La hard SF au cinéma
C’est un genre littéraire réputé relativement hermétique, et peu accessible aux néophytes. Pourtant, il faut se laisser tenter, car le jeu en vaut la chandelle. Et pourquoi ne pas démarrer dans le genre en visionnant son pendant cinématographique ? Suivez-nous, on va vous faire aimer le hard !
Plus c’est dur et plus c’est bon
De la hard-SF, vous dites ? On pourrait le traduire en français par la science-fiction pure et dure, sans concession, c’est-à-dire la plus rigoureuse qui soit sur le plan scientifique, au regard des connaissances en vigueur au moment où l’auteur rédige son œuvre. Souvent considérée comme ardue, voire imbitable – parfois à raison ! – elle peut exiger du lecteur un minimum de connaissances scientifiques dans le domaine qu’elle traite, et n’hésite pas à l’abreuver de détails techniques, toujours dans l’objectif d’être plausible. Evidemment, la hard-SF, puisqu’elle traite des mondes de demain, invente le futur, mais elle le fait en cherchant à être crédible : les hypothèses d’aujourd’hui deviennent les faits de demain. En étant vraisemblables, les lendemains qui y sont décrits s’éloignent du fantastique pur : la hard-SF, c’est clairement l’inverse de Star Wars !
Dans un excellent article consacré au genre, le blogueur Apophis décrit quelques-unes des caractéristiques majeures de la hard-SF :
- Elle est axée sur le sense of wonder, le sentiment de vertige et d’émerveillement devant les mystères de l’Univers
- Elle fait primer la réflexion sur le divertissement
- Elle se centre sur les idées et l’univers plutôt que sur les personnages et leurs aventures
Parmi les grands noms de la hard-SF en littérature figurent notamment Robert A. Heinlein, Greg Bear, Stephen Baxter ou encore Greg Egan. Il faut s’accrocher pour réussir à suivre certaines des nouvelles d’Egan, même si une partie du plaisir consiste aussi à accepter de lâcher prise, et de se perdre dans certains des concepts théoriques vertigineux qu’il propose. Dans La plongée de Plank, par exemple, il propose un voyage vertigineux au cœur d’un trou noir, aux frontières de la connaissance humaine.
L’esprit, qui met en route les images derrière les mots, est forcément stimulé par de tels récits. On se plaît à découvrir, couchées sur le papier, les conséquences des hypothèses les plus audacieuses d’aujourd’hui. Et on se dit que le cinéma n’a pas encore suffisamment exploré ce genre pourtant si créatif. Sans doute parce que c’est un genre de niche, et qu’il demanderait forcément d’importants budgets en effets spéciaux.
La sélection Dans la Lune
Bon, il existe tout de même bien des pépites, dont je vous propose aujourd’hui une petite sélection, évidemment non exhaustive, et purement personnelle !
Destination… Lune ! – Irving Pichel (1950)
Le pionnier du genre. La hard SF reste de la hard SF même lorsque la réalité a dépassé la fiction : dix-neuf ans avant les premiers pas de Neil Armstrong, la même année qu’Hergé, et un demi-siècle après George Méliès, Pichel traite des immense défis scientifiques et techniques à relever dans le cadre d’une mission habitée sur la Lune.
2001 : L’Odyssée de l’espace – Stanley Kubrick (1968)
Est-il encore nécessaire de le présenter ? Intelligence artificielle, exploration spatiale, vie extraterrestre, le tout à la sauce métaphysique : co-écrit par le grand romancier Arthur C. Clarke, 2001 résume à lui tout seul la science-fiction, et demeure visuellement encore époustouflant, un demi-siècle après sa sortie. Sa suite, 2010 : L’Année du premier contact (1982), évidemment moins culte, vaut toutefois le détour.
Solaris – Andreï Tarkovski (1972)
Souvent présenté comme le 2001 russe, Solaris est pourtant bien moins ésotérique, et sans doute aussi moins clinique, moins froid : ici, l’intime humain se mêle à l’infini cosmique. Attention tout de même, c’est long (2h45). Un remake pas aussi nul qu’on pourrait le croire a été réalisé par Steven Soderbergh en 2002.
