chinois simulait l’action d’un neurone, l’ensemble formerait-il un esprit conscient ? Difficile à dire. A partir de combien de neurones émerge la personnalité, les émotions, la conscience de soi ? Sans doute plus que le nombre de chinois, ou même d’êtres humains. L’émergence de la conscience reste un mystère.

Dans une vidéo publiée sur Youtube, le vulgarisateur Michael Stevens reproduit l’expérience du professeur Zarubin avec quelques centaines d’habitants de sa ville natale de Stilwell (Etats-Unis), parvenant à transmettre des informations simples de la même manière qu’un œil transmet une information visuelle au cerveau. Mais Stevens a-t-il recréé un cerveau, un ordinateur, ou bien les deux ?

En définitive, il semblerait que si une intelligence artificielle parvenait un jour à passer le test de Turing, imitant parfaitement une conversation humaine et trompant une personne qui discuterait avec elle, si cette même intelligence artificielle affirmait être consciente, personne ne pourrait pour autant prouver qu’elle le soit réellement, et qu’il ne s’agisse pas plutôt d’une simulation parfaite de la conscience. Cela dit, personne ne peut affirmer non plus avec certitude que notre conscience ne soit pas une pure illusion…

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#6 Les mystères de la vie http://dans-la-lune.fr/2021/12/18/6-les-mysteres-de-la-vie-sebastien-carassou/ http://dans-la-lune.fr/2021/12/18/6-les-mysteres-de-la-vie-sebastien-carassou/#respond Sat, 18 Dec 2021 09:49:42 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=2470 La vie. Un mot tout simple, qui tient en trois lettres, et pourtant un mot qui recèle bien des mystères. La science peine à en fournir une définition, on ne sait pas vraiment expliquer son apparition, on se demande encore si elle a pu éclore ailleurs que sur Terre. Et l’émergence potentielle d’une vie artificielle […]

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La vie. Un mot tout simple, qui tient en trois lettres, et pourtant un mot qui recèle bien des mystères. La science peine à en fournir une définition, on ne sait pas vraiment expliquer son apparition, on se demande encore si elle a pu éclore ailleurs que sur Terre. Et l’émergence potentielle d’une vie artificielle , issue de notre technologie, nous plongerait sans doute dans d’autres abîmes de réflexions. Cet épisode soulèvera certainement plus de questions qu’il ne fournira de réponses. Mais ce sont des questions fascinantes, et ô combien vertigineuses. Nous avons rendez-vous avec Sébastien Carassou.

Pour télécharger cet épisode au format mp3, cliquez ici.
Et n’hésitez pas à vous abonner sur iTunes et nous laisser une note ou un commentaire !

Je vous invite à découvrir le livre de Sébastien Carassou, Le Cosmos et nous, aux éditions des Equateurs, ainsi que sa célèbre chaîne Youtube, dont je ne sais pas s’il est bien utile d’en parler ici puisque vous la connaissez sans doute : Le Sense of Wonder !

Crédits audio :
Home – Hold
Harry Gregson-Williams – Life

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Oumuamua, l’hypothèse extraterrestre http://dans-la-lune.fr/2021/01/31/oumuamua-lhypothese-extraterrestre/ http://dans-la-lune.fr/2021/01/31/oumuamua-lhypothese-extraterrestre/#respond Sun, 31 Jan 2021 10:17:33 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=2308 Depuis quelques semaines, le visiteur interstellaire Oumuamua fait à nouveau parler de lui, après la publication d’un livre revenant sur une hypothèse controversée, expliquant que l’objet mystérieux serait de nature artificielle. Aurions-nous manqué en 2017 un rendez-vous avec la sonde d’une civilisation extraterrestre ? Revue de presque Dans son habituelle revue de presse matinale sur France […]

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Depuis quelques semaines, le visiteur interstellaire Oumuamua fait à nouveau parler de lui, après la publication d’un livre revenant sur une hypothèse controversée, expliquant que l’objet mystérieux serait de nature artificielle. Aurions-nous manqué en 2017 un rendez-vous avec la sonde d’une civilisation extraterrestre ?

Revue de presque

Dans son habituelle revue de presse matinale sur France Inter, le journaliste Claude Askolovitch rapporte la publication d’un article de Télérama, au sujet du livre Le Premier Signe d’une vie intelligente extraterrestre, d’Avi Loeb. Paru le jeudi 28 janvier en sortie mondiale, ce qui est plutôt inhabituel pour un essai scientifique, ce livre traite d’Oumuamua. Si ce nom ne vous dit rien, rappelons qu’il s’agit du premier objet interstellaire détecté dans notre Système solaire, fin 2017. Sa forme plutôt inhabituelle, sa trajectoire et sa vitesse font débat dans la communauté scientifique, et plusieurs hypothèses sont actuellement discutées pour tenter de définir l’origine et la nature de cet objet. Astéroïde ? Comète ? Ou autre chose ?

Claude Askolovitch explique :

Un homme nous dit que cet éclaireur prouve que nous ne sommes pas seuls. Oumuamua aurait été une balise d’observation envoyée il y a des millions d’années par une civilisation disparue.

Avi Loeb (crédits : Herlinde Koebl / Focus / Cosmos)

Conscient d’aborder un sujet délicat qui aux oreilles de bien des auditeurs de France Inter pourrait sembler farfelu ou se rapprocher de la science-fiction plus que de la science, il précise qu’Avi Loeb est un « grand astrophysicien » et emploie plusieurs fois le terme de « sérieux », au sujet de l’université dans laquelle il travaille (Harvard), de la maison d’édition qui publie la version française dudit livre (le Seuil), ou des articles déjà publiés à son sujet dans la presse américaine.

Racontant ensuite comment Loeb se souvient que Galilée dut faire face à l’opposition de ses pairs qui refusaient même de regarder à travers sa lunette lorsqu’il expliquait que la Terre tournait autour du Soleil, il pose une question audacieuse :

Avi Loeb ne dit pas qu’il est Galilée, mais nous, pensons-nous qu’il l’est ?

S’il est toujours agréable d’entendre parler de questions cosmologiques fondamentales dès le matin en lieu et place des éternelles angoisses liées à la crise sanitaire et économique, en revanche la chronique de Claude Askolovitch est imprécise, voire incorrecte, laissant croire que l’hypothèse de Loeb est finalement la plus crédible, qu’il est une sorte de génie précurseur, à qui l’histoire donnera finalement raison. Après tout, pourquoi pas ? En grands rêveurs, c’est tout ce qu’on lui souhaite. Et, comme le précise le bandeau rouge apposé sur la couverture du livre, s’il a raison, alors il s’agira de la plus grande découverte de l’histoire de l’humanité.

La chronique d’Askolovitch rappelle que rares sont les journalistes à disposer d’une véritable culture scientifique. Askolovitch voit sans doute Loeb comme une sorte de lanceur d’alerte, ou comme un génie injustement incompris. Mais ces génies universels incontestés qui viennent bouleverser seuls le domaine qu’ils étudient, le faisant progresser subitement et incontestablement, n’existent pas. Einstein ou Newton eux-mêmes, tout génies qu’ils soient, s’appuyaient sur les travaux de leurs prédécesseurs et de leurs pairs pour affiner leurs théories. Il faut plutôt voir les scientifiques, comme l’explique la formule consacrée du philosophe Bernard de Chartres, comme des nains qui se haussent sur les épaules des géants qui les ont précédés, leur permettant ainsi de voir plus loin. Bernard de Chartres, en parlant de géants, faisaient références aux savants de l’Antiquité, dont le savoir était jugé immense, on pourrait aujourd’hui parler de nains qui se haussent sur les épaules d’autres nains…

Oumuamua (vue d’artiste).

Par ailleurs, la science se base sur des faits, et non des opinions. La science n’est pas non plus démocratique : personne, et surtout pas le peuple, ne vote pour déterminer quelle hypothèse est la plus raisonnable et fera office de vérité. Une proposition scientifique sérieuse a été validée par les pairs du chercheur qui l’a formulée, a été publiée dans une revue scientifique à comité de lecture rigoureuse et dont l’impact est mesurable, est réutilisée et confirmée par d’autres pairs et, dans la mesure du possible, a été vérifiée par l’expérience.

Alors, Avi Loeb est tout à fait libre d’émettre une telle hypothèse, qui permet à cette affaire de percer dans les médias généralistes, et sans doute aussi de faire parler de son livre à peu de frais. Mais il faut rappeler qu’il est à peu près le seul à émettre cette hypothèse, pour la simple et bonne raison qu’elle est très peu crédible, au regard de ce que nous savons sur Oumuamua.

Très vite, quand un phénomène cosmique inédit est détecté, l’hypothèse E.T. fait son apparition. C’était déjà le cas en 1967, après la découverte du tout premier pulsar, baptisé LGM-1, pour Little Green Men (soit « Les petits hommes verts »)… Idem en ce qui concerne KIC 8462852, étoile dont les inhabituelles fluctuations de luminosité ont amené certains chercheurs à évoquer la présence d’une superstructure extraterrestre chargée de collecter son énergie… Rappelons-nous aussi de l’annonce controversée de la détection de phosphine dans l’atmosphère de Vénus ou de méthane sur Mars… Et j’en oublie certainement.

Quels secrets cachent les nuages de Vénus ?

La vie extraterrestre est un sujet fascinant, presque inévitable sur un site consacré à la cosmologie, et Dans la Lune n’hésite d’ailleurs pas à évoquer ces hypothèses à la frontière entre la science et la science-fiction, parce qu’il n’est pas interdit de rêver… Mais un rêver un temps n’empêche pas d’être sérieux et rigoureux, ce qui devrait être la qualité première des journalistes, à commencer par ceux du service public.

 Bon, pourquoi c’est pas E.T. alors ?

Quels éléments concrets amènent Avi Loeb à pencher pour cette hypothèse ? Certaines des caractéristiques certes particulières d’Oumuamua :

  • Sa forme plate et allongée, comme un cigare
  • La façon dont il s’est mis à accélérer en quittant notre voisinage cosmique

Ce comportement particulier pourrait s’expliquer si Oumuamua était une comète qui avait libéré du gaz en s’éloignant, mais aucun phénomène de dégazage n’a été observé, pas plus que n’ont été identifiés les autres attributs traditionnels des comètes, à commencer par leur queue. Oumuamua, clairement, est inhabituel.

Ce sont ces éléments qui ont mené Avi Loeb à la conclusion qu’Oumuamua serait un objet de nature artificielle, comme il l’écrit dans l’introduction de son livre :

Je soutiens que l’explication la plus simple de ces particularités est que l’objet a été créé par une civilisation intelligente qui n’est pas de cette Terre.

Ce qui amuse aussi, c’est que cet étrange visiteur interstellaire rappelle un peu le fameux roman Rendez-vous avec Rama, d’Arthur C. Clarke, paru en 1973, dans lequel un vaisseau interstellaire cylindrique pénètre dans le Système solaire. Ne dites pas à Loeb que son hypothèse a été inspirée par ce roman, puisqu’il ne porte pas la science-fiction dans son cœur, comme il l’explique dans un entretien paru sur le site Observer :

Je n’aime pas la science-fiction car elle enfreint souvent les lois de la physique et me paraît ridicule.

Rama est une sorte de cylindre O’Neill, ces superstructures imaginées dans les années 70.

Dès fin 2018, il publie un article suggérant qu’Oumuamua pourrait être un vaisseau doté d’une voile solaire, envoyé intentionnellement à proximité de la Terre. Il précise à l’époque que ce scénario est « exotique ».

Dans son livre, Loeb explique adopter cette hypothèse car il craint que nous puissions passer à côté de cette possibilité d’avoir découvert la vie extraterrestre. Au vu de l’engouement sur le sujet, au vu des annonces récurrentes évoquées plus haute et de tant d’autre, et puisque la réponse à la question de savoir si nous sommes seuls dans l’Univers est l’une des plus grandes quêtes de l’humanité, si un scientifique découvrait le moindre indice en faveur de l’existence d’une civilisation extraterrestre, il le ferait immédiatement savoir. Les annonces récurrentes évoquées plus haut, et tant d’autres (le signal Wow!, la météorite ALH 84001, etc.) le montrent aisément.

