Histoire Archives - Dans la Lune Vers l'infini, et au-delà ! Sun, 20 Feb 2022 08:07:45 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.0 https://i0.wp.com/dans-la-lune.fr/wp-content/uploads/2020/11/cropped-Dans-la-lune-favicon-couleur.jpg?fit=32%2C32&ssl=1 Histoire Archives - Dans la Lune 32 32 7541914 La mission martienne de Wernher von Braun /2022/02/18/la-mission-martienne-de-wernher-von-braun/ /2022/02/18/la-mission-martienne-de-wernher-von-braun/#respond Fri, 18 Feb 2022 16:39:51 +0000 /?p=2501 Dans les années 50, l’homme s’est soudainement dit qu’il n’était plus suffisant de lever les yeux vers les étoiles ; il fallait s’y rendre. L’incroyable épopée qui a suivi a culminé avec les premiers pas de l’homme sur la Lune, en 1969. L’objectif suivant semble alors tout trouvé : Mars, la planète la plus proche de la […]

L’article La mission martienne de Wernher von Braun est apparu en premier sur Dans la Lune.

]]>
Dans les années 50, l’homme s’est soudainement dit qu’il n’était plus suffisant de lever les yeux vers les étoiles ; il fallait s’y rendre. L’incroyable épopée qui a suivi a culminé avec les premiers pas de l’homme sur la Lune, en 1969. L’objectif suivant semble alors tout trouvé : Mars, la planète la plus proche de la Terre. Un objectif atteignable, pense le pionnier de l’exploration spatiale, Wernher von Braun, qui conçoit un programme prévoyant d’envoyer l’homme sur Mars au tout début des années 80. Retour sur un rêve qui n’est toujours pas devenu réalité.

Un Mars, et ça repart

Comment ne pas être enthousiaste ? La course à l’espace, cette rivalité qui opposa les Etats-Unis et l’Union Soviétique au sortir de la seconde guerre mondiale dans tous les domaines – mais pas sur les champs de bataille, a dessiné de nouveaux horizons pour l’humanité. Pensez donc : entre le lancement du premier satellite artificiel, Spoutnik, et les premiers pas de l’homme sur la Lune, lors de la mission Apollo 11, douze années seulement se sont écoulées ! Entre temps, l’homme aura aussi eu le temps de survoler Vénus et Mars, et dans les années qui suivront, il mettra en orbite une station spatiale (Saliout 1, en 1971), posera une sonde sur Vénus et Mars (Venera 7, en 1970, et Mars 2, en 1971), et survolera Jupiter (Pioneer 10, 1973), entre autres…

C’est donc clair : l’avenir de l’homme est dans l’espace. Et après la Lune, quel meilleur objectif que Mars ? En août 1969, Wernher Von Braun, l’un des pères de la fusée Saturn V, pionnier éminemment controversé de l’exploration spatiale, envisage les premiers pas de l’homme sur Mars pour l’année 1981. Après tout, c’était déjà lui qui, en 1952, avait réalisé la première étude technique d’une mission habitée vers la planète rouge. L’objectif semble donc bien plus atteignable après le triomphe d’Apollo 11.

Douze années séparent le lancement de Spoutnik 1 de la mission Apollo 11 !

Dans une présentation au Space Task Group, le groupe de travail mis en place par le président Richard Nixon pour concevoir le futur du programme spatial américain, Von Braun détaille son plan, forcément ambitieux mais, précise-t-il dès l’introduction, pas plus que celui qui visait à faire marcher l’homme sur la Lune, envisagé dès le début des années 60 et consacré par le fameux discours de Kennedy à Houston, en septembre 1962. Le président américain expliquait alors que l’Amérique choisissait d’aller sur la Lune, « non pas parce que c’est facile, mais bien parce que c’est difficile. »

Mars présente un intérêt majeur. Alors que la Lune est un corps stérile, désert, Mars suscite encore de nombreux fantasmes quant à la question de la vie extraterrestre (et en suscite toujours, d’ailleurs, la question n’étant toujours pas officiellement tranchée). Von Braun explique :

Peut-être que la question scientifique la plus importante est celle de la possibilité d’une vie extraterrestre dans notre Système solaire. Une mission planétaire habitée offre l’opportunité de résoudre cette question universelle.

Von Braun prévoit une mission de deux ans, décomposée comme suit :

  • Utiliser des fusées Saturn V et des navettes spatiales pour assembler un vaisseau en orbite terrestre
  • Profiter du voyage de 270 jours dans l’espace interplanétaire pour réaliser des études scientifiques et des observations astronomiques inédites
  • Placer le vaisseau dans l’orbite martienne durant environ 80 jours, et déployer à sa surface un module d’exploration, le MEM (Mars Excursion Module), et des sondes de récolte d’échantillons
  • Explorer à l’aide d’un rover la surface martienne, en forer la surface de la planète à la recherche d’eau ou d’autres ressources naturelles.
  • Profiter du voyage retour de 290 jours pour survoler Vénus, y déployer des sondes et cartographier sa surface par imagerie radar
  • Et enfin revenir sur cette bonne vieille Terre

Pour des raisons de sécurité, Von Braun envisage le lancement de deux vaisseaux identiques à propulsion nucléaire, chacun accueillant un équipage de six astronautes – ou jusqu’à douze en cas de problème sur l’un des deux vaisseaux.

Au boulot !

On le comprend à la lecture de la présentation : une telle mission réutilise forcément de nombreux éléments du programme Apollo, à commencer par les lanceurs Saturn V, les plans de mises en orbite, et l’utilisation du module d’exploration. Von Braun intègre aussi son programme dans les développements en cours et à venir en 1969 – sa mission martienne réutilise des éléments du programme Shuttle, des missions Viking et Voyager, d’une potentielle future station spatiale en orbite lunaire, et d’une base à sa surface.

 Il écrit :

Le point culminant et logique de la prochaine décennie est l’atterrissage de l’homme sur Mars en 1981. […] En plus de servir de point central pour la prochaine décennie, l’atterrissage sur Mars en 1981 est le seuil de l’exploration planétaire habitée des années 1980.

Von Braun estime qu’à la fin de la décennie, si son programme et ceux qui le précèdent sont menés à bien, 100 hommes pourraient se trouver simultanément dans l’orbite terrestre basse, et 48 à la surface de la Lune de Mars.

Quarante ans plus tard, faut-il vraiment le préciser, nous n’en sommes pas là, loin de là, et nous n’y serons peut-être même pas de notre vivant. Alors que s’est-il passé ?

Mission failed

Et bien c’est simple : le programme a été considéré par le président Nixon mais n’a malheureusement pas été retenu, au profit du développement de la future navette spatiale. Contrarié, Von Braun quitte la NASA en 1972, pour rejoindre une entreprise aéronautique privée.

Le contexte, évidemment, n’a pas aidé. A partir du milieu des années 70, la course à l’espace, évidemment remportée par les Américains suite au succès des missions Apollo, peut être considérée comme terminée. Les budgets de la NASA sont diminués – alors que le programme de Von Braun prévoyait de le doubler ; l’agence spatiale américaine est focalisée sur l’exploration non habitée de l’espace (les sondes Voyager en sont le meilleur exemple) et sur le développement de la navette spatiale, après en avoir également réduit les coûts de développement. L’intérêt du grand public pour l’espace s’estompe peut-être un peu aussi. En 1981, l’homme ne marche pas sur Mars, n’est jamais retourné sur la Lune, et la navette spatiale Columbia effectue seulement son premier vol.

A l’instar de nombreux autres projets ambitieux établis dans les années 60 et 70 (comme le fameux cylindre O’Neill, cette colonie spatiale abritant des dizaines de milliers de personnes et envisagée par leur concepteur Gérard O’Neill pour le début des années 80), la mission habitée vers Mars, véritable arlésienne portée par plusieurs projets, a constamment été repoussée. Les années, puis les décennies, se sont écoulées.

Les cylindres O’Neill n’ont essaimé que dans la science-fiction (ici, Interstellar, de Christopher Nolan)

Forcément, une telle mission laisse un peu rêveur… Si l’homme avait marché sur Mars à l’aube des années 80, qui sait où nous en serions aujourd’hui de l’exploration du Système solaire ? Aurions-nous mis en place des colonies sur la Lune et sur Mars ? Mais de telles missions, à l’ambition folle, forcément coûteuses et qui nécessitent l’implication de nations toutes entières, n’auraient-elles pas entravé l’exploration robotique du Système solaire externe, avec les missions Voyager, Cassini-Huygens, Rosette ou encore New Horizons, pour ne citer que les plus emblématiques ? Difficile à dire. En tout cas, quand il s’agit de rêver, on peut encore compter sur la science-fiction, en attendant que l’homme pose véritablement le pied sur Mars, d’ici à quelques décennies, au plus tôt.

L’article La mission martienne de Wernher von Braun est apparu en premier sur Dans la Lune.

]]>
/2022/02/18/la-mission-martienne-de-wernher-von-braun/feed/ 0 2501
Le mythe de la Terre plate au Moyen-Âge /2021/08/03/le-mythe-de-la-terre-plate-du-moyen-age/ /2021/08/03/le-mythe-de-la-terre-plate-du-moyen-age/#respond Tue, 03 Aug 2021 06:54:14 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=2392 Dans l’imaginaire collectif, le Moyen-Âge est souvent considéré comme une période sombre de l’humanité. Disparition du savoir antique,  obscurantisme religieux, misères et injustices… Comme si les hommes s’étaient perdus dans un long tunnel de près d’un millénaire, loin des lumières de l’Antiquité et de la Renaissance. Parmi les poncifs qui reviennent souvent, celui qui veut […]

L’article Le mythe de la Terre plate au Moyen-Âge est apparu en premier sur Dans la Lune.

]]>
Dans l’imaginaire collectif, le Moyen-Âge est souvent considéré comme une période sombre de l’humanité. Disparition du savoir antique,  obscurantisme religieux, misères et injustices… Comme si les hommes s’étaient perdus dans un long tunnel de près d’un millénaire, loin des lumières de l’Antiquité et de la Renaissance. Parmi les poncifs qui reviennent souvent, celui qui veut que les savants du Moyen-Âge croyaient que la Terre était plate, et qu’il aurait fallu attendre le voyage de Christophe Colomb pour les convaincre qu’elle était sphérique…

Le miracle grec

C’est là l’un des nombreux mérites qui firent entrer l’homme grec dans l’histoire : tenter de comprendre  le monde par la raison, il y a de cela plus de deux millénaires et demi. Remplacer le mythe par la science, ne plus seulement voir dans ces points qui illuminent le ciel lorsque la nuit tombe des actions divines, mais bien des phénomènes naturels, explicables, démontrables, prévisibles. Après avoir délogé les dieux de leur trône, c’est grâce à la réflexion et à l’intuition que le savant grec put notamment :

  • Découvrir la sphéricité de la Terre
  • Calculer son diamètre
  • Placer le Soleil au centre de l’Univers
  • Ou encore supposer l’existence des atomes
Aristote

Généralement, c’est à Pythagore, ou en tout cas à  l’école qu’il a fondé, que l’on attribue la découverte de la sphéricité de la Terre, vers le Ve siècle avant Jésus-Christ. Près d’un siècle plus tard, du temps de Platon, c’est admis : la Terre est une sphère. Son élève Aristote fournira même plusieurs arguments, parmi lesquels celui de l’ombre portée de la Terre sur la Lune lors d’une éclipse, de forme circulaire. Plus tard, un autre argument devenu célèbre fera autorité : lorsqu’un navire s’éloigne vers l’horizon, sa coque disparaît et il semble s’enfoncer dans l’eau tandis que son mât demeure visible.

