{"id":2427,"date":"2021-09-12T10:09:03","date_gmt":"2021-09-12T09:09:03","guid":{"rendered":"http:\/\/dans-la-lune.fr\/?p=2427"},"modified":"2021-09-12T10:11:06","modified_gmt":"2021-09-12T09:11:06","slug":"la-nuit-du-faune-romain-lucazeau","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/dans-la-lune.fr\/2021\/09\/12\/la-nuit-du-faune-romain-lucazeau\/","title":{"rendered":"La Nuit du Faune – Romain Lucazeau"},"content":{"rendered":"\n
Prudence : cet article r\u00e9v\u00e8le quelques \u00e9l\u00e9ments importants de l’intrigue.<\/span><\/strong><\/p>\n\n\n\n Le nouveau roman de Romain Lucazeau, <\/em>La Nuit du Faune, a le potentiel de pouvoir emmener un public n\u00e9ophyte vers un genre souvent consid\u00e9r\u00e9 comme particuli\u00e8rement ardu \u2013 la hard-SF. Relativement court \u2013 250 pages \u2013 il se pare des jolis atours du conte pour emmener son lecteur vers un voyager vertigineux jusqu\u2019aux confins du cosmos. On le pressentait avec <\/em>Latium, son pr\u00e9c\u00e9dent roman, on en a d\u00e9sormais la confirmation : Lucazeau est un grand auteur de SF, ou plut\u00f4t un grand auteur tout court.<\/em><\/p>\n\n\n\n Le Sense of wonder \u00e0 la port\u00e9e de tous<\/strong><\/p>\n\n\n\n La Nuit du Faune d\u00e9marre comme un mythe universel, comme le chant d\u2019un a\u00e8de, comme un vieux conte qui se transmet aupr\u00e8s de l\u2019\u00e2tre, de grands-m\u00e8res en petits enfants. Apr\u00e8s un voyage \u00e9reintant, un faune rencontre une petite fille au sommet d\u2019une montagne l\u00e9gendaire, dans un endroit longtemps jug\u00e9 inaccessible. Elle semble \u00eatre l\u00e0 depuis longtemps, tr\u00e8s longtemps, trop longtemps sans doute, et pourtant apr\u00e8s ses r\u00e9serves initiales elle l\u2019accueille chaleureusement et lui propose un surprenant voyage qui l\u2019am\u00e8nera loin, tr\u00e8s loin, bien au-del\u00e0 des limites du monde connu par le faune et ses cong\u00e9n\u00e8res.<\/p>\n\n\n\n Le lecteur comprendra bien vite que la petite fille en question, appel\u00e9e Astr\u00e9e, est en fait la derni\u00e8re survivante d\u2019une civilisation post-humaine, devenue compl\u00e8tement transhumaniste, que sa montagne est une machine complexe destin\u00e9e \u00e0 la prot\u00e9ger, et que le faune qu\u2019elle surnommera Pol\u00e9mas est issu d\u2019une esp\u00e8ce qui a peupl\u00e9 la Terre bien apr\u00e8s la disparition de l\u2019homme.<\/p>\n\n\n\n C\u2019est l\u00e0 tout le brio du nouveau roman de Romain Lucazeau : se montrer tr\u00e8s accessible, prendre doucement le lecteur par la main en lui rappelant des r\u00e9cits universels pour l\u2019emmener progressivement vers des contr\u00e9es nettement moins famili\u00e8res, \u00e0 travers un genre souvent consid\u00e9r\u00e9 comme particuli\u00e8rement ardu : la hard SF. Faut-il poss\u00e9der un doctorat en physique pour lire du Greg Egan<\/a> ? Sans doute pas, encore que cela doit aider, mais il est vrai que la hard SF, qui recherche \u00e0 tout prix la cr\u00e9dibilit\u00e9 scientifique en collant au plus pr\u00e8s aux th\u00e9ories et hypoth\u00e8ses en vigueur, est un genre relativement obscur, peu accessible aux n\u00e9ophytes. Ce qui est dommage puisqu\u2019il est particuli\u00e8rement g\u00e9n\u00e9rateur de sense of wonder<\/em>, ce sentiment d\u2019\u00e9merveillement propre \u00e0 la science-fiction. Avec La Nuit du Faune<\/em>, Romain Lucazeau offre enfin aux profanes l\u2019occasion de go\u00fbter aux vertiges procur\u00e9s par la hard SF.<\/p>\n\n\n\n Un avant-go\u00fbt de l\u2019infini<\/strong><\/p>\n\n\n\n Le vertige du cosmos, c\u2019est le vertige du temps autant que de l\u2019espace. Les distances spatiales sont ce qu\u2019elles sont, immens\u00e9ment grandes, d\u00e9routantes, frustrantes parfois \u00e0 bien des \u00e9gards, effrayantes peut-\u00eatre\u2026 Autant de qualificatifs qui s\u2019appliquent aussi aux distances temporelles, difficilement appr\u00e9hendables par la conscience humaine, fa\u00e7onn\u00e9e par son intuition et son exp\u00e9rience tout au long d\u2019une vie qui ne durera gu\u00e8re plus d\u2019un si\u00e8cle. Un million d\u2019ann\u00e9es, c\u2019est autre chose qu\u2019un si\u00e8cle, chacun en conviendra. Un milliard, n\u2019en parlons m\u00eame pas. A l\u2019aide de m\u00e9taphores \u00e9l\u00e9gantes, et gr\u00e2ce \u00e0 une \u00e9criture qui se rapproche parfois de la po\u00e9sie en prose, Romain Lucazeau d\u00e9marre ce voyage de la plus belle des mani\u00e8res, et le lecteur se sent forc\u00e9ment d\u00e9rout\u00e9, \u00e9cras\u00e9 presque par les ann\u00e9es qui le surplombent. Un vertige qui n\u2019est pas sans rappeler le fameux calendrier cosmique<\/a> de Carl Sagan, autre m\u00e9thode pour faire ressentir \u00e0 l\u2019homme ce que signifie r\u00e9ellement l\u2019\u00e2ge de l\u2019Univers ou de la Terre.