En sciences, le rasoir d’Ockham, ce principe qui veut que les hypothèses les plus simples doivent être privilégiées, est souvent invoqué. Pour Loeb, les hypothèses naturelles ne sont pas suffisantes, et l’hypothèse artificielle doit donc être privilégiée. Il explique que la communauté scientifique est si effrayée à l’idée de se tromper, qu’elle n’ose plus se confronter à l’inconnu.

Pourtant, l’hypothèse extraterrestre est bien sur la table. Elle a été évoquée, testée, dans la mesure du possible : l’institut SETI a ainsi écouté Oumuamua durant un mois, cherchant en vain d’éventuels signaux radio. Elle est parfois évoquée par d’autres scientifiques, mais une comme une hypothèse extrême, qui nécessite pour être prise au sérieux de se débarrasser d’abord de toutes les hypothèses naturelles qui, contrairement à ce qu’affirme Loeb, restent pour l’instant plus crédibles.

Dès juillet 2019, un article revenait sur la controverse, et expliquait pourquoi Oumuamua était très vraisemblablement un objet d’origine naturelle.

Il se concluait ainsi :

Même si Oumuamua soulève un certain nombre de questions fascinantes, nous avons montré que chacune peut être répondue en supposant qu’il soit un objet naturel. Affirmer que Oumuamua puisse être artificiel n’est pas justifié lorsque l’on considère le vaste corpus de connaissances actuelles sur les corps mineurs du système solaire et la formation planétaire.

Depuis, de nombreux papiers ont été publiés sur le sujet. Selon les dernières études en date, Oumuamua serait le fragment d’un corps cométaire.

Avi Loeb est un peu seul, c’est vrai. Et plus la communauté scientifique semble vouloir lui donner tort, plus il s’acharne. Libre à lui, évidemment, d’aller à rebours du consensus, mais ce n’est peut-être pas la chose la plus raisonnable à faire, à l’heure ou les fake news pullulent, où l’idéologie prime trop souvent sur la recherche scientifique, et où la vérité semble être finalement une opinion comme un autre.

Oumuamua, observé ici par le télescope William Herschel, est ce petit point au centre de l’image. (crédits : A Fitzsimmons, Queen’s University Belfast/Isaac Newton Group, La Palma)

Un article de Libération résume finalement assez bien toute cette affaire :

Deux cent soixante pages plus tard, le sujet n’est plus de savoir si notre système solaire a été visité ou non par un objet artificiel conçu par des créatures pensantes orbitant autour d’une autre étoile, mais de comprendre comment certains esprits brillants sont capables de rationaliser à outrance une lubie très personnelle.

Là où Loeb rejoint la communauté scientifique, c’est lorsqu’il explique que les prochains visiteurs interstellaires seront mieux identifiés, mieux étudiés, parce que nous disposerons de technologies plus avancées, comme par exemple le télescope LSST (Large Synoptic Survey Telescope) ou  l’observatoire Vera-C.-Rubin, qui selon Loeb serait capable de détecter un Oumuamua par mois. Nous découvrirons alors peut-être que ce tout premier visiteur venu d’ailleurs n’était pas si singulier que ça, tout compte fait.

Quoi de mieux pour terminer un article que de citer le grand Carl Sagan ? Allez Carl, c’est parti :

Des affirmations extraordinaires nécessitent des preuves extraordinaires.

Et des preuves extraordinaires en faveur de l’existence de la vie extraterrestre, il n’y en a pas. Pas encore ?

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Une biosignature potentielle dans les nuages de Vénus ? http://dans-la-lune.fr/2020/09/14/une-biosignature-potentielle-nuages-venus/ http://dans-la-lune.fr/2020/09/14/une-biosignature-potentielle-nuages-venus/#respond Mon, 14 Sep 2020 13:12:13 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=2202 C’est une annonce majeure : une biosignature aurait été détectée dans les nuages de l’atmosphère de Vénus. Vénus l’infernale Situé à près de 40 millions de kilomètres de la Terre, Vénus est notre plus proche voisine. Elle est pourtant depuis plusieurs décennies et la fin des missions soviétiques du programme Venera un peu délaissée par […]

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C’est une annonce majeure : une biosignature aurait été détectée dans les nuages de l’atmosphère de Vénus.

Vénus l’infernale

Situé à près de 40 millions de kilomètres de la Terre, Vénus est notre plus proche voisine. Elle est pourtant depuis plusieurs décennies et la fin des missions soviétiques du programme Venera un peu délaissée par les différentes missions des agences internationales (hormis par la JAXA, l’agence spatiale japonaise, avec sa sonde Akatsuki), au profit de Mars. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer, la principale étant sans doute que Mars est une meilleure candidate pour la recherche d’une vie extraterrestre, passée ou présente.

En effet, avec une température au sol d’environ 450°C, une pression insoutenable de 90 fois celle de la Terre, des pluies d’acide sulfurique, difficile d’imaginer de sémillants petits hommes verts (ou rouge) humanoïdes courir à la surface de Vénus… Et impossible d’y poser un jour le pied, contrairement à Mars.

La donne pourrait bien changer en ce qui concerne les destinations de prochaines missions d’exploration spatiale, puisque c’est bien sur la discrète Vénus que des traces potentielles de vie extraterrestre auraient été découvertes…

I want to believe

Commençons déjà par les précautions d’usage : une vie extraterrestre n’a pas été concrètement découverte ; il faudrait plutôt parler de la découverte d’indices convaincants en faveur de vie extraterrestre. C’est ce qu’on appelle une biosignature.

De la phosphine a donc été détectée dans les nuages de l’atmosphère de Vénus. La phosphine est un gaz hautement toxique, produit par certains types de microbes vivants dans des environnements sans oxygène.

Les chercheurs à l’origine de cette découverte, originaires notamment  du Massachusetts Institute of Technology (MIT) aux Etats-Unis, de l’Université de Cardiff et de l’Université de Manchester (au Royaume-Uni) ont réalisé cette découverte à l’aide du télescope James Clerk Maxwell à Hawaï et du réseau d’antennes Atacama Large Millimeter Array au Chili.

Le télescope James Clerk Maxwell. (crédits : William Montgomerie)

Evidemment, les chercheurs ont tenté de déterminer comment ce gaz pouvait être produit autrement que par des organismes vivants. Des traces de phosphine ont déjà été découvertes sur Jupiter, mais dans des environnements où les températures sont extrêmes, ce qui n’est pas le cas dans l’atmosphère de Vénus. C’est pourquoi la phosphine est considérée comme une excellente biosignature sur les planètes rocheuses.

Sur Terre, la phosphine est produite par des microbes qui n’ont pas besoin d’oxygène. Puisque Vénus n’a pratiquement pas d’oxygène dans son atmosphère, c’est un autre indice pouvant suggérer que le gaz provient en fait de microbes.

Cette potentielle vie pourrait aussi expliquer la présence de mystérieuses stries sombres qui apparaissent sur les images en ultraviolet des sondes spatiales.

Les stries sombres de l’atmosphère de Vénus sont particulièrement bien visibles sur cette image de la sonde Mariner 10. (crédits : NASA)

La température à la surface de Vénus étant bien trop chaude pour que la vie telle que nous la connaissons puisse se développer, les scientifiques à l’origine de cette découverte supposent que ces bactéries vivraient dans les nuages de Vénus, entre 48 et 60 kilomètres au-dessus de la surface, où les températures varient entre 0 et 90°C.

Le plus remarquable, c’est que des chercheurs supposaient déjà depuis de nombreuses décennies la présence d’une vie vénusienne, précisément dans cette zone. Ainsi, dans un article paru en 1967, le physicien Harold Morowitz et le célèbre astronome Carl Sagan écrivaient :

Alors que les conditions de surface de Vénus rendent l’hypothèse de la vie là-bas invraisemblable, les nuages ​​de Vénus sont une histoire complètement différente.

Selon les modèles actuellement en vigueur, Vénus aurait été habitable il y a de cela quelques milliards d’années. Il est théoriquement possible que lorsqu’elle est devenue moins hospitalière, la vie qui essaimait alors à la surface se soit adaptée et réfugiée dans cette étroite zone de l’atmosphère vénusienne.

La zone tempérée de l’atmsophère de Vénus. (crédits : Seager et al. / Astronomy.com) 

Go go go !

Prochaine étape ? Effectuer d’autres observations, pour mesurer d’éventuelles variations quotidiennes ou saisonnières de la présence de phosphine, et rechercher d’autres biosignatures. Confirmer également que ce gaz ne peut pas être produit par autre chose que des organismes vivants.

Et ensuite ? Digérer cette nouvelle, qui si toutefois elle était confirmée serait probablement l’une des plus importantes de l’histoire de l’humanité. Si la vie extraterrestre existe sur deux planètes différentes de notre Système solaire, alors elle est sans doute abondante dans l’Univers.

Et puis, évidemment, envisager une mission spatiale, pour enfin rencontrer nos chers et si précieux voisins, ceux qui nous feraient alors dire que non, définitivement, nous ne sommes pas seuls.

(crédits image de couverture : JAXA / ISIS / DARTS / Damia Bouic)

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Une anomalie dans le rayonnement fossile http://dans-la-lune.fr/2018/12/03/une-anomalie-dans-le-rayonnement-fossile/ http://dans-la-lune.fr/2018/12/03/une-anomalie-dans-le-rayonnement-fossile/#respond Mon, 03 Dec 2018 19:19:22 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=1879 La toute première lumière émise par l’Univers est riche d’enseignements sur son origine et son évolution à travers l’espace et le temps. Et certains des mystères qu’elle renferme résistent encore aux modèles cosmologiques actuels, laissant la place aux hypothèses les plus audacieuses… Et la lumière fut En 1964, Robert Wilson et Arno Penzias, chercheurs pour […]

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La toute première lumière émise par l’Univers est riche d’enseignements sur son origine et son évolution à travers l’espace et le temps. Et certains des mystères qu’elle renferme résistent encore aux modèles cosmologiques actuels, laissant la place aux hypothèses les plus audacieuses…

Et la lumière fut

En 1964, Robert Wilson et Arno Penzias, chercheurs pour l’entreprise de télécommunications canadienne Bell, sont chargés de détecter et supprimer les bruits parasites qui interfèrent avec les satellites de communication (tels que ceux des radars ou de la radiodiffusion, par exemple). Ils détectent bientôt un bruit faible, uniforme dans le ciel, présent jour et nuit. Ils vérifient leurs instruments, les nettoient – pensant que le bruit est dû à des fientes d’oiseaux – mais rien n’y fait. Le bruit est toujours là. Ils en concluent qu’il provient probablement de l’extérieur de notre galaxie, la Voie Lactée.

Wilson et Penzias ne se doutent pas encore que la solution à leur mystérieux bruit se trouve à seulement quelques centaines de kilomètres des laboratoires de Bell. Une équipe de chercheurs de l’université de Princeton, menée par le physicien Robert Dicke, cherche à traquer le rayonnement fossile. Il s’agit ni plus ni moins que de la première lumière de l’Univers, prédite dès les années 40 par l’astrophysicien George Gamow. Celle-là même qui a été détectée par Wilson et Penzias, sans le savoir ! C’est le professeur Bernard F. Burke du MIT (Massachusetts Institute of Technology) qui mettra la puce à l’oreille de Penzias, en évoquant avec lui ce fameux rayonnement fossile et les travaux de Robert Dicke.

Il en va des découvertes scientifiques comme de la vie : parfois, c’est le hasard qui gagne. Robert Dicke et son équipe passent à côté d’une découverte majeure, peut-être à quelques mois près, au profit de Wilson et Penzias, qui ont trouvé ce qu’ils ne cherchaient pas, et remportent ainsi le prix Nobel en 1978.