Dans son Histoire Naturelle, paru vers 77, Pline explique :

Du pont d’un navire, on n’aperçoit pas la terre alors qu’on la voit du haut des mâts, et que quand un vaisseau s’éloigne, un objet éclatant, placé au sommet du mât paraît descendre peu à peu, et ne devient invisible qu’après tout le reste.

Les Anciens ne s’arrêtent pas au simple concept :

  • Cratès de Mallos conçoit le premier globe
  • Ératosthène de Cyrène détermine avec une précision remarquable le rayon de la Terre
  • Dicéarque quadrille la Terre en longitude et latitude afin de faciliter le repérage

Et puis survient le crépuscule des humanités antiques. Les bibliothèques s’écroulent. Les parchemins brûlent. Le savoir antique, perdu dans la nuit, est peu à peu oublié. La Terre redevient plate, et il faudra attendre la grande expédition de Christophe Colomb, en 1492, pour que la découverte fortuite de l’Amérique en rappelle sa sphéricité. C’est en tout cas ce qui est souvent raconté, n’est-ce pas ? Et bien c’est à tort. Colomb savait pertinemment que la Terre était ronde, comme tous les savants de son époque.

Yep, il savait qu’elle était ronde. (tableau de 1862 de Dióscoro Puebla)

Aux antipodes

La Terre n’a jamais cessé d’être ronde. Elle est comparée à un œuf, à une balle, une orbe, voire à une pelote. Les textes de l’époque sont formels. Les représentations des artistes également, y compris sur des vitraux, des retables ou des tableaux religieux. Evidemment, quelques esprits la croient plate – c’était déjà le cas durant l’Antiquité – mais ils sont minoritaires et leur influence est faible.

Déjà, dans l’Antiquité tardive, le théologien africain Lactance, écrivait :

Y a-t-il quelqu’un d’assez extravagant pour se persuader qu’il y a des hommes qui aient les pieds en haut et la tête en bas […] et que la pluie et la grêle puissent tomber en montant ?

Car oui, la controverse ne portait pas tant sur la forme de la Terre que sur les antipodes (un point diamétralement opposé à un autre point sur une sphère). Comment diable serait-il possible de vivre de l’autre côté sans tomber ? Pour certains penseurs, c’est impossible. D’autres sont plus mesurés. On suppose l’existence d’une terra australis incognita, une région inconnue qui serait située dans l’hémisphère sud mais reste de toute façon inaccessible à cause des chaleurs de l’Equateur.

Là encore, rien de nouveau ! La question agitait déjà les savants de l’Antiquité… D’ailleurs Pline, encore lui, y répondait avec humour :

Le vulgaire demande pourquoi les hommes placés à l’opposite ne tombent pas : comme s’il n’était pas facile de répondre qu’eux aussi ont le droit de s’étonner que nous ne tombions pas !

L’invention de la Terre plate

Bon, c’est entendu, la Terre est restée ronde – ou plus exactement sphérique – durant le Moyen-Âge. Ouf. Mais d’où peut bien provenir cette légende si tenace qui veut qu’on la croyait alors plate ? Difficile à dire.

« Limage du monde » – représentation de la Terre dans un manuscrit de Gossuin de Metz, vers 1304.

Le Moyen-Âge est coincé entre deux périodes qui sont souvent considérées comme des « âge d’or » de l’humanité, à savoir l’Antiquité et la Renaissance. Les œuvres de fiction qui s’y déroulent insistent plus souvent sur ses horreurs – certes bien réelles – que ses avancées, entretenant l’image de siècles obscurs. Peut-on leur en vouloir ? Les historiens ont eux aussi pendant longtemps entretenu à tort cette image de l’Âge sombre

Pour le philologue autrichien Rudolf Simek, qui revient sur l’affaire en 2003 dans un numéro du magazine Pour la Science, les cartes géographiques parfois très rudimentaires utilisées au Moyen-Âge, qui figuraient dans un simple cercle toutes les terres connues, ont également contribué à l’essor du mythe. Mais n’est-ce pas le cas également de nos cartes modernes ?

Enfin, un argument plus controversé affirme que ce mythe aurait été inventé sciemment à des fins idéologiques. Dans son livre Inventing the Flat Earth (L’invention de la terre plate), paru en 1991, l’historien américain Jeffrey Burton Russell revient sur le débat qui opposa l’Eglise et la science pendant la seconde moitié du XIXème siècle, à propos de la théorie de l’évolution de Darwin. L’Eglise y est bien sûr farouchement opposée. Pour décrédibiliser l’Eglise, quelques auteurs américains populaires décident alors de répandre l’idée dans leurs œuvres qu’elle s’est également opposée à une autre vérité durant tout le Moyen-Âge – la sphéricité de la Terre : ces siècles de foi devaient forcément être des siècles d’ignorance !

Dans tous les cas, espérons que dans quelques siècles, il ne faille pas à nouveau un article de ce genre pour préciser que la majorité des humains de notre siècle savaient que la Terre était sphérique, et que la croyance dans une Terre plate n’était qu’une lubie de quelques illuminés !

L’article Le mythe de la Terre plate au Moyen-Âge est apparu en premier sur Dans la Lune.

]]>
/2021/08/03/le-mythe-de-la-terre-plate-du-moyen-age/feed/ 0 2392
Les angoisses de Blaise Pascal /2018/11/09/les-angoisses-de-blaise-pascal/ /2018/11/09/les-angoisses-de-blaise-pascal/#respond Fri, 09 Nov 2018 15:28:08 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=1856 Lorsque j’évoque les vertiges du cosmos à des amis, j’ai le plus souvent droit à trois types de réaction en retour. La première, c’est l’émerveillement face aux beautés du ciel. La seconde, c’est un haussement d’épaules, car après tout cela ne changera rien au quotidien de mon interlocuteur. La troisième, c’est l’angoisse, la sensation de […]

L’article Les angoisses de Blaise Pascal est apparu en premier sur Dans la Lune.

]]>
Lorsque j’évoque les vertiges du cosmos à des amis, j’ai le plus souvent droit à trois types de réaction en retour. La première, c’est l’émerveillement face aux beautés du ciel. La seconde, c’est un haussement d’épaules, car après tout cela ne changera rien au quotidien de mon interlocuteur. La troisième, c’est l’angoisse, la sensation de n’être rien. C’est cette même angoisse que décrivait Blaise Pascal, il y a près de quatre siècles, dans ses Pensées.

De l’univers clos à l’univers infini

Les Pensées sont un recueil de notes et de réflexions diverses rassemblées après la mort de Blaise Pascal (1623 – 1662), qui devaient à l’origine servir à la rédaction d’un essai appelé Apologie de la religion chrétienne. Devenu profondément croyant suite à une expérience mystique, Pascal entendait défendre la foi sans pour autant renier les sciences. Même fragmenté, cet essai devenu les Pensées est un classique de la littérature française et plus globalement de la philosophie occidentale.

Une phrase des Pensées a été si souvent citée, reproduite, commentée, analysée que son sens initial s’est peut-être dilué dans la multitude d’interprétations qui en ont été faites. Que dit-elle ? Relisons d’abord le fragment numéro 17 du segment Misère des Pensées, duquel elle est issue :

Combien de royaumes nous ignorent ! Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie.

Que pouvait bien savoir Pascal du cosmos à l’époque de la rédaction de cette phrase, dans la deuxième moitié du XVIIe siècle ?

Il faut en fait contextualiser cette phrase à l’aune des bouleversements induits par la Révolution copernicienne. Depuis près d’un millénaire et demi, c’est le modèle de Ptolémée qui prévalait, du nom de cet astronome grec qui résume au IIe siècle de notre ère la recherche astronomique antique dans son Almageste. Dans ce modèle dit géocentrique, la Terre est immobile et située au centre de l’Univers. Certains esprits précurseurs ont pensé autrement, comme par exemple le grec Aristarque de Samos au IIIe siècle avant Jésus-Christ ou encore Nicolas de Cues au XVe siècle, qui tentèrent de déloger la Terre de sa place centrale, mais leurs idées furent largement ignorées.

Un cratère lunaire porte le nom de Ptolémée (ici le plus gros en haut à gauche).

En 1543, soit l’année de sa mort, l’astronome polonais Nicolas Copernic (1473 – 1543) publie Des révolutions des sphères célestes, le résultat d’une vie entière de recherche, un livre appelé à changer radicalement la place de l’homme au sein de l’Univers. Pour Copernic, c’est le Soleil qui est au centre de l’Univers, et autour de lui tournent la Terre et les autres planètes.

Dans son Dictionnaire amoureux du Ciel et des Etoiles, Trinh Xuan Thuan écrit :

L’univers héliocentrique de Copernic a asséné en 1543 un coup terrible à l’égo de l’homme. L’univers ne tourne plus autour de lui et le cosmos n’est plus créé pour son seul usage et bénéfice. L’homme n’en occupe plus la place centrale et il n’est plus au cœur de l’attention de Dieu.

Nicolas Copernic

Les idées de Copernic ne se diffusèrent pas aussitôt dans les milieux scientifiques et théologiques. Mais l’idée était là, elle existait, et par son efficacité et son élégance elle ne pouvait que supplanter peu à peu le modèle géocentrique. Elle fut d’abord ignorée, puis débattue, combattue, et enfin acceptée. Après plusieurs siècles, il est difficile de se représenter quels tourments intellectuels ont du subir les hommes raisonnables de l’époque : les doutes, les interrogations, les questions… Et aussi les angoisses de ce nouvel espace, où la place de Dieu est à réinventer.

Dans un article consacré au sujet, le chercheur Jean-François Stoffel s’interroge :

Non contente de détrôner l’homme en lui retirant la position centrale qui était la sienne dans l’univers, la révolution copernicienne n’a-t-elle pas également mis fin à ces analogies qui, unissant microcosme et macrocosme, donnaient un sens à l’existence et à la position de l’homme dans la nature ?

L’angoisse de Pascal, c’est celle du savant qui a accepté la Révolution copernicienne, et c’est celle du croyant qui lève les yeux vers le ciel et cherche la place de Dieu et de l’homme. Il n’y trouve pas de réponse : le ciel est muet.

Le site Les Pensées de Blaise Pascal propose un éclaircissement au travers d’un autre fragment :

Je vois ces effroyables espaces de l’univers qui m’enferment, et je me trouve attaché à un coin de cette vaste étendue, sans que je sache pourquoi je suis plutôt placé en ce lieu qu’en un autre, ni pourquoi ce peu de temps qui m’est donné à vivre m’est assigné à ce point plutôt qu’à un autre de toute l’éternité qui m’a précédé et de toute celle qui me suit. Je ne vois que des infinités de toutes parts, qui m’enferment comme un atome et comme une ombre qui ne dure qu’un instant sans retour. Tout ce que je connais est que je dois bientôt mourir ; mais ce que j’ignore le plus est cette mort même que je ne saurais éviter.