<\/p>\n\n\n\n Ce voyage \u00e0 travers le temps, racont\u00e9 par Astr\u00e9e, est n\u00e9cessaire pour bien comprendre le cycle de la vie sur Terre et plus globalement \u00e0 travers l\u2019Univers. Pour Romain Lucazeau, point de Grand Filtre<\/a>, du nom de cette hypoth\u00e8se qui explique que des barri\u00e8res pourraient entraver l\u2019acc\u00e8s \u00e0 l\u2019espace des civilisations plan\u00e9taires. L\u2019Univers grouille de vie, ne serait-ce que dans le Syst\u00e8me solaire, depuis les lunes glac\u00e9es d\u2019Encelade (un corps il est vrai particuli\u00e8rement prometteur pour les exobiologistes), jusqu\u2019aux nuages de Jupiter (rappelant l\u00e0 encore les hypoth\u00e8ses<\/a> de Carl Sagan). La vie foisonne, voyage de corps en corps, s\u2019\u00e9tend \u00e0 travers le cosmos, se transforme, quitte son enveloppe biologique, et se rassemble en meta-civilisations aux ambitions galactiques.<\/p>\n\n\n\n Evidemment, l\u2019espace est un lieu propice \u00e0 la m\u00e9lancolie, comme la SF l\u2019a d\u00e9j\u00e0 largement d\u00e9montr\u00e9. De mon c\u00f4t\u00e9, il m\u2019arrive parfois de lever et les yeux et de ressentir une grande m\u00e9lancolie en pensant \u00e0 ces \u00e9toiles sans doute \u00e0 jamais inaccessibles, aux progr\u00e8s extraordinaires et pourtant si d\u00e9risoires de l\u2019exploration spatiale \u00e0 l\u2019\u00e9chelle de la galaxie, au fait que peut-\u00eatre je m\u2019\u00e9teindrais un jour sans savoir si, quelque part, une vie extraterrestre, ne serait-ce que microscopique, existe.<\/p>\n\n\n\n Romain Lucazeau prend le contre-pied total de ces th\u00e8mes assez classiques : l\u2019espace peut rester profond\u00e9ment m\u00e9lancolique, m\u00eame avec un Univers foisonnant de vie, il demeure \u00e9galement effrayant, surtout quand des forces de nature quasiment divines, capables de ma\u00eetriser l\u2019espace, le temps, la mati\u00e8re et la gravit\u00e9, se livrent des guerres durant des millions d\u2019ann\u00e9es. Agr\u00e9g\u00e9 de philosophie, \u00e9pris de m\u00e9taphysique, Lucazeau questionne constamment le destin de l\u2019Univers et des civilisations qui le composent. Le tout, et c\u2019est une prouesse, en restant toujours clair, synth\u00e9tique, et acceesible.<\/p>\n\n\n\n V\u00e9ritable synth\u00e8se de la hard-SF, La Nuit du Faune<\/em> fourmille d\u2019id\u00e9es absolument g\u00e9niales qui chacune pourraient donner lieu \u00e0 de grands romans. Sans en d\u00e9voiler la teneur, le dernier tiers du roman, proprement \u00e9pique, atteint des sommets de sense of wonder<\/em>. J\u2019en suis personnellement ressorti compl\u00e8tement \u00e9bahi.<\/p>\n\n\n\n On se sent un peu minuscule, en lisant La Nuit du Faune<\/em>, apr\u00e8s tout c\u2019est ce qu\u2019on attendait d\u2019un roman qui promettait de nous raconter l\u2019impermanence des civilisations. Et on se pla\u00eet \u00e0 r\u00eaver aussi, en levant les yeux et en contemplant les \u00e9toiles et le vide qui les s\u00e9pare. L\u00e0 encore, ce n\u2019est rien moins que l\u2019essence pure de la science-fiction. Un chef-d\u2019\u0153uvre ? Ouais, clairement.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Prudence : cet article r\u00e9v\u00e8le quelques \u00e9l\u00e9ments importants de l’intrigue. Le nouveau roman de Romain Lucazeau, La Nuit du Faune, a le potentiel de pouvoir emmener un public n\u00e9ophyte vers un genre souvent consid\u00e9r\u00e9 comme particuli\u00e8rement ardu \u2013 la hard-SF. Relativement court \u2013 250 pages \u2013 il se pare des jolis atours du conte pour […]<\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":2434,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"spay_email":"","jetpack_publicize_message":"","jetpack_is_tweetstorm":false,"jetpack_publicize_feature_enabled":true},"categories":[325],"tags":[535,552,553,550,162,514],"yoast_head":"\n