Les Ailes d’Honnéamise – Hiroyuki Yamaga (1987)
Un petit bijou méconnu de l’animation japonaise ! Les efforts désespérés d’une section aérospatiale au sein de l’armée d’un monde parallèle mais fort semblable au nôtre, qui cherche à rejoindre les étoiles… Hard SF ? En tout cas un soin très particulier pour rendre crédibles les technologies utilisées.
Contact – Robert Zemeckis (1997)
Cette adaptation d’un roman du scientifique britannique Carl Sagan propose une vision émouvante et merveilleuse de la hard-SF en suivant la quête d’une chercheuse du SETI à la découverte de la première civilisation extraterrestre, suite à la réception d’un étrange signal radio. L’intro à elle seule est un petit chef-d’œuvre.
Primer – Shane Carruth (2004)
Honnêtement, c’est un délire, il faut accrocher. Cette toute petite production indépendante, sans effets spéciaux ou presque, propose un scénario d’une complexité hallucinante autour du voyage dans le temps, ses conséquences et ses paradoxes insolubles. Prévoyez des dolipranes, juste au cas où.
Moon – Duncan Jones (2009)
Le premier et très prometteur film de Duncan Jones, le fils de David Bowie qui n’aime peut-être pas qu’on le rappelle constamment et qui n’a depuis pas fait grand-chose, suit les aventures d’un homme vivant seul sur une station lunaire chargée d’extraire des ressources énergétiques nécessaires à la Terre. Un film sobre, beau, et tout en non-dits.
Europa Report – Sebastián Cordero (2013)
Souvent oublié, ce film sympathique raconte la première expédition habitée vers la fascinante lune de Jupiter, Europe, afin d’y chercher une éventuelle vie extraterrestre. La scène de descente vers la surface est magistrale !
Interstellar – Christopher Nolan (2014)
Produit par le physicien américain Kip Thorne, Interstellar mélange de la pure hard-SF à une histoire intime entre un père et sa fille, aux prises avec les effets étranges de la Relativité générale. Avec en guest star un sublime trou noir, qui n’aura jamais été aussi bien représenté au cinéma.
Coherence – James Ward Byrkit (2014)
La hard-SF s’invite à la maison : dans ce huis-clos à tout petit budget dont les dialogues sont largement improvisés, des amis qui se retrouvent lors d’un dîner doivent faire face aux étranges effets du passage d’une comète à proximité de la Terre. Au menu : mécanique quantique et multivers…
Seul sur Mars – Ridley Scott (2015)
Encore l’adaptation d’un roman, en l’occurrence écrit par Andy Weir. Un bel éloge à l’ingénierie, aux techniques, à l’inventivité de l’homme, à la science en général. Et qui donne furieusement envie d’aller enfin poser le pied sur Mars, fût-ce pour y rester coincé !
Premier Contact – Denis Villeneuve (2016)
Là encore, il s’agit d’une adaptation, cette fois d’une nouvelle de Ted Chiang, L’Histoire de ta vie, issue du recueil La Tour de Babylone. Synopsis : d’étranges vaisseaux extraterrestres se posent sur Terre. Gentils, belliqueux ? Pour le déterminer, il va bien falloir tenter de communiquer. Un surprenant mélange de linguistique et de SF.
Bonjour,
Je ne connaissais pas la dénomination hard SF. Comme vous le décrivez cela ressemble beaucoup à de l’anticipation. Quelle différence faites-vous ?
Vous savez, certains considèrent que l’anticipation n’est même pas de la science-fiction. L’anticipation concerne généralement un futur relativement proche et crédible. Anticiper demain en considérant les enjeux et problématiques d’aujourd’hui (au niveau écologique, politique, social). Elle n’intègre pas forcément de technologies, ni même de sciences en particulier.
La hard-SF anticipe les technologies de demain à partir des hypothèses d’aujourd’hui, avec un niveau de détail très poussé (ce qui n’est pas le cas non plus de l’anticipation). Elle peut très bien se passer dans un futur très lointain, ou dans une autre galaxie…
A lire pour compléter : https://www.humanafterhal.com/differences-science-fiction-anticipation/