Arno Penzias et Robert Wilson.

La rumeur

Mais alors c’est quoi au juste, ce rayonnement fossile ? C’est tout simplement la première lumière de l’Univers qui soit parvenue jusqu’à nos yeux.L’Univers primordial, durant cette phase appelée le Big Bang, se trouve dans un état extrêmement dense et extrêmement chaud. Les photons sont perpétuellement en interaction avec la matière. Ils ne voyagent pas. L’Univers est une sorte de brouillard. Mais plus il s’étend, et plus il refroidit. 380 000 ans environ après le Big Bang, il s’est suffisamment refroidi pour que se forment les atomes d’hydrogène. Les photons n’interagissant plus avec eux, ils voyagent librement dans l’espace, jusqu’à parvenir aux instruments développés par l’homme, plus de 13 milliards d’années plus tard.

Dans son Dictionnaire amoureux du Ciel et des Etoiles, l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan conclut :

La carte du rayonnement fossile est donc la plus vieille image que nous puissions obtenir de l’univers : elle nous permet de le contempler lorsqu’il était encore dans la prime jeunesse de ses 380 000 ans.

Depuis, l’Univers s’est étendu dans l’espace – de près de mille fois, et refroidi – de près de mille fois également. La température de ce rayonnement fossile est donc très froide : trois degrés au-dessus du zéro absolu (environ 2,72 degrés kelvin).

Le rayonnement fossile se comprend dans le contexte de l’expansion de l’Univers.

Photographier l’instant primordial

Le bruit détecté, il ne restait dès lors plus qu’à le photographier pour obtenir une image merveilleuse de notre Univers adolescent. Il faudra près de vingt-cinq ans pour parvenir à ce résultat, lorsque la NASA envoie dans l’espace un satellite appelé COBE (pour Cosmic Background Explorer ou explorateur du fond diffus cosmologique en français), équipé d’un radiotélescope micro-onde capable de détecter et de mesurer les différences de température du fond diffus cosmologique. Nous sommes alors en 1992, et l’humanité découvre une photographie de l’Univers lorsqu’il n’avait que près de 380 000 ans.

Comme le rappelle Max Tegmark dans son livre Notre Univers Mathématique, le physicien britannique Stephen Hawking annonce à ce sujet qu’il s’agit de :

La découverte la plus importante du siècle, si ce n’est depuis toujours.

COBE révèle également de petites fluctuations de densité de l’univers primordial : la matière n’était alors pas répartie uniformément dans l’Univers. C’est d’ailleurs toujours le cas, ce phénomène s’est même accru avec l’action de la gravité, expliquant la répartition actuelle des galaxies qui se concentrent sur de grandes zones, sous forme de filaments. Ces fluctuations de densité se traduisent dans le fond diffus cosmologiques par des fluctuations de température, aussi appelées anisotropies. Elles sont extrêmement difficiles à repérer, leur amplitude étant de l’ordre du cent-millième de degré !

En 2001, le successeur de COBE, WMAP (pour Wilkinson Microwave Anisotropy Probe) est lancé. Bien plus sensible, bien plus précis, il recense avec une grande précision les infimes fluctuations de température du rayonnement fossile. Il met en évidence ce qui sera bientôt appelé le Point froid (Cold spot) : une région du ciel dans laquelle la température est anormalement froide. Une anomalie, au regard des propriétés du rayonnement fossile. Un endroit qui n’a pas lieu d’être. Un mystère.

La carte du rayonnement fossile livrée en 2013 par le satellite Planck de l’Agence spatiale européenne (ESA), encore plus précise et détaillée, confirment cette anomalie, ce petit grand de sable dans les rouages de nos lois cosmologiques…

Chaque mission affine un peu plus notre regard.
(crédits : Le Figaro)

Vers le multivers

Plusieurs hypothèses ont été proposées pour expliquer ce curieux Point froid :

  • L’influence de l’énergie noire, qui expliquerait bien les zones vides de l’Univers, mais pas d’une taille comme celle du Point froid, dont la probabilité de formation serait dans ce cas très faible
  • La présence d’un gigantesque trou noir, super-super massif,qui aurait absorbé les millions de galaxies qui l’entourent
  • Le point froid serait une sorte de supervide, non pas totalement vide mais avec une densité très faible de galaxies – notez que cela n’explique pas la formation du Point froid

Une hypothèse bien plus controversée, et absolument vertigineuse, est évoquée en 2017 dans un papier du chercheur britannique Ruari Mackenzie, intitulé Evidence against a supervoid causing the CMB Cold Spot (soit en français : preuves qui infirment l’hypothèse d’un supervide qui causerait le point froid du rayonnement fossile). Le Point froid serait la cicatrice laissée sur notre Univers d’une collision avec un autre univers, survenue il y a près de 13 milliards d’années. Deux univers entrant en collision à la manière de deux bulles – soit rien de moins, si cette hypothèse était avérée, qu’une preuve de l’existence du multivers, qui voudrait qu’une infinité d’univers parallèles coexistent !

Vision d’artiste du multivers.
(crédits : Jaime Salcido / EAGLE Collaboration)

En vérité, dès 2007, la physicienne albano-américaine Laura Mersini-Houghton, spécialiste de la théorie du multivers, affirmait déjà que le supervide était :

L’incontestable empreinte d’un autre univers au-delà des frontières du nôtre.

Le fameux multivers… Au-delà de tous nos horizons cosmologiques, à jamais inaccessible, il est abondamment cité dans la science-fiction, et divise énormément la communauté scientifique. Une des critiques récurrentes concerne l’impossibilité de prouver une telle théorie. Si elle ne reste à jamais qu’un fantasme de rêveurs, et même si elle répond à des problématiques cosmologiques, est-elle véritablement scientifique ?

Dans un article au titre audacieux, Peut-on tester les univers parallèles ?, l’astrophysicien Aurélien Barrau écrit :

Peut-être ces univers multiples n’existent-ils pas et constituent-ils une impasse épistémologique ? Mais il serait regrettable de les balayer d’un revers de la main. D’abord parce qu’ils sont prédits par certaines de nos théories (en ce sens, ils ne sont pas une hypothèse mais une conséquence) et qu’il serait incohérent d’user de ces théories en négligeant ce qu’elles génèrent.

A défaut de pouvoir observer directement le multivers, certains chercheurs pensent pouvoir déceler les indices attestant de l’influence d’univers parallèles sur notre Univers. Parmi ceux-ci, le fameux Point froid… Le résultat des recherches de Ruari Mackenzie a fait beaucoup de bruit, surtout dans la presse généraliste : il faut préciser que la mention du multivers tient sur seulement quatre lignes – dans un article de douze pages…

Dans un article publié sur le site IFLSCIENCE!, Mackenzie rappelle :

Les résultats du papier ne disent rien d’une manière ou d’une autre sur possibilité de l’existence d’un multivers. Ce que nous avons essayé de faire était de tester l’affirmation selon laquelle il y avait un énorme supervide aligné avec le Point froid qui était si extrême qu’il aurait pu créer le Point froid du rayonnement fossile, peut-être par un effet qui dépasse la cosmologie standard.

Le désir d’exploration de l’homme se fonde sur sa curiosité à vouloir déceler ce qu’il y au-delà : au-delà des montagnes, des océans, de l’atmosphère terrestre, du Système solaire, de la galaxie, des trous noirs, de l’Univers… Nul ne sait répondre pour le moment à certaines des questions que soulèvent ces nouvelles frontières géographiques et intellectuelles qui, en attendant, sont les pourvoyeuses de nos éternels rêves d’ailleurs…

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En quête d’une civilisation extraterrestre passée dans le Système solaire http://dans-la-lune.fr/2018/10/16/en-quete-dune-civilisation-extraterrestre-passee-dans-le-systeme-solaire/ http://dans-la-lune.fr/2018/10/16/en-quete-dune-civilisation-extraterrestre-passee-dans-le-systeme-solaire/#comments Tue, 16 Oct 2018 12:26:02 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=1840 La question de la vie extraterrestre et plus globalement de la pluralité des mondes agite les esprits depuis au moins plusieurs siècles. Aujourd’hui, il faut malheureusement s’y résoudre : sauf preuve du contraire, la vie n’a pas essaimé dans le Système solaire, tout du moins la vie intelligente. Nous sommes seuls. Il va donc falloir chercher […]

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La question de la vie extraterrestre et plus globalement de la pluralité des mondes agite les esprits depuis au moins plusieurs siècles. Aujourd’hui, il faut malheureusement s’y résoudre : sauf preuve du contraire, la vie n’a pas essaimé dans le Système solaire, tout du moins la vie intelligente. Nous sommes seuls. Il va donc falloir chercher plus loin. Plus loin dans l’espace, c’est entendu… Et pourquoi pas aussi plus loin dans le temps ?

Vastitude du temps

Pas besoin de grandes leçons d’astrophysique : il suffit de lever les yeux par une belle nuit d’été pour comprendre quelle est la place de l’homme dans l’Univers. Dérisoire, pourraient dire certains. La plus proche de toutes ces étoiles qui se dévoilent peu à peu à mesures que nos yeux s’habituent à l’obscurité, est tout de même située à plus de 4 années-lumière de la Terre : il faudrait envisager un voyage de près de 70 000 ans pour la rejoindre. Toutes les autres étoiles de notre galaxie, qui en comprend au total environ 200 milliards, sont par conséquent inaccessibles autrement que par la lumière qu’elles nous renvoient. Et l’Univers ne s’arrête pas là, comme on le croyait avant les années 30 : la galaxie la plus proche de la Voie Lactée s’appelle Andromède, elle est située à environ 2,5 millions d’années-lumière de la Terre. Elle aussi comporte des milliards d’étoiles. Notre Univers observable, contiendrait environ 2000 milliards de galaxies, selon les dernières observations menées grâce au télescope spatiale Hubble. Et au-delà de cet horizon à jamais infranchissable, qu’y a-t-il ? Nous n’en savons rien, nous sommes aveugles.

Bref, oui, l’espace est vaste, tant et si bien qu’on ne sait toujours pas s’il est infini ou non. Cela est, au choix, fascinant, frustrant, terrifiant, déprimant.

C’est cependant oublier un autre vertige : celui du temps. Notre Univers est vieux. 13,4 milliards d’années. Un nombre difficilement concevable pour l’esprit humain, tout comme ceux énumérés plus haut. Mais si nous sommes capables d’apprécier l’immensité de la voûte céleste durant la nuit, nous sommes contraints par la flèche du temps  qui nous empêche de voir le passé et le futur. Il est donc plus compliqué de bien saisir à quel point notre Univers est vieux – au regard de la vie humaine, de la vie tout court, et même de la Terre elle-même. Il faut donc utiliser des échelles de temps plus intuitives. C’est ce que fait, par exemple, le scientifique britannique Carl Sagan dans son livre Les Dragons de l’Eden (1977) puis dans le premier épisode de la série Cosmos. Il ramène toute l’histoire de l’Univers, depuis le Big Bang jusqu’à nos jours, sur le calendrier d’une année, où le 1er janvier équivaut au Big Bang et le 31 décembre à minuit à l’instant présent.

Le remake de Cosmos, présenté par Neil deGrasse Tyson, reprend le calendrier cosmique.