L’angoisse face à un double infini : celui de l’espace et celui du temps, un vertige qui rend dérisoire la vie humaine, en cet endroit de l’espace et en cet endroit du temps.

Les nouveaux espaces infinis

Les avancées scientifiques n’auraient certes pas aidé Pascal à calmer ses angoisses. Nous vivons dans une éternelle Révolution copernicienne, qui repousse toujours plus nos horizons cosmologiques.

Nous savons désormais que la Terre est une planète comme une autre, qui tourne autour d’une étoile comme une autre, dans une galaxie comme une autre. La Voie Lactée contiendrait environ 300 milliards d’étoiles, avec au moins autant de planètes. Et l’univers observable contiendrait lui jusqu’à 2 000 milliards de galaxies.

Le champ profond de Hubble : sur cette photo apparaissent des centaines de galaxies.

Dans les années, les décennies, les siècles à venir, si l’homme affine sa connaissance du cosmos, peut-être sera-t-il confronté à d’autres vertiges : et si, finalement, notre univers n’était qu’un univers parmi tant d’autres, confirmant ainsi les théories du Multivers ? On ose imaginer

On peut légitimement estimer que la place de l’homme est dérisoire. On peut aussi s’émerveiller, et apprécier notre place privilégiée, puisque nous sommes à ce jour la seule espèce connue capable de s’interroger et décrypter les mystères du monde qui nous entoure. Ce qui rend l’humanité d’autant plus précieuse. Avec Copernic, Dieu a été délogé de sa place, mais pas l’homme.

L’article Les angoisses de Blaise Pascal est apparu en premier sur Dans la Lune.

]]>
/2018/11/09/les-angoisses-de-blaise-pascal/feed/ 0 1856
La vénérable station Saliout /2018/09/05/la-venerable-station-saliout/ /2018/09/05/la-venerable-station-saliout/#comments Wed, 05 Sep 2018 18:33:33 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=1802 La course à l’espace n’a aucune ligne d’arrivée, hormis celle placée par la folle ambition des hommes. Dix ans après avoir envoyé le premier homme dans l’espace, Youri Gagarine, l’URSS réalise un exploit : mettre en orbite une station spatiale autour de la Terre. Un délire de science-fiction devenu réalité – mais au prix d’un […]

L’article La vénérable station Saliout est apparu en premier sur Dans la Lune.

]]>
La course à l’espace n’a aucune ligne d’arrivée, hormis celle placée par la folle ambition des hommes. Dix ans après avoir envoyé le premier homme dans l’espace, Youri Gagarine, l’URSS réalise un exploit : mettre en orbite une station spatiale autour de la Terre. Un délire de science-fiction devenu réalité – mais au prix d’un lourd tribut… 

Un petit pas pour l’homme, une grande claque pour les soviétiques

La course à l’espace : c’est le nom donné à la rivalité spatiale qui opposa les Etats-Unis à l’Union soviétique dès la mise en place du premier satellite artificiel en 1957, et jusqu’au milieu des années 70. L’humanité lève les yeux, et comprend que ses technologies lui permettent désormais d’accéder à l’infini. Les budgets alloués aux agences spatiales des deux grandes puissances sont alors presque sans limite : il faut démontrer sa supériorité technologique face à l’adversaire en repoussant les frontières de la présence de l’homme dans l’espace. Evidemment les Etats-Unis, avec les prouesses du programme Apollo et les premiers pas de l’homme sur la Lune en 1969, devancent l’Union soviétique. L’URSS décide alors la mise en place d’une station spatiale orbitant autour de la Terre en permanence, permettant à plusieurs équipages d’y vivre et d’y travailler.

En fait, les premiers concepts de station spatiale remontent au début du XXe siècle (il faut quand même évoquer The Brick Moon, un article d’Edward Everett Hale publié en 1868 où une étrange sphère en brique est envoyée dans l’espace avec des hommes à l’intérieur !) :

  • Le scientifique russe Tsiolkovski, pionnier de l’astronautique, imagine dans son livre Au-delà de la Terre (1920) une station qui pourrait accueillir une vingtaine de passagers en gravité artificielle
  • Le physicien allemand Hermann Oberth, auteur de la toute première thèse consacré au voyage spatial en 1923, propose plusieurs stations orbitant autour de la Terre, et un système de fusées pour passer de l’une à l’autre
  • Dans son ouvrage Le problème du vol spatial, paru en 1928, l’ingénieur slovène Herman Potočnik va plus loin et détaille la création d’une station spatiale en forme de roue qui inspirera longtemps la science-fiction (et notamment 2001 : L’odyssée de l’espace).
  • Plus étonnant : à partir des travaux d’Oberth, des scientifiques allemands ont imaginé durant la Seconde guerre mondiale une station spatiale placé à près de 8 000 kilomètres d’altitude et hébergeant une arme surnommée Sun Gun, un gigantesque miroir qui refléterait la lumière du Soleil sur un point de la Terre afin de brûler des villes !
  • Après la guerre, l’ingénieur allemand Wernher von Braun, concepteur de la fusée V2, dessine une station spatiale qui sera d’ailleurs reprise dans un documentaire de Walt Disney, Man in Space, en 1955

Le concept de station spatiale de Von Braun (1952).

Evidemment, la mise en orbite de Spoutnik 1 en 1957 accélère les réflexions. Car les prédictions des pionniers visionnaires sont désormais compatibles avec les technologies de l’homme. Et après les pas de Neil Armstrong sur la Lune, l’Union Soviétique ne souhaite absolument pas que la NASA la devance à nouveau. Dès l’année 1969, l’agence américaine avait d’ailleurs dessiné un concept de station militaire chargé d’espionner les territoires ennemis – l’idée fut finalement abandonnée au profit de satellites de reconnaissances moins onéreux. Elle doit par contre lancer sa station Skylab en 1973. De son côté l’Union Soviétique planche elle depuis 1964 sur une station militaire, avec le programme Almaz. Quelques semaines seulement après la réussite de la mission Apollo 11, une équipe de scientifiques soviétiques propose d’aller au plus vite et de réutiliser des éléments de la fusée Soyouz ou des prototypes du programme Alma pour les convertir en station spatiale civile.

En octobre 1969, le dirigeant soviétique Léonid Brejnev met en place sa propagande dans un discours prononcé au palais des congrès du Kremlin :

Notre pays a un vaste programme spatial, conçu depuis de nombreuses années. Nous faisons les choses à notre manière : nous avançons continuellement et délibérément. La cosmonautique soviétique est en train de résoudre des problèmes d’une incroyable complexité. […] Notre science voit la création de stations orbitales à long-terme comme le moyen de la conquête extensive de l’espace. La création de stations orbitales avec un équipage interchangeable est la route principale de l’homme dans l’espace.

C’est bien un drapeau américain qui est planté sur la Lune…

Il s’agit bien sûr de montrer que les soviétiques ne s’intéressent guère aux avancées des américains, qu’ils suivent leur propre chemin depuis longtemps et qu’ils continueront à le faire. La Lune ? Une mission onéreuse, inutile… La réalité est évidemment toute autre : la mission Apollo 11 est une claque pour les soviétiques dont le programme lunaire habité est un échec – ils doivent donc trouver un moyen de garder la face avec un projet alternatif.

La route de  l’homme dans l’espace

L’ingénierie spatiale soviétique ne fonctionne pas comme son équivalent américain. Tandis que la NASA est l’unique agence spatiale américaine, plusieurs bureaux d’étude s’affrontent en URSS, travaillant parfois sur des projets concurrents. La première station spatiale soviétique, Soyouz, est en fait un assemblage de plusieurs travaux :

  • La coque de la station militaire du programme Almaz
  • Modifiée par un autre bureau chargé de la modifier pour qu’elle puisse accueillir une fusée Soyuz
  • Et envoyée dans l’espace par le lanceur Proton, vestige du programme lunaire abandonné

Le nom de cette station ? Saliout, qui veut tout simplement dire « salut ». Saliout pèse près de 19 tonnes, soit la capacité maximale que peut emporter le lanceur Proton dans l’espace, mesure 15,8 mètres de longueur, et contient 90 m3 de volume habitable, avec vingt-et-un hublots pour admirer la Terre. Le résultat, il faut être honnête, ne ressemble guère aux élégantes stations spatiales cylindriques que dépeint à l’époque la science-fiction. C’est un gros tube avec des panneaux solaires à chaque bout. Mais c’est un tube qui est envoyé dans l’espace le 19 avril 1971, soit deux ans avant que la NASA n’envoie à son tour sa station Skylab. L’URSS a remporté son pari.

Saliout photographiée par un satellite.

Confiante, l’URSS réalise une chose inédite : annoncer juste après le lancement de la station les détails de la première expédition habitée, prévu pour le 22 avril avec trois astronautes. Une mission prévue pour une durée de 22 jours, extensible à 30 en cas de succès. A cause d’un problème de la tour de lancement, le lancement fut retardé au lendemain. Un mauvais présage : les problèmes techniques se sont accumulés une fois en orbite, notamment pour s’amarrer, et les cosmonautes n’ont ensuite jamais réussi à ouvrir l’écoutille de leur vaisseau. Après deux jours dans l’espace, ils retournent sur Terre.

Le 6 juin 1971, le deuxième équipage, composé du commandant Gueorgui Dobrovolski, de Viktor Patsaïev et de Vladislav Volkov, décolle. C’est la mission Soyouz 11. Seul Volkov a déjà volé dans l’espace, en 1969. Cette fois, l’URSS n’a pas annoncé préalablement le lancement au public. La fusée Soyouz parvient à s’amarrer à la station avec moins de difficulté, les ingénieurs avaient conclu que c’était probablement l’impact trop fort entre la fusée et la station qui avait endommagé les loquets d’ancrage sur l’essai précédent. L’équipage réussit à ouvrir l’écoutille. Mais il hésite à y entrer, reniflant une drôle d’odeur : une odeur de brûlé. Est-ce un feu qui peut couver depuis plus de deux mois ? La station serait-elle maudite ? Ils y pénètrent finalement, et se réfugient la première nuit dans la capsule Soyouz. Le lendemain matin, l’odeur a disparu. Son origine reste encore aujourd’hui un mystère.

Les trois cosmonautes effectuent leurs premières tâches, apparaissent plusieurs fois à la télévision pour des conférences de presse très populaires. Ils dépassent bientôt le record du nombre de jours passés dans l’espace, alors à 18 jours (et déjà détenu par deux soviétiques).

Mais loin des yeux de leurs camarades, les trois cosmonautes doivent faire face à de nombreux problèmes techniques, une fois de plus, que ce soit sur le télescope, le tapis roulant nécessaire pour les exercices quotidiens, ou même leurs combinaisons.

L’équipage de la mission Soyouz 11.

Le lendemain marque un tournant dans la mission. Nous sommes le 17 juin. Volkov communique à la Terre qu’une fois de plus, les trois hommes ont senti une odeur de fumée, qu’ils supposent venir des panneaux solaires. Le commandement sur Terre ordonne à l’équipe de se réfugier à bord de la capsule Soyouz. A l’intérieur, l’équipage hésite, les relations se tendent : Volkov souhaite évacuer immédiatement, tandis que les deux autres veulent trouver l’origine du problème et le régler. Il s’agissait d’un problème électrique, qui n’a pas causé de dommage sérieux à la station

Evidemment, ces problèmes techniques ne sont pas révélés au public : la mission est vue sur Terre comme un triomphe.

Le 25 juin, après 19 jours passés dans l’espace, l’équipe se prépare pour son retour. Dobrovolsky déclare :

La Terre nous manque, et nous attendons impatiemment notre retour.

L’incendie a rendu l’équipage nerveux, surtout Volkov, qui pense que plus vite il retournera sur Terre, mieux ce sera. Certaines rumeurs prétendent qu’un voyant lui aurait même annoncé avant son départ que cette mission serait pour lui la dernière !

Le 29 juin 1971, les trois hommes pénètrent dans la capsule Soyouz. La procédure de retour commence mal : le voyant qui indique que l’écoutille est ouverte reste allumé ! Volkov panique. N’ayant pas de combinaisons, cela signifie tout simplement la mort lorsqu’il se détacheront de la station, l’air s’échappant dans l’espace… Ils ouvrent et ferment à nouveau l’écoutille, et le voyant s’éteint finalement.

Youri Gagarine

Mais alors que la capsule se sépare de la station Saliout, les trois cosmonautes entendent un sifflement constant. Dobrovolsky se détache immédiatement et fonce vers l’écoutille, pensant que la fuite vient de là. Ce n’est pas le cas : elle vient en fait d’une vanne sous le siège de Dobrovolsky. Ils tentent de la boucher, mais n’y parviennent pas. Quelques secondes plus tard, ils s’évanouissent. Et meurent moins de deux minutes plus tard. Lorsque la capsule atterrit sur Terre, il est trop tard pour les ranimer. L’équipage est resté dans les étoiles. Leurs corps sont enterrés dans le mur du Kremlin, à Moscou, à côté de celui de Youri Gagarine, premier homme a voir été dans l’espace, et mort en 1968. Ils sont décorés par la médaille de Héros de l’Union Soviétique.

Même le président américain Richard Nixon se fendra d’un communiqué :

Le peuple américain se joint à vous pour exprimer, à vous et au peuple soviétique, notre profonde compassion pour la mort tragique des trois cosmonautes soviétiques. Le monde entier a suivi les exploits de ces courageux explorateurs de l’inconnu, et partage l’angoisse de leur tragédie. Mais les exploits des cosmonautes Dobrovolsky, Volkov et Patsayev demeurent. Je suis sûr qu’ils ont contribué grandement à la réalisation du programme soviétique d’exploration spatiale et, par conséquent, à l’élargissement des horizons de l’homme.

S’agit-il d’être le premier à aller là-haut, ou bien le premier à en revenir vivant ? Des rumeurs font état de nombreux cosmonautes soviétiques fantômes, dont les noms n’ont jamais été révélés, et qui sont morts, certains diront pour la science, d’autres pour la guerre. Le destin tragique de Dobrovolsky, de Patsaïev et de Volkov révèle au monde que les paroles de Brejnev en 1969 étaient aussi ambitieuses qu’irréalistes. L’Union Soviétique n’était pas prête.

Le 11 octobre 1971, la station Saliout est précipitée sur Terre. Elle s’embrase au-dessus de l’Océan Pacifique.

L’héritage

La capsule Soyouz quittant la Station spatiale internationale.

Malgré le drame, l’Union soviétique décide de poursuivre le programme, mais le succès n’est toujours pas au rendez-vous : Saliout 2 se disloque dans l’espace une dizaine de jours après son lancement, tandis qu’une station militaire lancée peu après devient vite incontrôlable. Il faudra attendre Saliout 4, en 1974, pour qu’une mission se déroule sans accroc majeur.

Par ailleurs, de nombreuses améliorations seront apportées à la capsule Soyouz (toujours utilisée aujourd’hui).

La dernière station Saliout, la septième du nom, resta en orbite jusqu’en 1991 (elle reçut d’ailleurs la visite du français Jean-Loup Chrétien, le premier à bord à ne pas venir d’un pays communiste). Elle inspira largement la station Mir, et même la Station spatiale internationale : Zvezda, l’un des modules principaux, hérite ainsi largement de près d’un demi-siècle d’ingénierie spatiale soviétique.

Alors, que reste-t-il ? La guerre, la mort, et aussi les innombrables tâtonnements de l’homme, frêle et hésitant devant l’infini, comme il le fut autrefois devant l’océan. Près d’un siècle après les travaux de Tsiolkovski ou d’Oberth, il faut se féliciter que quelques hommes, constamment, tournent au-dessus de nos têtes dans la Station spatiale internationale. C’est vrai, nous ne sommes guère allés plus loin, décevant sans doute les rêveurs des années d’or de la science-fiction. Mais nous y sommes encore, alors continuons à rêver !

(image de couverture : la station spatiale Saliout 7)

L’article La vénérable station Saliout est apparu en premier sur Dans la Lune.

]]>
/2018/09/05/la-venerable-station-saliout/feed/ 4 1802
Le jour où le Pape reconnut le Big Bang /2018/06/20/le-jour-ou-le-pape-reconnut-le-big-bang/ /2018/06/20/le-jour-ou-le-pape-reconnut-le-big-bang/#comments Wed, 20 Jun 2018 06:22:46 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=1727 Le Big Bang est un mystère. Et comme tant d’autres mystères cosmiques, il interroge, fascine, agace. La science s’arrête aux abords du Big Bang comme elle s’arrête aux abords des trous noirs, laissant la place aux théories spéculatives les plus audacieuses. Et là où la science est muette, les religions sont bavardes… L’éclat disparu de […]

L’article Le jour où le Pape reconnut le Big Bang est apparu en premier sur Dans la Lune.

]]>
Le Big Bang est un mystère. Et comme tant d’autres mystères cosmiques, il interroge, fascine, agace. La science s’arrête aux abords du Big Bang comme elle s’arrête aux abords des trous noirs, laissant la place aux théories spéculatives les plus audacieuses. Et là où la science est muette, les religions sont bavardes…

L’éclat disparu de la formation des mondes

Dans l’imaginaire collectif, le Big Bang est souvent vu comme une immense explosion, comme l’instant originel de la création de l’Univers, avant lequel il n’y a rien, et après lequel il y a tout. Le nom même de l’événement, qui peut être traduit par « Grand Boum » en français, et la manière dont il est représenté dans les documentaires de vulgarisation scientifique y sont pour beaucoup. En réalité, le Big Bang fait référence à une période extrêmement dense et chaude qu’a connue notre Univers il y a environ 13,8 milliards d’années.

Il faut donc plutôt voir le Big Bang comme une sorte de berceau dans lequel l’Univers tel que nous le connaissons aujourd’hui, avec les propriétés physiques qui le définissent, a émergé.

Albert Fucking Einstein

Un peu d’histoire. En 1915, Albert Einstein présente sa théorie de la Relativité générale, qui décrit l’influence de la gravitation sur les corps massifs. Deux ans plus tard, il ajoute à ses équations la constante cosmologique, afin qu’elles soient conformes à l’idée que lui et ses contemporains se font de l’Univers, à savoir un espace spatialement et temporellement infini, ni en expansion, ni en contraction.

Deux génies précurseurs, à partir des travaux d’Einstein, iront contre cette idée d’un Univers statique :

  • Le premier est russe, il s’appelle Alexandre Friedmann et publie en 1922 un article présentant un modèle d’Univers en expansion.
  • Le deuxième est un chanoine catholique belge, George Lemaître. Indépendamment des travaux de Friedmann, il arrive aux mêmes conclusions en 1927 et publie en 1931 un mémoire au titre éloquent : The Expanding Universe (soit en français L’Univers en expansion). Il propose peu après l’idée de l’Atome Primitif, ébauche du Big Bang.

La réponse d’Einstein est cinglante: bien qu’il juge ces travaux techniquement remarquables, en revanche d’un point de vue physique il les trouve abominables ! En fait, sa position est idéologique : il accepte leurs travaux mathématiques puisqu’ils sont exacts, mais pas leurs conséquences, à savoir un univers en expansion.

A propos de la théorie de l’Atome primitif, il dira la chose suivante :

Elle est inspirée par le dogme chrétien de la Création, et totalement injustifiée d’un point de vue physique !

Lemaître donne ses cours en soutane, la grande classe !

Einstein n’ignore bien sûr pas que Lemaître est un homme d’Eglise, qui porte d’ailleurs toujours la soutane… Mais c’est sa critique qui est injustifiée : si Lemaître est restée croyant toute sa vie, il aura toujours su distinguer foi et science.

Dans une conférence donnée en 1963, il dira même que :

L’hypothèse de l’atome primitif est l’antithèse de l’hypothèse de la création surnaturelle du Monde.

Le temps lui donne raison : en 1929, l’observation confirme la spéculation lorsque l’astronome américain Edwin Hubble découvre que les galaxies s’éloignent de la Voie Lactée. Lemaître avait raison : l’Univers est en expansion. Einstein déclarera plus tard qu’introduire une constante cosmologique dans ses équations avait été la plus grande erreur de sa vie…

Le modèle du Big Bang connaîtra encore de nombreuses controverses, avant d’être définitivement adopté par la plus grande majorité de la communauté scientifique au milieu des années 60, après la découverte du fond diffus cosmologique, la première lumière émise après le Big Bang ou, comme l’appelait poétiquement Lemaître en 1931 :

L’éclat disparu de la formation des mondes

La lumière brillera au sein des ténèbres

En 1951, le pape Pie XII prononce un discours à l’Académie pontificale des sciences au titre éloquent : « Les preuves de l’existence de Dieu à la lumière de la science actuelle de la nature ». Le Pape déclare que les dernières découvertes de la physique sont conformes avec les textes de la Genèse, le livre de la Bible qui relate la création du monde par Dieu. Il évoque les atomes, les nébuleuses, la Terre et donc le Big Bang, qu’il compare au Fiat Lux initial :

Il semble en vérité, que la science d’aujourd’hui, remontant d’un trait des millions de siècles, ait réussi à se faire le témoin de ce Fiat lux initial, de cet instant où surgit du néant, avec la matière, un océan de lumière et de radiations, tandis que les particules des éléments chimiques se séparaient et s’assemblaient en millions de galaxies.

Le Pape rappelle ensuite que la position des scientifiques sur ce point a beaucoup évolué, que l’idée d’une origine de l’Univers était impensable quelques années auparavant. Bon, globalement, l’idée est la suivante : s’il y a une création, il y a un créateur – Dieu.

Dans un manuscrit intitulé Univers et Atome, Lemaître s’exprimera sur cette affaire :

Au sujet de l’attitude du Souverain Pontife, il est clair qu’elle se situe sur le terrain qui lui est propre et qu’elle n’a aucune relation avec les théories d’Eddington ou les miennes. Mon nom n’est d’ailleurs pas cité dans ce discours.