Sur ce calendrier, les premières galaxies se forment donc le 22 janvier, et la Voie Lactée le 16 mars. Ensuite, il se passe des choses, bien des choses, avant que le Système solaire ne se forme le 9 septembre, puis la Terre le 12 septembre seulement, par accrétion de poussière et de petits corps. La vie émerge le 25 septembre par un processus dont l’origine reste à ce jour inconnue. Les premiers invertébrés apparaissent le 17 décembre. Les premiers arbres le 23. Les dinosaures ? Seulement le 25 décembre. Et l’homme, alors ? Révisons notre place sur Terre, dont certains, et tout porte à croire qu’ils ont raison, diront qu’elle est dérisoire : il apparaît le 31 décembre aux alentours de 21 heures. A 23h56, c’est l’Homo sapiens qui fait ses premiers pas. Les premières villes se fondent à 23h59 et 35 secondes. Et à minuit, vous lisez cet article. En somme, notre histoire toute entière n’occupe que les dernières secondes de la dernière minute du calendrier cosmique…

Comme le dit lui-même si bien Carl Sagan :

Dans le vaste océan du temps que représente ce calendrier, tous nos souvenirs sont confinés à cette petite place. Chaque personne dont nous avons entendu parler a vécu là. Tous ces rois et batailles, migrations et inventions, guerres et histoires d’amour. Tout le contenu des livres d’histoire se passe ici, dans les 10 dernières secondes du calendrier cosmique.

Dès lors, peut-on imaginer qu’une autre vie intelligente ait émergée dans le Système solaire, en dehors de ces dix secondes ? Et si nous pouvions explorer le temps, à la recherche d’indices en faveur d’une telle civilisation ? Et si la Terre elle-même en fut le berceau, bien avant d’être celui des hommes ?

Le temps détruit tout

Pour savoir ce qu’il pourrait rester d’une éventuelle civilisation préhumaine, il faut d’abord se demander ce qu’il restera de l’homme quand la fin de son règne adviendra sur Terre, pour une raison ou pour une autre.

Dans un essai paru en 2007, Homo Disparitus, le journaliste américain Alan Weisman se pose la question de notre impact sur notre écosystème en partant d’un postulat original : du jour au lendemain, l’homme disparaît, instantanément.

Le temps n’épargne rien, et surtout pas la vanité de l’homme !
(crédits : Jonas De Ro)

Il passe en revue les conséquences d’un tel scénario, sur la faune, la flore, l’environnement, sur nos infrastructures inévitablement vouées à disparaître.

La plupart des constructions modernes de l’homme – les immeubles, les ponts, les routes – sont conçues pour durer entre 60 et 200 ans, en étant évidemment régulièrement entretenues. Lentement, année après année, les murs s’effritent, le bois pourrit, les vitres éclatent, les toits pourrissent et s’écroulent. Portées par le vent, des graines échouent au milieu des maisons, poussent et deviennent des arbres. Les métaux rouillent, le béton s’effrite, l’humidité pénètre partout et fait gonfler les structures, les bâtiments s’effondrent les uns après les autres sous leur propre poids, après une lente décomposition accentuée par la succession des saisons.

Le plastique est l’un de seuls matériaux conçus par l’homme qui ne soit pas pas à la merci de la nature. Il résiste aux éléments, hormis le feu, et n’est pas comestible. Des téléphones portables et des ordinateurs intacts gisent, ici ou là, avant d’être enterrés sous les feuilles.

Qu’en est-il de la pollution causée par l’excès de CO2 dans l’atmosphère ? Et bien, ses effets se font encore longtemps sentir. Durant au moins un siècle, augmentant la température mondiale de quelques dixièmes de degrés. Les effets sont vite régulés par la planète même si le taux de CO2 ne reviendra pas pour autant à la normale aussi rapidement.

Après 150 ans, la plupart des villes ne ressemblent plus qu’à un champ de ruines.  A Londres, la Tamise a repris ses droits. La capitale anglaise est redevenue le marais qu’elle était avant que l’homme ne s’y installe, tout comme à Paris. Las Vegas est redevenue un désert, privée de ses pompes électriques. L’île de Manhattan se transforme peu à peu en forêt.

Après 200 ans, ce sont d’autres édifices massifs qui montrent des signes de faiblesse : les barrages. Certains, fatigués par l’érosion, lâchent, libérant des milliers de mètres cubes d’eau.

Les monuments antiques, comme les pyramides de Gizeh, la muraille de Chine ou encore le Parthénon, sont ceux qui résistent le mieux aux affres du temps. Si la tour Eiffel a tenu plus longtemps que les gratte-ciels de béton, privée de sa peinture qui s’est écaillée peu à peu, victime de la rouille causée par les pluies,  elle s’écroule elle aussi, environ 230 années après la disparition de l’homme.

Après 1000 ans, la seule structure quasiment intacte de l’homme demeure le Tunnel sous la Manche, même s’il est en partie inondé. La planète, dans un lent mouvement continuel, se débarrasse peu à peu de tout notre ouvrage. Elle recouvre, elle avale, elle broie, elle réduit en poussière. Comme une vague qui, très lentement mais inéluctablement, emporte tout.

Après 5000 ans, les bombes thermonucléaires se fissurent et laissent échapper des substances radioactives.

Après 25 000 ans, et bien, est-il nécessaire d’insister sur l’état ce que nous avons construit ? Peut-être qu’une nouvelle période glaciaire aura d’ici là terminé de recouvrir sous des mètres de neige tout l’hémisphère nord.

Tous nos ouvrages seront-ils donc engloutis par le temps, condamnant l’humanité à l’oubli ? Non, des traces indirectes de notre activité pourraient subsister longtemps, très longtemps. Ce sont des techno-signatures : les conséquences de la civilisation industrielle, qui en quelques siècles impactent durablement l’environnement.

L’hypothèse silurienne

Dans un article intitulé The Silurian Hypothesis (L’hypothèse silurienne, sur laquelle nous reviendrons) et paru en 2018, les scientifiques américains Gavin A. Schmidt et Adam Franck, tentent de recenser de telles signatures :

  • Des anomalies dans le ratio des isotopes de carbone, oxygène, hydrogène et nitrogène
  • La disparition massive de certaines espèces, et la prolifération d’autres, plus invasives (nuisibles) dans les futurs fossiles
  • Certains produits chimiques de synthèse
  • Les micro et nanoparticules de plastique
  • Certains isotopes radioactifs, dans le cas d’une catastrophe majeure ou d’une guerre nucléaire

Quelque part, et c’est assez effrayant, les mêmes technologies qui contribueront peut-être à tous nous enterrer nous permettront peut-être aussi de passer à la postérité géologique, comme le suggère l’article :

Plus une civilisation dure longtemps, plus ses pratiques doivent être durables pour qu’elle puisse survivre. Plus une société est durable (par exemple, dans la production d’énergie, la production ou l’agriculture), plus son empreinte sur la planète est mince. Mais plus l’empreinte au sol est mince, moins le signal est intégré dans l’histoire géologique. Ainsi, l’empreinte de la civilisation pourrait se limiter sur une échelle de temps relativement courte.

En dernier lieu, plusieurs milliards d’années après que le dernier homme aura fermé les yeux, les vestiges de l’exploration spatiale survivront sans doute, notamment sur la Lune où l’activité géologique est très faible.

Le rover de la mission Apollo 17.
(crédits : NASA)

Dans ce cadre, L’hypothèse silurienne suggère qu’une civilisation préhumaine aurait pu exister sur Terre bien avant l’émergence de l’homme, et que des techno-signatures similaires pourraient être détectées. Elle tire en fait son nom d’un épisode de la série britannique Doctor Who diffusé en 1970, dans lequel une ancienne civilisation de reptiles humanoïdes s’est réfugiée sous la Terre suite à une série de cataclysmes.

Pour Schmidt et Franck, il existe des similarités indéniables entre certains événements survenus dans  passé lointain et les effets de notre civilisation sur l’environnement. Ces événements sont par contre contemporains de phénomènes ou de catastrophes naturels, ils ne constituent donc absolument pas une preuve en faveur de l’hypothèse silurienne.

Dans La Nuit des temps (1968), René Barjavel imagine une civilisation technologique sur Terre éteinte depuis 900 000 ans.

C’est une question que je me suis souvent posée, enfant : pourquoi les dinosaures, qui ont vécu si longtemps sur Terre, n’ont-ils pas accédé à la conscience et à l’intelligence ? A priori, donc, rien n’indique que ce ne soit pas le cas, même si c’est fort peu probable. Bon, peu importe, mon rêve de voir des dinosaures conduire des voitures volantes ou flotter dans l’espace ne s’est pas totalement évanoui, et c’est ce qui compte !

A présent, éloignons-nous de la Terre. Selon les dernières études en vigueur, des planètes comme Mars et Vénus auraient eu par le passé des conditions environnement bien plus hospitalières et favorables à la vie. Peut-on imaginer qu’elle ait effectivement émergée là-bas, ou même encore plus loin, et qu’on puisse un jour retrouver d’éventuels artefacts extraterrestres ?

Mars et Vénus

L’astronome américain Jason T. Wright a publié en 2017 un article qui finalement se révèle être précurseur de l’hypothèse silurienne. Intitulé Prior Indigenous Technological Species, il questionne la possibilité de retrouver des artefacts d’une ancienne civilisation extraterrestre ayant émergé dans le Système solaire, sur la Terre ou ailleurs. Son papier, comme celui de Schmidt et Franck, recense quelques techno-signatures qui pourraient survivre à l’épreuve du temps, et tente d’appliquer ce modèle à d’autres corps du Système solaire.

Vénus et Mars font office d’excellentes candidates. Selon une étude de l’Institut Goddard de la NASA, parue en 2016, Vénus aurait pu être la première planète habitable du Système solaire, et ce pendant au moins deux milliards d’années, laissant le temps à la vie d’apparaître, de se développer, puis de disparaître il y a de cela environ 750 millions d’années, lorsque les conditions ont commencées à se dégrader, pour devenir ce qu’elles sont actuellement (globalement, un enfer).

Dans un article, la NASA précise :

Il semble qu’il y ait eu suffisamment d’eau pour favoriser une vie abondante, avec assez de terres émergées pour réduire la sensibilité de la planète aux changements provoqués par la lumière solaire.

Sous l’épaisse atmosphère de Vénus, l’enfer !
(crédits : JAXA)

De toute évidence, selon Wright, d’éventuelles technologies développées à l’époque sont aujourd’hui inopérantes, ce qui complique leur détection, et nécessite une analyse in-situ, particulièrement compliquée au vu des conditions (voir à ce sujet le programme soviétique Venera).

Concernant la planète rouge, elle aurait eu un océan d’eau liquide à surface il y a environ 4 milliards d’années. Les spéculations vont bon train sur la présence de vie passée. Ce sont principalement des structures microbiennes qui sont évoquées.

Wright va plus loin. L’érosion étant plus faible sur Mars que sur Terre, de potentielles structures extraterrestres relativement épargnées par le temps pourraient reposer sous la surface.

Et sinon ? Comme dans le cas de l’humanité, l’espace demeure le meilleur sanctuaire pour s’abriter du passage du temps. Il s’agit en fait du meilleur endroit pour envisager de telles recherches. Des artefacts sur des lunes ou des astéroïdes pourraient être d��tectables. Pour des objets en orbite (des satellites ou des sondes), ce serait a priori plus compliqué :

Si les artefacts sont inertes, manquent de propulsion, ils seront soumis au chaos dynamique du Système solaire et à la pression du rayonnement solaire.

En 2011, deux chercheurs qui débattaient déjà de la question expliquaient que notre technologie était de toute façon incapable de détecter des objets aussi petits dans l’espace.

En conclusion, Wright cite quelques technologies qui permettraient de favoriser les découvertes d’artefacts extraterrestres passés :

Peut-être que l’imagerie radar utilisée pour étudier la géologie des surfaces planétaires pourrait révéler des traces de structures enterrées, ou d’autres artefacts. La photométrie et les spectres des astéroïdes, des comètes et des objets de la ceinture de Kuiper pourraient révéler des anomalies d’albédo, de forme, de rotation, de composition ou autres, dues au fait que les cibles hébergent, ou sont, des artefacts.

Ce sujet, hautement spéculatif, fait rêver. Et incite à la réflexion sur notre propre place dans le Système solaire. Sur notre impact impact environnemental et ses funestes conséquences. Sur notre impact dans le temps, le temps long, celui qui détruit tout. Postulat de science-fiction : si de futurs archéologues extraterrestres explorent un jour la Terre à la recherche d’artefacts de notre civilisation et ne retrouvent, de notre histoire, de nos arts, de nos guerres, de nos amours, que quelques microscopiques particules de plastique, qu’en concluront-ils ?