Il semblerait même qu’il soit intervenu directement auprès du Pape avant son intervention… Lui qui expliquait en effet vouloir séparer science et foi risquait en effet de voir sa théorie de l’Atome primitif être discréditée complètement si d’aventure elle était reprise par le Souverain Pontife en personne…

Stephen Hawking aura rencontré trois papes : Jean-Paul II, Benoît XVI et François.

Pie XII n’est pas le seul pape à avoir évoqué le Big Bang. Une anecdote rapportée par Etienne Klein dans son livre Discours sur l’origine de l’univers raconte que le Pape Jean-Paul II aurait déclaré au physicien britannique Stephen Hawking :

Ce qu’il y a après le big bang c’est pour vous, et ce qu’il y a avant, c’est pour nous !

Son successeur, Benoît XVI, évoquait en 2011 les faiblesses de la théorie du Big Bang, sans toutefois la nommer directement…

Plus récemment, le Pape François déclarait même :

Le Big Bang, considéré aujourd’hui comme l’origine du monde, ne contredit pas l’intervention créatrice de Dieu, au contraire, il la requiert.

Rapportant à l’époque ces propos, des articles précisaient que la théorie du Big Bang avait de toute façon été conçue par un prêtre, George Lemaître. C’est faux : elle a été conçue par un scientifique, George Lemaître.

L’article Le jour où le Pape reconnut le Big Bang est apparu en premier sur Dans la Lune.

]]>
/2018/06/20/le-jour-ou-le-pape-reconnut-le-big-bang/feed/ 5 1727
Stephen Hawking par Carl Sagan /2018/03/14/stephen-hawking-par-carl-sagan/ /2018/03/14/stephen-hawking-par-carl-sagan/#respond Wed, 14 Mar 2018 20:46:25 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=1578 En 1988, Stephen Hawking publie Une brève histoire du temps, premier d’une longue série d’ouvrages de vulgarisation. C’est un triomphe. L’introduction du livre est signée par le scientifique britannique Carl Sagan. La voici reproduite. Ou quand un vulgarisateur génial parle d’un vulgarisateur génial. Introduction « Nous menons notre vie quotidienne sans presque rien comprendre au […]

L’article Stephen Hawking par Carl Sagan est apparu en premier sur Dans la Lune.

]]>
En 1988, Stephen Hawking publie Une brève histoire du temps, premier d’une longue série d’ouvrages de vulgarisation. C’est un triomphe. L’introduction du livre est signée par le scientifique britannique Carl Sagan. La voici reproduite. Ou quand un vulgarisateur génial parle d’un vulgarisateur génial.

Introduction

« Nous menons notre vie quotidienne sans presque rien comprendre au monde qui est le nôtre. Nous accordons peu de pensées à  la machinerie qui engendre la lumière du Soleil, rendant ainsi la vie possible, à la gravité qui nous colle à une Terre qui, autrement, nous enverrait tournoyer dans l’espace, ou aux atomes dont nous sommes faits et dont la stabilité assure notre existence. À l’exception des enfants (qui n’en savent pas assez long pour poser le s questions importantes), peu d’entre nous passent beaucoup de temps à se demander pourquoi la nature est telle qu’elle est ; d’où vient le cosmos ou s’il a toujours été là ; si le temps fera un jour machine arrière et si les effets précéderont les causes ou s’il y a des limites extrêmes à la connaissance humaine. Il y a même des enfants, et j’en ai rencontrés, qui veulent savoir à quoi ressemble un trou noir, quelle est la plus petite parcelle de matière ; pourquoi nous nous souvenons du passé et non du futur ; comment il se fait, s’il y avait un chaos au début, qu’il y ait apparemment de l’ordre aujourd’hui ; et pourquoi il y a un Univers.

Dans notre société, parents et professeurs répondent couramment à de telles questions en haussant les épaules ou en faisant référence à quelque précepte religieux vaguement rapporté. Ils se sentent mal à l’aise sur de tels sujets, parce qu’ils soulignent clairement les limites de la connaissance humaine. Mais bien de la philosophie et bien de la science sont issues de telles questions. Un nombre croissant d’adultes les posent de plus en plus volontiers et recueillent à l’occasion quelques réponses ahurissantes. À mi-chemin des atomes et des étoiles, nous étendons l’horizon de nos explorations pour embrasser à la fois l’infiniment petit et l’infiniment grand.

Au printemps 1974, environ deux ans avant que la sonde spatiale Viking ne se pose sur Mars, j’assistai à un meeting en Angleterre, organisé par la Royal Society de Londres, consacré à la question de la vie extra-terrestre. Pendant la pause-café, je remarquai qu’une réunion beaucoup plus nombreuse se tenait dans une salle voisine, où ma curiosité me fit entrer. Je compris bientôt que j’étais témoin d’un rite ancien, l’investiture de nouveaux membres de la Royal Society, l’une des plus anciennes organisations savantes de la planète. Au premier rang, un jeune homme sur une chaise roulante était en train, avec lenteur, d’inscrire son nom sur un livre qui portait sur ses premières pages la signature d’Isaac Newton. Quand enfin il eut terminé, il y eut une ovation émouvante. Stephen Hawking était une légende déjà.

Hawking est maintenant « Lucasian Professor of Mathematics » à l’Université de Cambridge, poste jadis occupé par Newton et, plus tard, par P. A. M. Dirac, deux célèbres explorateurs de l’infiniment grand et de l’infiniment petit. Il est leur digne successeur. Ainsi, le premier ouvrage de Hawking pour le non-spécialiste est plein de récompenses de toutes sortes pour le simple public. Il fournit des lueurs sur le travail intellectuel de son auteur, aussi passionnantes que son multiple contenu. Il fourmille de révélations brillantes sur les limites de la physique, de l’astronomie, de la cosmologie, et du courage.

C’est aussi un livre sur Dieu… ou peut-être sur l’absence de Dieu. Le mot Dieu emplit ces pages. Hawking s’embarque dans une recherche pour répondre à la fameuse question d’Einstein se demandant si Dieu avait le choix en créant l’univers. Hawking essaie, et il le dit explicitement, de comprendre la pensée de Dieu. Et cela rend encore plus inattendue la conclusion de cet effort, au moins jusqu’à présent : un univers sans limites dans l’espace, sans commencement ou fin dans le temps, et rien à faire pour le Créateur. »

Carl Sagan
Cornell University
Ithaca, New York

L’article Stephen Hawking par Carl Sagan est apparu en premier sur Dans la Lune.

]]>
/2018/03/14/stephen-hawking-par-carl-sagan/feed/ 0 1578
Pourquoi les mathématiques ? /2017/12/06/lincroyable-efficacite-mathematiques-1-mathematiques/ /2017/12/06/lincroyable-efficacite-mathematiques-1-mathematiques/#respond Wed, 06 Dec 2017 20:31:07 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=691 Les lois immuables de la nature sont inscrites dans un grand livre, écrit dans une langue inaccessible que l’homme cherche à comprendre. Sa première lecture, fondée sur une série de mythes, ne résista guère à l’observation raisonnable du monde. Mais bientôt les dieux se changèrent en astres, révélant ainsi quelques pages du grand livre. Le […]

L’article Pourquoi les mathématiques ? est apparu en premier sur Dans la Lune.

]]>
Les lois immuables de la nature sont inscrites dans un grand livre, écrit dans une langue inaccessible que l’homme cherche à comprendre. Sa première lecture, fondée sur une série de mythes, ne résista guère à l’observation raisonnable du monde. Mais bientôt les dieux se changèrent en astres, révélant ainsi quelques pages du grand livre. Le langage des sciences, les mathématiques, semble fournir une traduction fidèle au grand livre…

Premières lectures du monde

Même si, dans la plus haute préhistoire, très peu d’éléments permettent d’attester de l’apparition et du développement des mathématiques (les premières traces de l’utilisation d’un système de numération remontent à la civilisation sumérienne, vers le IIIe millénaire av. J.-C.), l’hypothèse la plus sérieuse suppose que leur fonction première était utilitaire.

A l’aube de l’humanité, un chasseur-cueilleur nomade accepte de prêter quelques fruits à un autre membre de sa tribu. Quatre pommes, en l’occurrence. Il lui tend donc les fruits d’une main, ainsi que quatre doigts sur l’autre main. Il attendra la même chose en retour. Compter, bien que la notion de nombre encore inconnue de ces deux hommes, est essentiel, pour troquer, se repérer, échanger.

Dans un article intitulé La déraisonnable efficacité des mathématiques, le mathématicien Richard W. Hamming met en évidence deux autres nécessités de l’homme primitif ayant mené à l’apparition des mathématiques :

  • La compréhension des relations entre cause et effet, qui mènent aux raisonnements propres aux mathématiques
  • Le goût pour l’esthétique et la décoration, inhérent notamment aux rites religieux et à la séduction du sexe opposé, qui mènent à la géométrie

Comprendre grâce aux raisonnements logiques, compter grâce aux nombres, esthétiser grâce à la géométrie.

Pythagore fut même, selon certaines sources, l’inventeur des mots « mathématiques » et « philosophie. »

Le célèbre philosophe grec Pythagore fut le premier à lier deux domaines jusque-là éloignés : les mathématiques et la géométrie, en accouplant le nombre et la forme. Pythagore considère le nombre comme l’essence-même du monde. Pour lui, tout est nombre. Il est d’ailleurs également le premier à déceler l’étrange correspondance entre le nombre et la nature.

La science grecque fut portée à un très haut niveau, d’abord grâce à Pythagore, puis Platon, Eudoxe, Hipparque et d’autres sages. Elle est résumée dans un livre, celui de l’astronome grec Claude Ptolémée, L’Almageste. Ecrit au Ier siècle de notre ère, il présente une théorie géométrique expliquant les mouvements des astres dans le ciel nocturne. Les mathématiques fonctionnent éternellement : il est possible de calculer la position de Mars cette nuit en utilisant les travaux de Ptolémée, qui datent tout de même de près de deux mille ans !

Changement de paradigme

Il faut attendre la Renaissance pour que surgissent à nouveau les questionnement sur la troublante correspondance entre la nature et les mathématiques. Dans son ouvrage L’Essayeur (1623), le très grand savant italien Galilée écrit :

La philosophie est écrite dans cet immense livre qui se tient toujours ouvert devant nos yeux, je veux dire l’univers, mais on ne peut le comprendre si l’on ne s’applique d’abord à en comprendre la langue et à connaitre les caractères dans lesquels il est écrit. Il est écrit en langue mathématique, et ses caractères sont des triangles, des cercles et autres figures géométriques, sans le moyen desquels il est humainement impossible d’en comprendre un mot.

Newton par Godfrey Kneller.