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La gelée grise http://dans-la-lune.fr/2018/04/11/la-gelee-grise/ http://dans-la-lune.fr/2018/04/11/la-gelee-grise/#respond Wed, 11 Apr 2018 19:03:18 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=1676 Une machine minuscule capable de se répliquer à l’infini, consommant en quelques heures l’intégralité des ressources disponibles sur Terre et éradiquant par conséquent toute forme de vie. Une apocalypse éclair qui porte un nom : la Gelée grise… Tout est une copie, d’une copie, d’une copie… Quand il s’agit d’imaginer les possibles apocalypses qui viendraient […]

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Une machine minuscule capable de se répliquer à l’infini, consommant en quelques heures l’intégralité des ressources disponibles sur Terre et éradiquant par conséquent toute forme de vie. Une apocalypse éclair qui porte un nom : la Gelée grise…

Tout est une copie, d’une copie, d’une copie…

Le dernier recours en cas d’apocalypse.

Quand il s’agit d’imaginer les possibles apocalypses qui viendraient le terrasser, l’imagination de l’homme est sans limites. Qu’elle soit la cause d’un dieu, d’un astéroïde, d’une invasion extraterrestre ou d’un désastre écologique, l’issue est la même : la disparition de l’homme face à des forces qui le dépassent ou qu’il ne maîtrise pas. De nouvelles craintes sont apparues avec l’apparition de la robotique, et plus globalement l’essor des technologies. Ces machines qui remplacent déjà nos bras dans les usines pourraient-elles un jour nous supplanter ? La science-fiction ne manque évidemment pas d’exemples d’apocalypses technologiques plus ou moins saugrenues. Certains chercheurs, parfois, s’autorisent même quelques avertissements à destination des citoyens, notamment face au développement de l’intelligence artificielle ou des nanotechnologies. Revenons aujourd’hui sur un scénario apocalyptique qui porte le joli nom de Gelée grise…

Dans les années 70 l’ingénieur américain Kim Eric Drexler, l’un des pères des nanotechnologies, imagine la conception d’assembleurs moléculaires, de minuscules machines capables de créer et d’assembler différents matériaux en manipulant individuellement des atomes ou des molécules.

Dans son livre Engines of Creation – The Coming Era of Nanotechnology (soit en français les Machines de la création – l’ère à venir de la nanotechnologie), paru en 1986, il imagine même des assembleurs moléculaires capables de s’auto-répliquer,  c’est-à-dire de réaliser des copies d’eux-mêmes. Il évoque rapidement les dangers d’une telle technologie si elle devenait incontrôlable :

Chaque copie construira encore plus de copies. Ainsi, le premier réplicateur rassemble une copie en mille secondes, les deux réplicateurs en construisent deux de plus dans les mille secondes suivantes, les quatre autres quatre, et les huit autres huit autres. Au bout de dix heures, il n’y a pas trente-six nouveaux réplicateurs, mais plus de 68 milliards. En moins d’un jour, ils pèseraient une tonne; en moins de deux jours, plus que la Terre; quatre heures plus tard, ils dépasseraient la masse du Soleil et de toutes les planètes cumulées […].

Il s’agit ni plus ni moins que d’une illustration de plus des limites de la croissance exponentielle : en doublant une valeur, puis en doublant son résultat, et ainsi de suite, on atteint vite des valeurs extraordinairement grandes !

Le fameux mythe du brahmane Sissa : en plaçant un grain de riz sur la première case d’un jeu d’échecs, puis deux sur la deuxième, quatre sur la troisième, et ainsi de suite en doublant à chaque fois, il faudrait 18 446 744 073 709 551 615 pour compléter l’échiquier !

Des nanobots qui, sans avoir d’intentions particulièrement malveillantes, se contentent de s’auto-répliquer encore et encore, car c’est pour cela qu’ils ont été conçus, et qui bien vite encombrent la planète et consomment l’intégralité de la matière organique… Ce scénario cauchemardesque est appelé Gelée grise par Drexler (Grey goo en anglais). Gelée grise ? Ces réplicateurs ne sont pourtant ni gris ni gélatineux. Par cette étrange expression, Drexler insiste sur la dangerosité, voire l’inutilité de développer de tels nanobots. Quand bien même ils nous seraient supérieurs d’un point de vue évolutionniste, leur capacité à détruire la vie les rend inutiles. En fait, empêcher leur apparition prouverait au contraire notre supériorité évolutionniste ! Bien, c’est entendu. Mais que risque-t-on, au juste ?

Ecophagie

La contribution de Drexler aux nanotechnologies est immense. Cependant les quelques lignes qu’il accorde à la Gelée grise dans son ouvrage leur portèrent longtemps préjudice, le grand public ne retenant globalement que leurs dangers. Drexler attribue cela à un article publié dans la revue Omni en 1986 : Nanotechnology : Molecular Machines That Mimic Life (ou en français Nanotechnologie : des machines moléculaires qui imitent la vie). Il s’agit en fait du tout premier article consacré au sujet publié dans une revue grand public, et qui revient sur une série de conférences données par Drexler au MIT (Massachussetts Institute of Technology).

Au sujet de la Gelée grise, qui là encore n’est que brièvement évoquée, l’article d’Omni est particulièrement anxiogène :

Mais l’aspect le plus effrayant des nanotechnologies est peut-être la Gelée grise. Supposons une petite imperfection – peut-être un bug – introduite par un terroriste au moment de la fabrication. Une telle modification pourrait causer la multiplication des nanomachines jusqu’à ce qu’elles aient tout détruit sur Terre.

En l’an 2000, dans un article devenu célèbre publié sur Wired, l’informaticien américain Bill Joy énumère les différentes raisons pour lesquelles, selon lui, les technologies menacent l’homme du XXIe siècle… La Gelée grise y figure en bonne place, comme dérive possible des auto-répliquants.

En réponse aux craintes de Bill Joy, le chercheur américain Robert Freitas Jr. revient sur la Gelée grise dans un article publié la même année par l’institut américain Foresight, chargé de promouvoir les nanotechnologies (et d’ailleurs fondé par Drexler en 1986). Il propose de renommer la menace par un terme plus équivoque : l’écophagie. Ses conclusions sont éloquentes : une écophagie globale, c’est-à-dire qui consomme l’intégralité de la biomasse terrestre, ne prendrait qu’un peu moins de trois heures !

Le jeu de stratégie Grey Goo, sur PC, s’inspire de la gelée grise.

Afin d’éviter un tel scénario, Freitas recommande plusieurs mesures préventives :

  • Un moratoire international sur la vie artificielle
  • Des outils de surveillance de la biomasse terrestre par des satellites géostationnaires
  • La mise en place de programmes de recherche pour faire face à l’écophagie

En 2004, soit presque vingt ans après mentionné pour la première fois la Gelée grise, Drexler affirme finalement regretter l’usage de ce terme. Il reconnaît que l’usage d’assembleurs moléculaires serait inefficace et trop compliqué, rendant par conséquent le scénario apocalyptique de la Gelée grise tout simplement obsolète :

Je suis inquiet à propos de choses plus simples et plus dangereuses que de puissants groupes pourraient concevoir délibérément – comme des armes à hautes performances abondantes et peu onéreuses, avec des milliards de processeurs dans leur système de guidage.

Autres temps, autres peurs…

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Pourquoi les mathématiques ? http://dans-la-lune.fr/2017/12/06/lincroyable-efficacite-mathematiques-1-mathematiques/ http://dans-la-lune.fr/2017/12/06/lincroyable-efficacite-mathematiques-1-mathematiques/#respond Wed, 06 Dec 2017 20:31:07 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=691 Les lois immuables de la nature sont inscrites dans un grand livre, écrit dans une langue inaccessible que l’homme cherche à comprendre. Sa première lecture, fondée sur une série de mythes, ne résista guère à l’observation raisonnable du monde. Mais bientôt les dieux se changèrent en astres, révélant ainsi quelques pages du grand livre. Le […]

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Les lois immuables de la nature sont inscrites dans un grand livre, écrit dans une langue inaccessible que l’homme cherche à comprendre. Sa première lecture, fondée sur une série de mythes, ne résista guère à l’observation raisonnable du monde. Mais bientôt les dieux se changèrent en astres, révélant ainsi quelques pages du grand livre. Le langage des sciences, les mathématiques, semble fournir une traduction fidèle au grand livre…

Premières lectures du monde

Même si, dans la plus haute préhistoire, très peu d’éléments permettent d’attester de l’apparition et du développement des mathématiques (les premières traces de l’utilisation d’un système de numération remontent à la civilisation sumérienne, vers le IIIe millénaire av. J.-C.), l’hypothèse la plus sérieuse suppose que leur fonction première était utilitaire.

A l’aube de l’humanité, un chasseur-cueilleur nomade accepte de prêter quelques fruits à un autre membre de sa tribu. Quatre pommes, en l’occurrence. Il lui tend donc les fruits d’une main, ainsi que quatre doigts sur l’autre main. Il attendra la même chose en retour. Compter, bien que la notion de nombre encore inconnue de ces deux hommes, est essentiel, pour troquer, se repérer, échanger.

Dans un article intitulé La déraisonnable efficacité des mathématiques, le mathématicien Richard W. Hamming met en évidence deux autres nécessités de l’homme primitif ayant mené à l’apparition des mathématiques :

  • La compréhension des relations entre cause et effet, qui mènent aux raisonnements propres aux mathématiques
  • Le goût pour l’esthétique et la décoration, inhérent notamment aux rites religieux et à la séduction du sexe opposé, qui mènent à la géométrie

Comprendre grâce aux raisonnements logiques, compter grâce aux nombres, esthétiser grâce à la géométrie.

Pythagore fut même, selon certaines sources, l’inventeur des mots « mathématiques » et « philosophie. »

Le célèbre philosophe grec Pythagore fut le premier à lier deux domaines jusque-là éloignés : les mathématiques et la géométrie, en accouplant le nombre et la forme. Pythagore considère le nombre comme l’essence-même du monde. Pour lui, tout est nombre. Il est d’ailleurs également le premier à déceler l’étrange correspondance entre le nombre et la nature.

La science grecque fut portée à un très haut niveau, d’abord grâce à Pythagore, puis Platon, Eudoxe, Hipparque et d’autres sages. Elle est résumée dans un livre, celui de l’astronome grec Claude Ptolémée, L’Almageste. Ecrit au Ier siècle de notre ère, il présente une théorie géométrique expliquant les mouvements des astres dans le ciel nocturne. Les mathématiques fonctionnent éternellement : il est possible de calculer la position de Mars cette nuit en utilisant les travaux de Ptolémée, qui datent tout de même de près de deux mille ans !

Changement de paradigme

Il faut attendre la Renaissance pour que surgissent à nouveau les questionnement sur la troublante correspondance entre la nature et les mathématiques. Dans son ouvrage L’Essayeur (1623), le très grand savant italien Galilée écrit :

La philosophie est écrite dans cet immense livre qui se tient toujours ouvert devant nos yeux, je veux dire l’univers, mais on ne peut le comprendre si l’on ne s’applique d’abord à en comprendre la langue et à connaitre les caractères dans lesquels il est écrit. Il est écrit en langue mathématique, et ses caractères sont des triangles, des cercles et autres figures géométriques, sans le moyen desquels il est humainement impossible d’en comprendre un mot.

Newton par Godfrey Kneller.

Galilée est le premier à utiliser le calcul mathématique pour décrire le fonctionnement de la nature. C’est une révolution qui sera poursuivie notamment par Johannes Kepler (qui découvre les orbites elliptiques des planètes autour du Soleil) et surtout Isaac Newton, l’un des plus grands esprits de l’histoire de l’humanité, et dont la théorie de la gravitation, qui explique comment les corps massifs s’attirent entre eux, demeure un des exemples les plus parlants de la fascinante efficacité des mathématiques. A partir d’un postulat simple : c’est la même force qui régit une pierre que l’on lance sur Terre et le mouvement de la Lune autour de la Terre, Newton en déduit une loi universelle, applicable partout dans l’Univers.

Si la théorie de la gravitation de Newton repose sur des calculs mathématiques, elle est en revanche encore en lien avec l’expérience. De l’expérience, le savant en déduit une loi basée sur les mathématiques.

Aujourd’hui, il en va autrement. Parfois, l’outil mathématique, le calcul, devance l’expérience. En août 1846, l’astronome Le Verrier prédit par le calcul l’existence d’un objet céleste, en l’occurrence la planète Neptune, en remarquant des irrégularités dans l’orbite d’Uranus. Un mois plus tard, sa découverte est confirmée par l’observation.

Neptune et sa lune Triton, immortalisées par la sonde Voyager 2 de la NASA.

Les exemples similaires démontrant l’efficacité prédictive des mathématiques sont nombreux, et notamment dans le domaine de l’infiniment petit :

En cosmologie, l’histoire se répète : depuis quelques années, certains chercheurs proposent l’existence d’une planète située au-delà de Neptune pour expliquer l’étrange orbite de plusieurs objets transneptuniens. Seul le futur télescope spatial James Webb de la NASA (qui sera lancé en 2018) pourrait être en mesure de fournir une image de cette hypothétique planète.

Une vue d’artiste de cette fameuse neuvième planète.

Encore plus étonnant : certains concepts mathématiques, oubliés un temps car considérés comme des erreurs ou de simples jeux d’esprit et donc sans applications concrètes, refont surface après parfois plusieurs décennies. Dans un article consacré à la question de savoir si les mathématiques ont été découvertes ou inventées (question sur laquelle nous reviendrons), l’astrophysicien israélien Mario Livio évoque deux concepts :

  • Les nœuds mathématiques, imaginés par Lord Kelvin dans les années 1860 pour décrire le fonctionnement des atomes, bientôt réfutés et vus comme une branche ésotérique, dénués d’applications pratiques, et pourtant utilisés aujourd’hui dans la théorie des cordes et la gravitation quantique à boucles
  • Les géométries non-euclidiennes de Bernhard Riemann, conçues en 1854 et réutilisées par Einstein pour construire sa théorie de la Relativité Générale plus d’un demi-siècle plus tard !

Einstein, d’ailleurs, s’est lui aussi interrogé sur cette formidable efficacité des outils mathématiques :

Comment se fait-il que les mathématiques, qui sont un produit de la pensée humaine et sont indépendantes de toute expérience, puissent s’adapter d’une façon si admirable aux objets de la réalité ?

Lire la nature

Voilà donc trois qualités étonnantes des mathématiques : elles sont efficaces, prédictives, et durables.

  • Efficaces en ce qu’elles décrivent le monde avec précision et exactitude
  • Prédictives en ce qu’elles permettent d’en déduire d’autres informations sur la nature
  • Durables en ce que le temps ne les rend pas obsolètes

Si d’aventure un concept mathématique ne répond pas à ces trois caractéristiques, soit il est erroné, soit il est trop précurseur. Dans le premier cas il sera vite remplacé par un modèle plus précis, dans le second cas il révélera plus tard son efficacité. Nous avons déjà évoqué les nœuds mathématiques, voici un autre exemple : après avoir découvert Neptune, Le Verrier pense réitérer son exploit. En observant l’orbite de Mercure, il note d’étranges irrégularités, qu’il attribue à une planète qui serait située tout près du Soleil, et qu’il appelle Vulcain. Or il se trompe, Vulcain n’existe évidemment pas. Le Verrier ne connaît tout simplement pas encore la théorie qui permet d’expliquer ces irrégularités : elle s’appelle Relativité générale et sera mise au point par Einstein en 1915.

Efficaces, prédictives et durables. Quelle place accorder aux mathématiques dans notre définition du réel ? Doit-on considérer qu’elles ont été découvertes ou bien inventées par l’homme ? C’est là une toute autre question…

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La sélection naturelle cosmologique http://dans-la-lune.fr/2017/06/29/selection-naturelle-cosmologique/ http://dans-la-lune.fr/2017/06/29/selection-naturelle-cosmologique/#comments Thu, 29 Jun 2017 16:43:34 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=718 Les trous noirs, ces monstres cosmiques à l’appétit gargantuesque, sont à la source de théories aussi fascinantes que vertigineuses. L’une d’entre elles suppose qu’au-delà de l’horizon des événements de chaque trou noir de notre Univers, naît un autre univers… Les réglages du Tout Plusieurs valeurs fondamentales régissent le fonctionnement de notre Univers. Il contient, par […]

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Les trous noirs, ces monstres cosmiques à l’appétit gargantuesque, sont à la source de théories aussi fascinantes que vertigineuses. L’une d’entre elles suppose qu’au-delà de l’horizon des événements de chaque trou noir de notre Univers, naît un autre univers…

Les réglages du Tout

Plusieurs valeurs fondamentales régissent le fonctionnement de notre Univers. Il contient, par exemple, trois dimensions d’espace et une dimension de temps. Les particules qui le composent disposent d’une masse : celle de l’électron est ainsi de 9,109×10-31 kg. Les forces qui le régissent sont au nombre de quatre, et chacune de ces forces disposent elles aussi de valeurs qui interviennent dans les équations de la physique, le langage employé par l’homme pour décrire le fonctionnement de la nature. Ces valeurs sont appelés les constantes de la physique.

Tous ces rouages, ensemble, participent à la marche de notre Univers. Si l’un d’entre eux n’existait pas, ou si l’un de ses crans était absent, alors l’Univers serait fort différent, la vie telle que nous la connaissons n’aurait pas pu émerger, et vous n’auriez pas pu lire cet article. Cette métaphore horlogère est un peu triviale, mais révélatrice : en fait, l’Univers est réglé avec une telle précision que si l’un de ces paramètres avait été différent ne serait-ce que d’une infime quantité, la vie n’aurait pas été possible. Autrement dit : il semblerait que l’Univers ait favorisé, d’une manière ou d’une autre, l’émergence de la vie sur Terre.

Dans son livre Notre Univers Mathématique, le physicien Mag Tegmark compare ces paramètres à des boutons disposés sur une sorte de tableau de bord universel.

Le tableau de bord universel tel que présenté dans le livre de Tegmark.

Prenons l’exemple de l’énergie sombre, l’un de ces paramètres. Tegmark se demande comment il est possible d’interagir avec le bouton de réglage de sa densité sans conséquences dommageables pour la formation des galaxies. La valeur minimale autorisée est de 10-97 kilogramme d’énergie sombre par mètre cube, et la valeur maximale de 1097. La quantité mesurée, le réglage actuel de l’Univers, est de 1027 kilogrammes par mètre cube. Sur un bouton qui oscillerait entre les valeurs minimales et maximales, le résultat est vertigineux : pour obtenir le réglage actuel, favorable à la vie, il faut tourner le bouton d’une fraction de seulement 10-123 tour depuis la position médiane !

Max Tegmark conclut :

Bien que cela semble être un réglage de précision rigoureusement impossible à réaliser, il s’avère qu’un certain mécanisme l’ait effectué pour notre Univers.

Alors comment expliquer le réglage si subtil de ces paramètres ?

  • La pure coïncidence, peu probable
  • L’intervention d’une entité : Dieu, ou bien une forme de vie avancée qui a simulé notre Univers (c’est la fameuse hypothèse de simulation)
  • Les théories du multivers : une infinité d’autres univers existe, dont les valeurs des constantes diffèrent ; le nôtre contient tous les paramètres favorables à l’émergence de la vie, une infinité d’autre est stérile

Le multivers invite à repenser le principe copernicien : nous habitons peut-être une planète ordinaire, dans un système ordinaire, dans une galaxie ordinaire, dans un univers ordinaire…

Dans son livre L’heure de s’enivrer, Hubert Reeves se déclare incapable de choisir entre ces alternatives :

Ou bien nous admettons que, dans un ensemble de paramètres arbitraires, les données « choisies » au départ pour notre monde sont précisément celles qui peuvent amener l’éclosion de la conscience, ou bien nous admettons l’existence d’un principe initial qui contenait en son germe cette éclosion. Personnellement, je ne sais laquelle de ces deux hypothèses est la plus étonnante.

Les questionnements relatifs aux réglages de ces paramètres, sources de nombreuses controverse et discussions (notamment concernant le principe anthropique), mériteraient à elles seules un article. Penchons-nous plutôt sur la solution du physicien américain Lee Smolin : et si, à la manière de la sélection naturelle des espèces, un univers était capable d’enfanter d’autres Univers, lui transmettant certains de ses paramètres physiques ?

Lee Smolin pose devant un tableau de gribouillis

Lee Smolin propose pour la première fois cette idée en 1992, il la développe ensuite dans son livre à succès The Life of the Cosmos, paru en 1998. De toute évidence, Smolin ne croit pas à l’hypothèse du hasard, de la pure coïncidence. Il rappelle d’ailleurs un autre chiffre vertigineux : il y avait une chance sur 10229 (soit le chiffre 1 suivi de 229 zéros) pour que l’Univers puisse contenir des étoiles… Et ce fut bien le cas ! Il ne croit évidemment pas plus à l’hypothèse d’une intervention divine. Ni même à l’idée d’un multivers. Effectivement, s’il existe au moins 10229 univers, alors la probabilité d’en trouver un qui contient des étoiles (le nôtre) est plus grande. Mais il estime que cette idée est trop simple, qu’elle peut finalement tout expliquer, qu’elle n’est plus rationnelle. Si ce mode de raisonnement avait été appliqué à la biologie, défend-il, alors jamais la sélection naturelle aurait été trouvée. Tiens donc, la sélection naturelle ! Nous y reviendrons après avoir abord un autre problème physique à l’origine de la théorie singulière de Lee Smolin.

Au-delà des singularités

Aujourd’hui, deux grandes théories décrivent le fonctionnement de la nature. Ce sont deux théories merveilleuses qui illustrent parfaitement le génie de l’homme :

  • La Relativité générale, qui décrit l’influence des astres sur le tissu de l’espace-temps : elle concerne globalement l’infiniment grand
  • La Mécanique quantique, qui décrit les phénomènes physiques à l’échelle atomique : elle concerne globalement l’infiniment petit

Ces deux théories sont fonctionnelles, vérifiées par l’expérience, et jamais contredites. Pourtant, elles sont fondamentalement incompatibles entre elles. Ou bien elles sont incomplètes, ou bien une autre théorie, qui reste encore à découvrir, saura les unifier (peut-être la théorie des cordes ou la gravitation quantique à boucles). Bref, la physique est en crise. Carlo Rovelli, dans son livre Par-delà le visible, utilise une image amusante :

Un étudiant qui assiste aux cours de relativité générale le matin et de mécanique quantique l’après-midi ne peut que conclure que ses professeurs sont des sots, ou qu’ils ont oublié de se parler depuis un siècle : ils lui enseignent deux images de monde en contradiction.

La plupart du temps, cette incompatibilité pas un problème, puisque rarement l’infiniment grand et l’infiniment petit se croisent en recherche. Sauf dans quelques cas précis, parmi lesquels :

  • Au moment du Big Bang
  • A l’intérieur des trous noirs

Dans ces régions particulières de l’espace-temps, appelées des singularités, les lois de la physique telles que nous les connaissons perdent leur validité : une densité infinie est concentrée en un point de volume nul. La gravité telle que définie par la Relativité générale ne s’applique plus, elle subit très certainement des effets de nature quantiques, qui restent à définir : là est tout le problème.