Galilée est le premier à utiliser le calcul mathématique pour décrire le fonctionnement de la nature. C’est une révolution qui sera poursuivie notamment par Johannes Kepler (qui découvre les orbites elliptiques des planètes autour du Soleil) et surtout Isaac Newton, l’un des plus grands esprits de l’histoire de l’humanité, et dont la théorie de la gravitation, qui explique comment les corps massifs s’attirent entre eux, demeure un des exemples les plus parlants de la fascinante efficacité des mathématiques. A partir d’un postulat simple : c’est la même force qui régit une pierre que l’on lance sur Terre et le mouvement de la Lune autour de la Terre, Newton en déduit une loi universelle, applicable partout dans l’Univers.

Si la théorie de la gravitation de Newton repose sur des calculs mathématiques, elle est en revanche encore en lien avec l’expérience. De l’expérience, le savant en déduit une loi basée sur les mathématiques.

Aujourd’hui, il en va autrement. Parfois, l’outil mathématique, le calcul, devance l’expérience. En août 1846, l’astronome Le Verrier prédit par le calcul l’existence d’un objet céleste, en l’occurrence la planète Neptune, en remarquant des irrégularités dans l’orbite d’Uranus. Un mois plus tard, sa découverte est confirmée par l’observation.

Neptune et sa lune Triton, immortalisées par la sonde Voyager 2 de la NASA.

Les exemples similaires démontrant l’efficacité prédictive des mathématiques sont nombreux, et notamment dans le domaine de l’infiniment petit :

En cosmologie, l’histoire se répète : depuis quelques années, certains chercheurs proposent l’existence d’une planète située au-delà de Neptune pour expliquer l’étrange orbite de plusieurs objets transneptuniens. Seul le futur télescope spatial James Webb de la NASA (qui sera lancé en 2018) pourrait être en mesure de fournir une image de cette hypothétique planète.

Une vue d’artiste de cette fameuse neuvième planète.

Encore plus étonnant : certains concepts mathématiques, oubliés un temps car considérés comme des erreurs ou de simples jeux d’esprit et donc sans applications concrètes, refont surface après parfois plusieurs décennies. Dans un article consacré à la question de savoir si les mathématiques ont été découvertes ou inventées (question sur laquelle nous reviendrons), l’astrophysicien israélien Mario Livio évoque deux concepts :

  • Les nœuds mathématiques, imaginés par Lord Kelvin dans les années 1860 pour décrire le fonctionnement des atomes, bientôt réfutés et vus comme une branche ésotérique, dénués d’applications pratiques, et pourtant utilisés aujourd’hui dans la théorie des cordes et la gravitation quantique à boucles
  • Les géométries non-euclidiennes de Bernhard Riemann, conçues en 1854 et réutilisées par Einstein pour construire sa théorie de la Relativité Générale plus d’un demi-siècle plus tard !

Einstein, d’ailleurs, s’est lui aussi interrogé sur cette formidable efficacité des outils mathématiques :

Comment se fait-il que les mathématiques, qui sont un produit de la pensée humaine et sont indépendantes de toute expérience, puissent s’adapter d’une façon si admirable aux objets de la réalité ?

Lire la nature

Voilà donc trois qualités étonnantes des mathématiques : elles sont efficaces, prédictives, et durables.

  • Efficaces en ce qu’elles décrivent le monde avec précision et exactitude
  • Prédictives en ce qu’elles permettent d’en déduire d’autres informations sur la nature
  • Durables en ce que le temps ne les rend pas obsolètes

Si d’aventure un concept mathématique ne répond pas à ces trois caractéristiques, soit il est erroné, soit il est trop précurseur. Dans le premier cas il sera vite remplacé par un modèle plus précis, dans le second cas il révélera plus tard son efficacité. Nous avons déjà évoqué les nœuds mathématiques, voici un autre exemple : après avoir découvert Neptune, Le Verrier pense réitérer son exploit. En observant l’orbite de Mercure, il note d’étranges irrégularités, qu’il attribue à une planète qui serait située tout près du Soleil, et qu’il appelle Vulcain. Or il se trompe, Vulcain n’existe évidemment pas. Le Verrier ne connaît tout simplement pas encore la théorie qui permet d’expliquer ces irrégularités : elle s’appelle Relativité générale et sera mise au point par Einstein en 1915.

Efficaces, prédictives et durables. Quelle place accorder aux mathématiques dans notre définition du réel ? Doit-on considérer qu’elles ont été découvertes ou bien inventées par l’homme ? C’est là une toute autre question…

L’article Pourquoi les mathématiques ? est apparu en premier sur Dans la Lune.

]]>
/2017/12/06/lincroyable-efficacite-mathematiques-1-mathematiques/feed/ 0 691
Et l’homme découvrit une exoplanète /2017/09/02/lhomme-decouvrit-exoplanete/ /2017/09/02/lhomme-decouvrit-exoplanete/#comments Sat, 02 Sep 2017 07:48:44 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=778 L’intuition de l’homme le pressentait, la science le confirma en 1995 : autour des étoiles de notre ciel tournent d’autres planètes. Notre Système solaire n’avait dès lors plus rien d’unique, et notre place rien de centrale dans le cosmos – s’il y avait encore besoin de le préciser. Retour sur une découverte historique. Horizons cosmologiques L’histoire […]

L’article Et l’homme découvrit une exoplanète est apparu en premier sur Dans la Lune.

]]>
L’intuition de l’homme le pressentait, la science le confirma en 1995 : autour des étoiles de notre ciel tournent d’autres planètes. Notre Système solaire n’avait dès lors plus rien d’unique, et notre place rien de centrale dans le cosmos – s’il y avait encore besoin de le préciser. Retour sur une découverte historique.

Horizons cosmologiques

L’histoire de l’astronomie n’est qu’une éternelle redéfinition de la place de l’homme au sein de l’Univers. Nos horizons se sont pour ainsi dire constamment éloignés. Depuis l’homme qui, un jour, a trouvé un morceau de terre au-delà de la mer qu’il croyait infinie, jusqu’à la découverte des milliards d’autres galaxies qui nous entourent, en passant par la fameuse révolution copernicienne. Ainsi va le désir d’exploration de l’homme , qui le pousse à quitter le doux confort utérin pour se confronter aux dangers du monde extérieur. Au risque d’abimer son ego, de comprendre qu’il n’est qu’un homme parmi tant d’autres, sur une planète parmi tant d’autres, dans une galaxie parmi tant d’autres, et peut-être même, selon les hypothèses les plus audacieuses, au sein d’un univers parmi tant d’autres.

Curieusement, jusqu’en 1995, alors que depuis soixante ans l’homme connaissait l’existence d’autres galaxies et que le télescope spatial Hubble commençait à scruter le ciel, aucun scientifique ne pouvait affirmer avec certitude que des planètes tournaient autour d’autres étoiles que notre Soleil. Comment donc ? Bien sûr, certains penseurs l’affirmaient depuis longtemps. Lucrèce, déjà, au Ier siècle après Jésus-Christ, affirmait que d’autres terres existaient au sein de notre univers infini. Quinze siècles plus tard, Giordano Bruno fut brûlé pour avoir défendu l’idée de la pluralité des mondes :

Il est donc d’innombrables soleils et un nombre infini de terres tournant autour de ces soleils.

Giordano Bruno fut envoyé sur le bûcher pour avoir osé imaginer l’infini. Une image tirée de la série documentaire Cosmos.

L’intuition avait amené l’homme à supposer que les étoiles du ciel ne devaient guère différer de notre Soleil, et que par conséquent des planètes devaient y orbiter, cependant leur observation est pendant longtemps restée impossible. Pourquoi ? Car les exoplanètes sont des objets situés à des distances très lointaines, que leur taille est réduite et qu’elles renvoient peu de lumière : les observateurs sont éblouis par la lumière de l’étoile autour de laquelle elles orbitent. C’est la raison pour laquelle l’imagerie directe reste encore aujourd’hui  très rare, et qu’il faut souvent recourir à d’autres méthodes pour « deviner » la présence d’une planète autour d’une étoile.

Proto-découvertes

L’histoire ne retient que l’essentiel : la première exoplanète, dit-on, fut découverte en 1995. La réalité est plus subtile : la première exoplanète orbitant autour d’une étoile sur la séquence principale (donc similaire à notre Soleil) fut découverte en 1995. D’autres exoplanètes furent pourtant bien découvertes auparavant, parmi lesquelles :

  • Gamma Cephei Ab : elle fut détectée dès 1988 mais des travaux remirent son existence en doute en 1992 ; son existence ne fut définitivement confirmée qu’en 2002
  • HD 114762 b : détectée dès 1989, elle fut identifiée comme étant une naine brune
  • PSR B1257+12 : sous ce nom peu poétique se cache un pulsar autour duquel orbitent plusieurs planètes découvertes par l’astronome polonais Alexander Wolszczan en 1992

Mais l’histoire a retenu d’autres noms.

La Terre n’est plus seule

Le 6 octobre 1995, à 15 heures et 30 minutes, Michel Mayor de l’observatoire de Genève et son étudiant Didier Queloz révèlent au monde leur découverte : une planète située dans une autre système solaire, à 51 années-lumière de la Terre. Elle orbite autour de l’étoile 51 Pegasi, une naine jaune similaire à notre Soleil. Elle est appelée 51 Pegasi b, comme le prévoit la nomenclature – la lettre a étant réservée à l’étoile. 51 Pegasi b est une planète étonnante, qui n’a pas d’équivalent dans notre Système solaire : sa masse est d’environ 150 fois celle de la Terre, et elle effectue une révolution complète autour de son étoile en seulement 4 jours !

Comment les deux chercheurs ont-ils pu réaliser un tel exploit couvert par toute la presse internationale mais qui pourtant laisse sceptique certains de leurs confrères ?

Didier Queloz et Michel Mayor à l’Observatoire de La Silla, au Chili.

En 1993, après déjà plusieurs décennies de réflexion et de tatonnements, Michel Mayor met au point le spectrographe Elodie qui permet d’observer les variations de vitesses radiales. Il s’agit là de la toute première méthode de détection des exoplanètes : une étoile soumise à l’influence gravitationnelle de sa planète se déplace légèrement, ce qui modifie son éclat. Le spectrographe étudie le spectre de la lumière émise par l’étoile et y révèle la planète.

A la fin 94, Mayor et Queloz repèrent l’exoplanète qui les rendra célèbres, mais ils préfèrent poursuivre leurs observations, sceptiques devant les caractéristiques étranges de l’objet. En juillet 95, ils n’ont plus de doute. Il est temps d’annoncer au monde que les 9 planètes du Système solaire ne sont plus seules dans le cosmos.

Dans un article consacré aux vingt ans de cette découverte historique, Mayor se souvient :

Nous avons alors été pris dans un tourbillon médiatique, auquel nous n’étions pas préparés. Je pensais que cela passerait après quelques mois. Mais non. Ça continue encore aujourd’hui !

En novembre 1995, les deux chercheurs publient un article dans Nature intitulé A Jupiter-mass companion to a solar-type star, qui se conclut ainsi :

La recherche d’exoplanètes peut être incroyablement riche en surprises. Depuis un système solaire complet détecté autour d’un pulsar, jusqu’aux paramètres orbitaux inattendus de 51 Peg b, les recherches comment à révéler l’extraordinaire diversité des sites de formation planétaires.