Gargantua, le trou noir du film Interstellar, de Christopher Nolan (2014)

Pour Smolin, il faut se passer des singularités : seule une nouvelle théorie de la gravité quantique saura confirmer ou réfuter leur existence. Pour le reste… Dans le cas du Big Bang, il n’y a pas de moment initial, ce qui éloigne sa pensée naturaliste le plus loin possible de l’idée d’une création (qui revêt souvent une connotation religieuse). Il est dès lors possible de se demander ce qu’il s’est passé au moment du Big Bang, et même avant, quel processus a permis la définition des paramètres si subtils qui régissent l’Univers. En ce qui concerne les trous noirs, même interrogation : ou bien le temps s’arrête, ou bien il se poursuit.

Chacune de ces deux questions répond à l’autre, en somme :

Une étoile qui s’effondre forme un trou noir, au sein duquel elle est compressée dans un état de densité extrême. L’univers démarre dans un état similaire de densité extrême, duquel il s’étend. Est-il possible que ces deux états soient les mêmes ? Est-il possible que ce qu’il y a au-delà de l’horizon d’un trou noir est le début d’un autre univers ?

Sur les épaules des géants

Et si les trous noirs donnaient naissance à d’autres univers ? Et si notre univers était lui-même issu d’un trou noir ? C’est la théorie vertigineuse développée par Smolin.

Les paramètres qui définissent la physique sont fixes pour chaque univers ; en revanche ils peuvent varier d’un univers à l’autre. Certains univers, ceux qui disposent d’étoiles qui peuvent s’effondrer gravitationnellement, peuvent se reproduire, donnant ainsi naissance à d’autres univers, au-delà de l’horizon des événements des trous noirs. L’univers-enfant ainsi créé dispose plus ou moins des mêmes paramètres physiques que l’univers-parent. Les univers qui disposent du plus grand nombre de trous noirs ont une progéniture plus nombreuse que les autres, et transmettent cette caractéristique favorable à leurs univers-enfants.

Smolin suggère que les paramètres physiques qui favorisent la production de trous noirs, et donc la création d’univers-enfants, sont aussi les valeurs qui permettent l’apparition et le développement de la vie. En conséquence, les univers compatibles avec l’apparition de la vie, dont le nôtre fait évidemment parti, sont les plus nombreux et dominent la population totale d’univers.

Cette idée est inspirée de la sélection naturelle des espèces telle que définie par Charles Darwin, qui repose sur trois grands principes :

  • Le principe de variation : il existe des différences entres les différents individus d’une même espèce
  • Le principe d’adaptation : ces différences confèrent un avantage à ces individus par rapport à leurs congénères
  • Le principe d’hérédité : ces différences se transmettent entre les parents d’une espèce et leur descendance ; elles contribuent à la survie des parents et ont donc de plus grandes chances d’être transmises que des caractéristiques moins avantageuses

L’idée que Smolin se fait de l’univers est donc profondément naturaliste, comme il l’explique lui-même :

Il n’y a jamais eu de Dieu, de pilote qui a fait le monde en imposant l’ordre sur le chaos, et qui resterait à l’extérieur, regardant et proscrivant. […] Il n’y a rien derrière [notre Univers], aucun monde absolu ou platonique pour le transcender. Tout ce qu’il y a de naturel est ce qui nous entoure. […] Tout ce que nous avons pour loi naturelle est ce monde qui s’est fait lui-même.

Les lois qui gouvernent les espèces vivantes gouverneraient également l’Univers ? Cette hypothèse est élégante, en plus d’être poétique et vertigineuse. Comme souvent avec la cosmologie spéculative, elle est controversée parce qu’elle se soumet difficilement à l’expérience. Doit-on dès lors considérer qu’elle n’est plus scientifique, qu’elle n’est que matière à une excellente nouvelle de science-fiction ? Les instruments humains se heurtant de plus en plus à la complexité de la physique théorique, il faudra désormais souvent se contenter d’équations couchées sur le papier. En attendant que le futur confirme ou infirme nos rêves par l’expérience, il n’est pas interdit de discuter.

Dans le cas de la sélection naturelle cosmologique, l’absence d’unification de la Relativité générale et de la Mécanique quantique empêche tout travail expérimental. Smolin, par la pensée, s’est affranchi de cette contrainte. Il n’existe donc aucune preuve, d’après les lois actuelles de la physique, que les trous noirs donnent naissance à d’autres univers, ou que des paramètres physiques peuvent se transmettre d’un univers à un autre.  Pour préciser la sélection naturelle cosmologique, il faudra attendre qu’une théorie unifiée de la physique émerge. Un peu comme si un auteur décidait d’écrire la suite d’un roman écrit dans une langue indéchiffrable. Au risque qu’un déchiffrage futur du premier roman rende le second incohérent. Rendez-vous donc au prochain chapitre !

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L’effet Overview http://dans-la-lune.fr/2017/02/07/leffet-overview/ http://dans-la-lune.fr/2017/02/07/leffet-overview/#comments Tue, 07 Feb 2017 17:32:42 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=600 Au-delà des vertiges de l’infini, les astronautes, dans la froide nuit du cosmos, découvrent aussi autre chose. La vue de la Terre depuis l’espace : un petit berceau, beau et fragile. Faut-il donc envisager de quitter la Terre pour enfin la découvrir ? Récits d’un long voyage Qu’a ressenti le premier homme qui posa un jour les yeux sur […]

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Au-delà des vertiges de l’infini, les astronautes, dans la froide nuit du cosmos, découvrent aussi autre chose. La vue de la Terre depuis l’espace : un petit berceau, beau et fragile. Faut-il donc envisager de quitter la Terre pour enfin la découvrir ?

Récits d’un long voyage

Qu’a ressenti le premier homme qui posa un jour les yeux sur un océan ? S’est-il enfui ? A-t-il crié ? Ou bien a-t-il tout simplement pleuré ? A quel moment l’idée de pouvoir y nager, puis y naviguer afin de découvrir ce qui se cachait derrière cette immense étendue bleue s’est-elle imposée à lui ? Bâtissez un mur devant les hommes et l’envie leur viendra de le détruire ou bien de le surmonter pour passer de l’autre côté. Éternelle tour de Babel. Parvenu aux confins de la Terre, l’homme a levé les yeux vers le ciel et est parvenu à s’arracher de l’attraction gravitationnelle de notre planète pour fuir vers l’infini. Qu’y cherche-t-il ? La même chose que ce qui pousse l’enfant à s’extraire du ventre de sa mère : l’inconnu.

De nouveaux horizons qui rappellent constamment à l’homme sa place dans l’Univers, à la fois quelconque (dans la vaste immensité) et unique (la Terre est la seule planète connue à ce jour qui abrite de la vie). De nouveaux horizons qui changent le regard de l’homme sur la Terre, quitte à le bouleverser profondément. Ainsi des témoignages recueillis de certains astronautes faisant état d’une expérience presque spirituelle lors de leur voyage.

Neil Armstrong, premier homme à avoir marché sur la Lune en 1969 :

Cela m’a soudainement frappé : ce petit pois, joli et bleu, c’était la Terre. J’ai tendu mon pouce, fermé un œil : mon pouce masquait la Terre. Je ne me suis pas senti géant. Je me suis senti petit, tout petit.

Alan Shepard, premier Américain dans l’espace, qui a également marché sur la Lune en 1971 :

La première fois que j’ai regardé la Terre, depuis la Lune, j’ai pleuré.

Alan Shepard est aussi connu pour avoir improvisé une partie de golf sur la Lune avec le manche de son collecteur d’échantillons !

Edgar Mitchell, sixième homme à avoir marché sur la Lune en 1971 :

Vous développez instantanément une conscience globale […], une intense insatisfaction de l’état du monde, et une forte envie d’y de faire quelque chose. Vue de là-bas, sur la Lune, la politique internationale fait profondément pitié. Vous avez envie d’attraper un politicien par le col, de le traîner jusqu’à un million de miles, là-haut, et de lui dire : « Regarde donc ça, enfoiré ! »

Certains témoignages ont des accents spirituels, comme celui d’Eugene Cernan, dernier homme à avoir marché sur la Lune :

Je sentais que le monde était simplement… Il y avait trop de sens, trop de logique. C’était trop beau pour être arrivé par accident. Il doit y avoir quelque chose de plus grand que vous, de plus grand que moi, dans un sens spirituel et non mystique.

De même que celui de James Irwin, qui lui aussi marcha sur la Lune en 1971 :

Ce petit objet beau et chaud semblait si fragile, si délicat que si vous le touchiez avec votre doigt il se fendrait et se briserait. Voir cela change un homme, doit lui faire apprécier la création de Dieu et l’amour de Dieu.

James Irwin a parcouru une trentaine de kilomètres sur le rover lunaire.

Le soviétique Youri Gagarine, premier homme à avoir effectué un vol dans l’espace le 12 avril 1961, avertira lui l’humanité après son voyage :

Peuple du monde, laissez-nous sauvegarder et valoriser cette beauté et ne pas la détruire !

Le spectacle le plus incroyable du cosmos serait donc de pouvoir y observer la Terre ? Comme s’il fallait quitter sa maison pour savoir en apprécier la beauté et le confort… En 1987, en se basant sur les témoignages de 29 astronautes, l’auteur américain Frank White sera le premier à donner un nom à ce phénomène : l’effet Overview. Il le définit de la manière suivante :

Un changement cognitif de la conscience, lié à l’expérience de constater de ses propres yeux que la Terre est située dans l’espace.

Plusieurs thèmes communs reviennent :

  • La fragilité de la Terre et la nécessité de la protéger
  • Les erreurs des hommes politiques, leur incapacité à comprendre l’environnement dans lequel ils vivent
  • L’universalité du cosmos, de l’existence d’un lien qui unirait l’homme à la Terre et à l’Univers dans son ensemble

Pour White, l’effet Overview a un potentiel révolutionnaire, capable de modifier le monde en profondeur s’il était accessible à tous. L’idée, depuis, a essaimé, notamment avec la création de l’Institut Overview, constitué de vingt-deux membres issus du domaine spatial, des sciences cognitives et des hautes-technologies. Son objectif principal est de poursuivre les recherches de White sur les impacts du voyage dans l’espace, et d’en informer le grand public.

Un film comprenant divers témoignages et vues de la Terre depuis l’espace a été mis en ligne par cet institut, dont la promesse est de pouvoir « se connecter à quelque chose de plus grand » :

Les prémisses du rêve

Pour Jordan Bimm, auteur d’un article sur le sujet dans la revue américaine Quest, les origines de l’idée de l’effet Overview remontent aux travaux militaires du tout début des années 60, qui façonnent l’idée d’une « Terre globale ».

L’un des premiers non-spécialistes à populariser cette idée fut le futuriste Richard Buckminster Fuller, qui écrivit en 1969 :

Nous sommes tous astronautes.

Dans son livre, Manuel Opérationnel du Vaisseau Terre (1968), il comparait notre planète à un vaisseau voyageant dans l’espace, fonctionnant grâce à l’énergie du Soleil, et qui nécessite un entretien suffisant de la part de son équipage – les terriens – pour continuer à fonctionner. Le message est évidemment écologique. Selon Fuller, les technologies développées pour permettre les premiers vols spatiaux habités pourraient être appliqués sur Terre pour résoudre les grandes problématiques écologiques.

Une autre hypothèse a servi d’inspiration aux travaux de White : l’hypothèse Gaïa. White la considère même comme un résultat de l’effet Overview. De quoi parle-t-on ? Pour comprendre, il faut se pencher sur les travaux du penseur anglais James Lovelock pour la NASA. Pour détecter depuis la Terre la présence de vie extraterrestre sur une autre planète, il proposait d’étudier le gaz qui composent leur atmosphère. En d’autres termes : la biomasse d’une planète en modifie l’atmosphère. Il postula alors en 1974, avec son collègue Lynn Margulis, que la Terre et sa biomasse forment un super-organisme autorégulateur appelé Gaïa, qui œuvre constamment pour maintenir la présence de la vie.