En 2015, 51 Pegasi b fait à nouveau parler d’elle : elle est la première exoplanète dont on a détecté directement la lumière. Michel Mayor, lui, poursuit sa quête : il dirige en 2007 l’équipe d’astronomes qui découvre Gliese 581c, première exoplanète connue aux caractéristiques similaires à celles de notre planète.

A ce jour, plus de 3500 exoplanètes ont été découvertes. Il y en aurait plus de 200 milliards rien que dans notre galaxie, la Voie Lactée.

L’article Et l’homme découvrit une exoplanète est apparu en premier sur Dans la Lune.

]]>
/2017/09/02/lhomme-decouvrit-exoplanete/feed/ 1 778
Missions Viking : Life on Mars ? /2017/05/02/missions-viking-life-on-mars/ /2017/05/02/missions-viking-life-on-mars/#respond Tue, 02 May 2017 13:29:43 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=675 Mars, d’apparence stérile, demeure malgré tout l’éternel refuge – avec certaines lunes de Saturne et Jupiter – de ceux qui rêvent à la possibilité d’une vie extraterrestre au sein du Système Solaire. Dans les années 70 les missions Viking proposaient, au travers de plusieurs expérience, de détecter les traces éventuelles d’une vie microscopique. Sans succès. […]

L’article Missions Viking : Life on Mars ? est apparu en premier sur Dans la Lune.

]]>
Mars, d’apparence stérile, demeure malgré tout l’éternel refuge – avec certaines lunes de Saturne et Jupiter – de ceux qui rêvent à la possibilité d’une vie extraterrestre au sein du Système Solaire. Dans les années 70 les missions Viking proposaient, au travers de plusieurs expérience, de détecter les traces éventuelles d’une vie microscopique. Sans succès. Vraiment ? Une hypothèse controversée, défendue par quelques chercheurs, prétend pourtant le contraire.

En quête de vie

Dans la quête fascinante de la vie extraterrestre, Mars a toujours gardé une place particulière. Parce qu’elle est, après Vénus, notre plus proche voisine. Parce qu’elle alimente depuis toujours les récits de science-fiction. Parce que l’histoire scientifique regorge de théories et d’espoirs déçus sur ses Martiens, parmi lesquels :

  • La prétendue présence de canaux, au XIXe siècle, système complexes chargés d’emmener l’eau des pôles vers les régions équatoriales, et qui n’étaient en réalité qu’un effet d’optique
  • L’annonce en grande pompe en 1996 de la découverte de marqueurs biologiques sur un fragment de météorite d’origine martienne, ALH 84001, sujette à de très nombreuses controverses
  • La présence de bactéries qui vivraient sous la couche glaciaire du pôle sud et seraient responsables des fameuses dark dune spots, de mystérieuses tâches sombres

Une carte des fameux canaux de Mars.

Aujourd’hui, c’est entendu, aucune civilisation intelligente n’habite sur Mars. Mais qu’en est-il d’éventuelles formes de vie primitives ? Nul ne saurait apporter une réponse définitive. C’est d’ailleurs en partie pour cette raison que la planète rouge accapare une grande partie des budgets dédiés à l’exploration spatiale (en particulier ceux de la NASA), au détriment de Mercure ou de Vénus, jugées définitivement inhospitalières.

Ainsi, depuis les années 60, une vingtaine d’objets humains se sont approchés avec succès de Mars (sur, tout de même, plus de cinquante essais !), dont 3 atterrisseurs et 5 rovers. Certaines missions pionnières sont entrées dans l’histoire, au risque parfois de décevoir les ardeurs terrestres. Ainsi, Mariner 4, en 1964, dévoile un monde aride, dénué de toute végétation, contrairement à ce que laissaient entendre certains chercheurs. Une décennie plus tard, deux missions particulièrement ambitieuses, Viking et Viking 2, sont chargées de cartographier Mars grâce à un orbiteur, et de poser deux atterrisseurs qui sont entre autre chargés de détecter une éventuelle forme de vie primitive.

La première image du sol de Mars prise par Viking 1, le 20 juillet 1976.

Les deux missions Viking sont un succès. Les orbiteurs photographient la quasi-intégralité de la surface de Mars, tandis que les atterrisseurs étudient notamment la composition atmosphérique. Mars dévoile peu à peu ses mystères. Et la vie ? La communauté scientifique retient d’abord son souffle : les résultats semblent positifs. Avant d’être démentis par une seconde expérience.

Mais selon une hypothèse controversée, les résultats de ces expérience seraient à revoir, notamment à l’aune de nos connaissances actuelles de la planète rouge.

L’expérience de la vie

Labeled Release. C’est donc le nom de ces fameuses expériences. En quoi consistent-t-elles ? En fait, les deux atterrisseurs ont chacun collecté un échantillon du sol martien, dans lequel ils ont injecté une solution aqueuse contenant divers nutriments. L’action d’éventuels micro-organismes, en métabolisant ces nutriments, pourrait produire des émissions de méthane ou de dioxyde de carbone.

Le premier échantillon fut collecté à l’air libre, et le second sous un caillou, à près de 6 500 kilomètres de distance. Les deux résultats sont positifs : du dioxyde de carbone radioactif est repéré, ce qui serait une preuve de la métabolisation des nutriments. C’est une surprise, d’autant plus qu’une expérience précédente, appelée GC-MS (chromatographie en phase gazeuse-spectrométrie de masse en français) et chargée de détecter et d’identifier les différents composants du sol martien, n’a repéré aucune molécule organique.

L’expérience Labeled Release est donc réitérée une semaine plus tard, sans donner de résultats concluants. Pour la majorité des chercheurs, un biais a faussé les premiers résultats. L’une des hypothèses en vigueur explique que le sol de Mars étant continuellement exposé aux rayons ultraviolets du Soleil (car elle n’est pas protégée, comme la Terre, par une couche d’ozone), elle est recouverte d’une fine couche oxydante. Au contact des nutriments, cette couche aurait dégagé un peu de dioxyde de carbone. Purement chimique, et nullement biologique, donc.

Par ailleurs, en août 2008, le rover Phoenix de la NASA a découvert dans le sol martien du perchlorate, un oxydant. Une expérience réalisée en 2013 en irradiant de rayons gamma des perchlorates a permis de reproduire les résultats positifs de l’expérience Labeled Release.

La dune de sable de Dingo Gap, photographiée par le rover Curiosity.

Tout porte donc à croire à un faux positif. La communauté scientifique est presque unanime : non, les missions Viking n’ont pas détecté de vie. Presque, car cette conclusion est critiquée par une minorité de chercheurs qui explique que oui, nous avons bien découvert de la vie sur Mars il y a de cela près de quarante ans.

Les grandes connaissances engendrent les grands doutes

Gilbert Levin et Patricia Ann Straat font partie des têtes pensantes derrière les expériences Labeled Released (LR). En 1997, ils expliquent leur point de vue dans un livre du scientifique américain Barry E. DiGregorio, Mars : The Living Planet. Ils pensent avoir découvert une vie extraterrestre. Ne faut-il y voir que la déception puis l’acharnement de ceux qui ont cru un instant être entrés dans l’histoire ? N’est-ce que le déni d’un homme et d’une femme trop obstinés ? Non pas, car c’est seulement en 1997 qu’ils sont parvenus à cette conclusion, après avoir longtemps cru la théorie officielle. Le débat est alors relancé.

En 2012, une équipe de chercheurs menée par le biologiste italien Giorgio Bianciardi publie une étude sur les résultats des missions Viking (en collaboration avec Gilbert Levin), issue de plusieurs années de travaux d’analyse. Le modèle mathématique développé par Bianciardi est en mesure de distinguer un événement physico-chimique d’un processus de métabolisation. Et la conclusion de leurs travaux est éloquente :

Nous croyons que ces résultats apportent un soutien considérable à la conclusion que les expériences LR ont effectivement détecté une vie microbienne existante sur Mars.

Après les missions Viking, l’intérêt que portent les agences spatiales à Mars a largement décru. La guerre spatiale que se livrent les Etats-Unis et l’Union Soviétique s’oriente vers d’autres intérêts, avec des objectifs moins risqués et moins coûteux. Et puis, à quoi bon axer toute la recherche sur un monde stérile et désolé ?

Grâce aux nombreuses missions qui ont suivies le retour en grâce de Mars depuis les années 2000, notre connaissance de la planète rouge s’est affinée. Et les découvertes récentes n’infirment pas la possibilité d’une vie passée et même présente (il faut le dire, certes, avec beaucoup d’optimisme). En 2004, des traces de méthane ont été détectées dans l’atmosphère martienne. Composé organique, le méthane  est sur Terre produit à 90% par des organismes vivants. La durée de vie de ce gaz étant en outre comprise entre 300 à 600 ans, il a donc été produit récemment et n’est pas issu d’une source d’activité ancienne. Par quoi ? C’est la question. Différentes hypothèses ont été proposées, elles seront étudiées plus en détail lors de la mission ExoMars de l’Agence Spatiale Européenne (composée d’un orbiteur lancé en 2016, de l’atterrisseur Schiaparelli qui s’est écrasé suite à une faille dans sa procédure de freinage, et d’un rover prévu pour 2020). La plus enthousiasmante évoque des organismes extrêmophiles, similaires à ceux que l’on retrouve sur Terre, qui seraient apparus lorsque les conditions martiennes étaient plus favorables à l’émergence et au développement de la vie, et auraient survécu depuis.

Dans le film de science-fiction Life, une équipe d’astronautes ramène à la vie une cellule d’origine martienne.

C’est au regard de ces découvertes que Gilbert Levin et Patricia Ann Straat sont revenus à nouveau sur les expériences LR dans un article publié par la revue Astrobiology en 2016. Leur point de vue n’a évidemment pas changé, bien au contraire. D’après eux, la science a prouvé que l’environnement que l’on croyait autrefois si hostile de Mars n’est pas formellement incompatible avec la vie telle qu’on la connaît.

Dans tous les cas, Levin et Straat préviennent : il est nécessaire de porter une attention particulière au problème de la contamination terrestre sur Mars. Les sondes qui s’y posent doivent être stérilisées avec soin, pour éviter d’y emmener des bactéries venues de notre planète qui pourraient fausser les résultats de futures expériences et menacer une éventuelle vie martienne. Les contraintes du sol martien sont peu propices à leur survie, mais la prudence doit malgré tout rester de mise. Il en va de même pour les futures hommes qui y poseront le pied, dans l’intérêt de leur santé et de leur sécurité.

Parce qu’elles sont issues d’une mission pionnière, et parce qu’un soin particulier a été accordé à la stérilisation des atterrisseurs, les données des expériences LR sont et demeureront à jamais les seules données brutes et dénuées de tout risque de contamination.

La vie extraterrestre : un sujet autrefois cantonné à la science-fiction, et moteur aujourd’hui de plusieurs missions d’exploration spatiale. Si d’aventure Mars, notre voisine, est peuplée d’organismes microscopiques, alors il faudra en prendre la mesure : l’Univers foisonne probablement de vie.

L’article Missions Viking : Life on Mars ? est apparu en premier sur Dans la Lune.