A la fin de son livre The Overview Effect — Space Exploration and Human Evolution (1987), Frank White écrit :

R. Buckminster Fuller fut l’un des premiers à réaliser que la Terre étant un vaisseau, elle a besoin d’un équipage. Il fut sans aucun doute l’un des premier pilotes du vaisseau. Aujourd’hui, nous avons besoin de spécialises de mission, de spécialistes de charges, de citoyens participants, entre autres.

Et il surnomme l’équipage d’un tel vaisseau des « Terranautes, » un terme qu’il utilise pour décrire notamment les personnes qui parviennent à ressentir les sensations des astronautes sans avoir besoin d’aller en orbite ou sur la Lune.

La fameuse Cuppola de la Station Spatiale Internationale, propice aux rêves…

Ici-bas, un avant-goût du cosmos

Dans l’histoire, toutes les révolutions cosmologiques se sont accompagnées de profonds bouleversements philosophiques. Ce fut le cas lors du passage du géocentrisme à l’héliocentrisme, lorsque la Relativité Générale d’Einstein redéfinit les notions d’espace et de temps, lorsque Hubble démontra que notre galaxie, la Voie Lactée, n’était en fait qu’un « Univers-île » parmi une infinité d’autres, et dans une moindre mesure, lorsque la première exoplanète fut découverte en 1995. A chaque fois, un renversement de la représentation du monde, et un rappel de la position de la Terre et de l’homme dans l’Univers. De nouveaux horizons, écrivions-nous en début d’article.

L’exploration spatiale, lors de la course à l’espace à laquelle se livrèrent les Etats-Unis et l’Union Soviétique entre les années 50 et 70, s’est accompagnée d’un autre bouleversement de la représentation du monde. Pour la première fois, l’humanité était capable de photographier la Terre depuis l’espace. Inondée aujourd’hui de milliers de sublimes photos de notre planète, nous avons oublié l’émotion qui suivit la publication de ces images. La première, prise le 14 août 1959 par le satellite Explorer 6, fait évidemment sourire : on n’y distingue presque rien, hormis quelques taches blanches. Elle nous fait sourire : elle en fit sans doute pleurer certains, à l’époque.

De gauche à droite : la Terre vue depuis l’espace, en 1959, 1968 et 1972.

En revanche, deux autres images emblématiques entreront dans l’histoire, et fourniront aux terriens un semblant d’effet Overview, similaire quoique diminué à celui que ressentent les astronautes :

  • Lever de Terre (Earthrise), prise en orbite lunaire par William Anders de la mission Apollo 8, en décembre 1968
  • La Bille bleue (Blue Marble), prise par l’équipage d’Apollo 17 lors de son voyage vers la Lune en décembre 1972

L’impact culturel de ces photos fut énorme : pour Frank White, elles ont inspiré des millions de « Terranautes. »

Une autre célèbre photo de la Terre, Un point bleu pâle (A Pale blue dot), prise par la sonde Voyager 1 alors qu’elle se trouvait à 6,4 milliards de kilomètres de notre planète, inspira à l’astronome américain Carl Sagan un poème qui rappelle fortement les témoignages des astronautes revenus des étoiles :

La Terre est une toute petite scène dans une vaste arène cosmique. […] Nos postures, notre propre importance imaginée, l’illusion que nous avons quelque position privilégiée dans l’univers, sont mis en question par ce point de lumière pâle. Notre planète est une infime tache solitaire enveloppée par la grande nuit cosmique. Dans notre obscurité – dans toute cette immensité – il n’y a aucun signe qu’une aide viendra d’ailleurs nous sauver de nous-mêmes. La Terre est jusqu’à présent le seul monde connu à abriter la vie. Il n’y a nulle part ailleurs, au moins dans un futur proche, vers où notre espèce pourrait migrer. Visiter, oui. S’installer, pas encore. Que vous le vouliez ou non, pour le moment c’est sur Terre que nous prenons position.

On a dit que l’astronomie incite à l’humilité et fortifie le caractère. Il n’y a peut-être pas de meilleure démonstration de la folie des idées humaines que cette lointaine image de notre monde minuscule. Pour moi, cela souligne notre responsabilité de cohabiter plus fraternellement les uns avec les autres, et de préserver et chérir le point bleu pâle, la seule maison que nous ayons jamais connue.

Loin, si loin, un point bleu pâle.

Le développement de la réalité virtuelle depuis quelques années permet d’entrevoir une expérience plus immersive que la photographie, pour un effet Overview plus authentique. La société SpaceVR, qui se définit comme une entreprise de tourisme spatial virtuel, souhaite envoyer dans l’espace un satellite doté d’une caméra à 360 degrés à laquelle il sera possible d’accéder au moyen d’un casque de réalité virtuelle. Le lancement du premier satellite, baptisé Overview 1, est prévu pour juin 2017. A plus long terme, SpaceVR envisage même d’installer des caméras similaires sur d’autres planètes du Système Solaire !

Pour White, si ces photographies et ces expériences sont intéressantes, elles ne constituent pas un effet Overview en tant que tel. Impossible, en effet, de retranscrire toutes les émotions et les sensations ressenties en orbitant autour de la Terre à environ 28 kilomètres par heure (dans le cas de la Station Spatiale Internationale), ou en se retournant, les deux pieds sur le sol lunaire, pour observer sa planète. En attendant, White propose une courte et simple philosophie de l’effet Overview, applicable par tout un chacun dans sa vie quotidienne (personnelle ou professionnelle), et fondée sur quatre distinctions :

  • La distinction entre la connaissance et l’expérience. De la même manière que les astronautes savent le spectacle qui les attendent là-haut mais se retrouvent bouleversés par l’expérience, il faut se garder de tout jugement hâtif.
  • La distinction entre la Terre et l’espace. Selon White, elle n’existe pas. La Terre a toujours été et sera toujours dans l’espace. De même, les personnes qui composent une organisation en sont une partie intégrante.
  • La distinction entre unité et diversité. Depuis l’espace, la Terre, dans toute sa diversité, semble aussi unifiée. Les deux éléments coexistent. Ou l’importance du travail en équipe.
  • La distinction entre changement cognitif brutal et maîtrise de l’expérience. Il s’agit ici, plutôt que d’envoyer l’humanité toute entière dans l’espace pour qu’elle bénéficie de l’effet Overview, d’apprécier l’effet au travers des images, des simulations, des témoignages, et des pratiques citées dans les trois points précédents.

Pour White, les organisations (écoles, entreprises, gouvernements…) qui appliqueront ces quelques règles simples amélioreront leur créativité, en plus de travailler peu à peu à l’édification d’une civilisation planétaire unifiée.

On ne passe pas sa vie entière dans un berceau

Nikolai Kardashev

Au-delà des considérations écologiques, White considère que la prise de conscience dont témoignent les astronautes est révélatrice de la destinée de l’humanité : devenir une civilisation interstellaire en passant par les trois stades définis par l’astronome soviétique Nikolaï Kardachev en 1964 pour classer le niveau technologique des civilisations :

  • Une civilisation de Type 1 est capable d’utiliser toute l’énergie à disposition sur sa planète d’origine.
  • Une civilisation de Type 2 est capable de collecter et utiliser toute l’énergie de l’étoile autour de laquelle sa planète orbite.
  • Une civilisation de Type 3 est capable de collecter et utiliser toute l’énergie de la galaxie dans laquelle elle est située.

Dans un des derniers chapitres de son livre, Frank White tente de convertir ses lecteurs en « Terranautes », qui, sans être eux-mêmes astronautes, feraient la promotion de l’effet Overview et du développement des sciences spatiales :

Posez-vous la question tous les jours. Comment ma vie peut-elle avoir une incidence positive sur le futur de l’humanité ?

A ce titre, il a récemment lancé l’Académie de l’Initiative Spatiale (Academy in Space Initiative). Le postulat est le suivant : l’humanité est sur le point de quitter la Terre pour explorer le Système Solaire puis l’Univers, devenant ainsi progressivement une espèce multi-planétaire. Face à ce projets, la population est divisée en trois catégories : les partisans, les opposants et les personnes neutres. White souhaite élargir le débat et réfléchir sur les rôles que pourrait endosser une civilisation à l’échelle cosmique.

Parallèlement, d’autres organisations promouvant le développement interstellaire de l’humanité sont apparues. Parmi celles-ci, l’Homo Spaciens Foundation, fondé et dirigé par Marsal Gifra, qui se définit comme « avocat de l’espace ». L’objectif est là encore ambitieux : amener l’humanité vers une nouvelle ère, en reprenant les célèbres mots du scientifique russe Constantin Tsiolkovski (1857 – 1935), pionnier du domaine du vol spatial :

La Terre est le berceau de l’humanité, mais on ne passe pas sa vie entière dans un berceau.

Le site de l’Homo Spaciens Foundation prévoir le voyage interstellaire aux alentours des années 2050. Ambitieux !

Dans un article consacré à l’effet Overview, Marsal Gifra met en évidence cinq des principales motivations de l’humanité à s’engager vers la colonisation spatiale :

  • La survie de notre espèce
  • La poursuite de la croissance
  • La quête de la vie extraterrestre
  • Les avancées technologies et l’exploration
  • La quête du divin

Ce modèle est une réponse alternative aux principaux défis écologiques posés sur Terre par la diminution des ressources naturelles, la disparition de la biodiversité et le changement climatique. Gifra explique :

Plus tôt nous nous dirigeons vers une économie non-centrée sur la Terre, et plus vite nous exploiterons les ressources illimitées de l’espace, au bénéfice de toute l’humanité. De chacun de nous dépend la manière dont l’humanité affronte sa réalité et imagine son futur.

Un autre regard

Evidemment, tout le monde n’est pas réceptif aux charmes de l’effet Overview.

Les premières critiques remontent à la publication du livre de White. L’historien américain Stephen J. Pyne, dans le journal Futures, le considère comme un amas de charabia pour les amateurs de spiritualisme New Age, un terme utilisé de manière péjorative pour dénoncer son manque de rigueur, voire ses accents sectaires…

Une autre critique repose sur les éventuels biais et limites des témoignages des astronautes. Toute l’hypothèse de White repose sur ces derniers, sur le fait que les expériences subjectives qu’ils vivent là-haut soient retranscrites de manière objective dans leurs témoignages. Mais est-ce bien le cas ?

Vertiges…

Les psychologues de la NASA s’interrogent régulièrement sur les pressions sociologiques qui pourraient pousser les astronautes à ne pas révéler précisément leur état mental et les sensations qu’ils ressentent. Leur carrière dans l’espace dépend en effet directement de leur parfaite santé physique et morale : révéleraient-ils alors des sensations négatives, un sentiment de mal-être ? C’est une donnée à prendre en considération. Et qui a été mise en évidence dans le domaine de l’aéronautique dans les années 50 : appelée « lie to fly » (mentir pour voler), elle pousserait certains pilotes à mentir sur leur état psychique durant leurs vols. Un événement en particulier laisse songeur : en 1956, les psychologues de l’U.S. Navy s’interrogeaient sur un prétendu phénomène qui auraient touché les pilotes volant à haute altitude – des sensations d’anxiété, de déprime, de détachement avec la Terre… Soit tout le contraire de l’effet Overview !

Mais, finalement, ce que nous ressentons là-haut ne dépend-il pas de tout un chacun ? Pour White, l’effet Overview est naturel, commun à toute l’humanité, il reflète notre destin commun : la conquête de l’espace . Ne serait-il pas plutôt culturel, produit par notre histoire, nos sociétés technologiques et nos rêves d’enfant, parsemés de récits de science-fiction et d’épopées interstellaires ? A chacun d’en juger.

Quoiqu’il en soit, oui, la Terre est belle depuis l’espace, personne n’en doutera jamais. Et oui, l’humanité se trouve sans doute à une période charnière de son histoire. Jamais elle n’aura été à la fois aussi proche de l’anéantissement et du voyage interstellaire… Quelle chemin empruntera-t-elle ? Celui qui mène à de nouveaux horizons, esp��rons-le…

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