]]>
/2017/05/02/missions-viking-life-on-mars/feed/ 0 675
Giordano Bruno – 3 – Le bûcher de l’immortalité /2016/12/20/giordano-bruno-3-bucher-de-limmortalite/ /2016/12/20/giordano-bruno-3-bucher-de-limmortalite/#comments Tue, 20 Dec 2016 18:51:36 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=558 Il fut une époque où oser se tourner vers le ciel pour y contempler l’infini était considéré comme un crime passible de mort… Les bourreaux de Giordano Bruno auront échoué dans leur tentative de brûler l’homme pour étouffer ses idées. Quatre siècles plus tard, la pensée de cet éternel martyr de la science infuse encore […]

L’article Giordano Bruno – 3 – Le bûcher de l’immortalité est apparu en premier sur Dans la Lune.

]]>
Il fut une époque où oser se tourner vers le ciel pour y contempler l’infini était considéré comme un crime passible de mort… Les bourreaux de Giordano Bruno auront échoué dans leur tentative de brûler l’homme pour étouffer ses idées. Quatre siècles plus tard, la pensée de cet éternel martyr de la science infuse encore parmi l’esprit des hommes.

1 – Éloge de l’errance
2 – Prophète de l’infini
3 – Le bûcher de l’immortalité

Retour au pays des vertes années

Petit rappel : en 1591, après des années d’errance à travers l’Europe, Giordano Bruno – dit « le Nolain » (parce qu’il est originaire de la ville de Nola) – accepte l’invitation d’un jeune noble, Giovanni Francesco Mocenigo, à se rendre en Italie, à Venise, pour lui inculquer les secrets de sa formidable science de la mémoire. L’Italie… Bruno n’a pas revu sa terre natale depuis 1578. Il sait combien elle est dangereuse, et met plusieurs mois avant de se décider. Au-delà d’un retour nostalgique, c’est sans doute l’illusion de pouvoir vivre et enseigner sans subir de persécutions dans une république vénitienne relativement libre qui lui force le pas.

En 1591, Bruno arrive donc à Venise, à l’âge de quarante-trois ans, épuisé après deux décennies d’errance.

Le Grand Canal à Venise, huile sur toile de Canaletto (1726-1727)
Le Grand Canal à Venise, huile sur toile de Canaletto (1726-1727)

Il se rend bientôt à Padoue, où il enseigne durant quelques mois à l’Université, en espérant sans doute obtenir la chaire de mathématiques. En mars 1592, il retourne à Venise, auprès de Mocenigo, pour y dispenser comme convenu sa science de la mémoire. Le 21 mai, Bruno informe Mocenigo qu’il souhaite se rendre à Francfort pour y faire imprimer des œuvres ; Mocenigo refuse et le séquestre, pensant que ce voyage n’est qu’un prétexte pour abandonner les leçons. Le 23 mai, Mocenigo dénonce Bruno à l’Inquisition, l’accusant de blasphème, et non des moindres. Il porte vingt accusions contre le philosophes, parmi lesquelles :

  • Le mépris des religions
  • La réfutation de la Trinité divine et de la transsubstantiation
  • La négation de la virginité de Marie et des punitions divines
  • La croyance dans l’éternité du monde et dans l’existence de mondes infinis
  • La pratique des arts magiques

Le soir même, Bruno est arrêté et enfermé dans les prisons de l’Inquisition vénitienne. Il se défend face à ses juges, se faisant pédagogue sur ses idées, sans jamais les renier : il confesse ainsi ne croire ni dans le géocentrisme ou l’unicité du système solaire en ce qui concerne la physique ; ni dans la Trinité ou la virginité de Marie en ce qui concerne la religion. Il nie cependant tout blasphème. Il est peut-être torturé, bien que cela ne soit pas avéré.

Comme il l’aura toujours fait durant sa vie, Bruno se défend devant l’Inquisition en se présentant comme un philosophe :

Le contenu de tous mes livres en général est philosophique et […] j’y ai toujours parlé en philosophe, suivant la lumière naturelle, sans me préoccuper de ce que la foi nous commande d’admettre.

Résistances

Le supplice d'Algieri, gravure de Jean Luyken (1685)
Le supplice d’Algieri, gravure de Jean Luyken (1685)

Devant la gravité des faits, le pape Clément VIII ordonne à l’Inquisition vénitienne que Bruno soit extradé à Rome. Quelques années plus tôt, un autre habitant de Nola fut extradé de Venise vers Rome, le luthérien Pomponio Algieri, qui fut bouilli dans une chaudière remplie d’huile, le 22 août 1556 :  il survécut quinze minutes avant de succomber. Pourtant pour Bruno, c’est une aubaine : il demande justement à parler au Pape en personne pour lui exposer ses vues. Il n’en aura pas l’occasion : il est enfermé sitôt transféré. Et pour longtemps, très longtemps. Le procès de Bruno, comme sa vie toute entière, est une longue errance, faite de suspensions, de longs moments d’interruption, de répit. Un répit pour le récit, certainement pas pour Bruno qui s’évertue à prouver son innocence. Ah ! On imagine la peine de ce philosophe, qui ne demanda jamais rien d’autre que de pouvoir étudier et enseigner en paix, obligé de débattre avec les pires des sophistes !

Un sort d’autant plus regrettable qu’il est empiré par une nouvelle dénonciation. Le cas de Giordano Bruno s’aggrave. Le frère capucin Celestino de Vérone, son codétenu à Venise, porte de graves accusations : Bruno aurait affirmé que le Christ n’est pas mort sur une croix, que tous les prophètes sont des hommes faux et menteurs ayant donc mérité leur sort, que l’Enfer n’existe pas, et tant d’autres hérésies. Plus tard, pourtant libre, Celestino de Vérone s’auto-dénoncera à l’Inquisition de Venise, sur des accusations tellement graves qu’elles furent gardées secrètes. Il mourra de la même manière et au même endroit que Bruno, sur le Campo dei Fiori à Rome, très exactement cinq mois avant le philosophe Nolain. Un autre codétenu, Francesco Graziano, de la ville d’Udine, ajoute que Bruno méprise les saintes reliques.

Bruno face à ses juges, dans la série documentaire Cosmos.
Bruno face à ses juges, dans la série documentaire Cosmos.

La déposition est envoyée à Rome : Bruno est désormais suspecté de douze nouveaux chefs d’accusation, en plus des dix premiers. Sa ligne de défense reste alors la même : en pédagogue, Bruno explique sa pensée, et nie les accusations dont il fait l’objet, qui ne sont principalement que des déformations simplistes. Érudition, rigueur, honnêteté du philosophe face à ses adversaires. En 1594, les cardinaux chargés de prononcer leur sentence décident d’examiner l’intégralité des œuvres du Nolain afin de mieux en percer le sens. Il leur faudra plus de deux ans. Errance, disions-nous.

En 1597, Bruno est à nouveau interrogé, à la suite de quoi sont émises huit censures, c’est-à-dire des contestations de ses opinions. Mais le procès est encore une fois reporté, parce que le pape Clément VIII s’absente de Rome durant près de huit mois.

Le 18 janvier 1599, finalement, la Congrégation demande à Bruno d’abjurer ces huit propositions. Il faut alors imaginer notre philosophe, reclus au fond de sa cellule, dans l’obscurité. Si son corps est enfermé, en revanche toute sa vie son esprit a conservé sa liberté. L’exil, d’abord, plutôt que la soumission. La prison, ensuite, une fois revenu au pays. Alors, faut-il abjurer, faut-il refuser de lever les yeux pour contempler les vertiges de l’infini, regarder plutôt ses pieds en courbant l’échine devant le dogme ? Bruno hésite.

Vers la postérité

Puisque l’histoire adore les duels, il faut évoquer l’adversaire de Bruno dans ce terrible procès : le cardinal Robert Bellarmin. Il serait trop simpliste de résumer l’opposition entre ces deux hommes comme un combat du savoir contre l’obscurantisme : Bellarmin est loin du stéréotype habituel de l’inquisiteur. Il converse longuement avec Bruno, cherchant à le faire revenir sur ses positions, et donc à lui sauver la vie.

Mais Bruno tergiverse :

  • Le 10 septembre, il se déclare prêt à abjurer les huit propositions
  • Le 16 septembre, il se rétracte
  • Le 21 décembre, il annonce finalement qu’il refusera toute abjuration, n’ayant rien à repentir

Le 8 février 1600, à genoux, il écoute sa sentence : la mort sur le bûcher. Il dit à ses juges :

Vous éprouvez sans doute plus de crainte à rendre cette sentence que moi à la recevoir.

Et cette phrase historique résume finalement parfaitement le combat de Bruno et son abnégation face à l’adversité. Jamais il n’aura renoncé à ses idées, contrairement à d’autres, comme le rappelle un peu sévèrement Jacques Attali, dans un article consacré au Nolain :

Un peu plus tard, Galilée, confronté à la même menace, proférée d’abord en 1616 par le même Bellarmin, puis en 1633 par son successeur, pour des thèses beaucoup moins audacieuses, se rétractera en tremblant, à genoux, marmonnant seulement entre ses dents le trop célèbre « et pourtant elle tourne », signe ultime de sa lâcheté.

Galilée devant le Saint-Office au Vatican, de Joseph-Nicolas Robert-Fleury (1847)
Galilée devant le Saint-Office au Vatican, de Joseph-Nicolas Robert-Fleury (1847)

La fin de cette histoire est si tragique qu’elle ne mérite guère plus que quelques phrases : Bruno est emmené le 17 février sur le Campo de’ Fiori, à Rome, où il meurt brûlé. Ultime geste d’insoumission, toutefois : il détourne le regard de la croix qu’on lui tend. Ses cendres sont jetées dans le Tibre, le fleuve qui traverse Rome.

L’histoire s’applique parfois à porter à la postérité ceux dont leur leurs contemporains n’ont pas voulu. Ainsi d’Erostrate, l’incendiaire du  temple d’Artémis à Éphèse, dont on n’a gardé que le seul nom, ce nom qu’il était pourtant devenu interdit de citer sous peine de mort. Et ainsi de Bruno, porté par les flammes vers l’immortalité.

Aujourd’hui, sur le Campo de’ Fiori, à Rome, une statue en bronze de Bruno encapuchonné tient un livre entre ses mains. A ses pieds, une inscription en italien précise :

A Bruno. Le siècle par lui deviné. Là où le bûcher l’a brûlé.

L'inauguration de la statue, en 1889.
L’inauguration de la statue, en 1889.

Sculptée par Ettore Ferrari, un franc-maçon italien, elle fut inaugurée en 1889. Source de nombreuses controverses, notamment de la part du Pape qui avait alors menacé de quitter Rome, elle demeura pourtant là, imperturbable. L’errance est terminée. Malgré les éternelles réticences de l’Eglise (le cardinal Poupard refusa en 2000 de réhabiliter le Nolain), Bruno est définitivement installé au firmament des savants.

L’article Giordano Bruno – 3 – Le bûcher de l’immortalité est apparu en premier sur Dans la Lune.

]]>
/2016/12/20/giordano-bruno-3-bucher-de-limmortalite/feed/ 3 558