Spéculations – Dans la Lune http://dans-la-lune.fr Vers l'infini, et au-delà ! Tue, 20 Dec 2016 18:56:26 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.6.1 7541914 Encelade, paradis glacé http://dans-la-lune.fr/2016/10/01/encelade-paradis-glace/ http://dans-la-lune.fr/2016/10/01/encelade-paradis-glace/#respond Sat, 01 Oct 2016 19:52:16 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=501 Un petit corps céleste blanc, parcouru de sillons bleus, en orbite autour de la deuxième planète la plus grosse du Système solaire. Il suffit de regarder les photos fournies par la sonde Cassini de la NASA : Encelade est sublime. Elle recèle en outre des mystères qui pourraient bien nous en apprendre beaucoup sur l’origine de […]

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Un petit corps céleste blanc, parcouru de sillons bleus, en orbite autour de la deuxième planète la plus grosse du Système solaire. Il suffit de regarder les photos fournies par la sonde Cassini de la NASA : Encelade est sublime. Elle recèle en outre des mystères qui pourraient bien nous en apprendre beaucoup sur l’origine de la vie…

Un visage qui se dessine

Les observations de l’astronome britannique William Herschel (1738 – 1822) permirent de découvrir, durant la seule année 1789, les satellites Titan et Obéron (qui orbitent autour d’Uranus), ainsi que Mimas et Encelade (qui orbitent autour de Saturne). Elles furent baptisées sous ce nom après la mort de l’astronome par son fils John, qui respecta ainsi la tradition de nommer les corps célestes du Système solaire selon les grandes figures de la mythologie grécoromaine. Encelade était un géant de la mythologie grecque, fils de Gaïa et d’Ouranos. Lors de la guerre qui opposa les dieux de l’Olympe et les Géants (appelée la Gigantomachie), Encelade fut terrassé par Athéna, qui l’écrasa sous la Sicile. Les éruptions volcaniques et les secousses telluriques passent pour être le souffle et les mouvements du géant sous la Terre.

Il fallut attendre presque deux siècles pour que le satellite commence à dévoiler une part de ses mystères. En 1980, la sonde américaine Voyager 1 dévoile une première photo d’assez faible résolution, que compensera largement Voyager 2 en août 1981. Grande surprise : Encelade, blanche et lisse, présente peu de cratères à sa surface, indice d’une activité géologique récente, ce qui semble étonnant pour un corps aussi petit.

encelade-voyager

De gauche à droite, Encelade photographiée par Voyager 1 et Voyager 2.

Et puis le 30 juin 2004 marque le début d’une nouvelle ère dans la connaissance d’Encelade. Après un voyage de plus de 3 milliards de kilomètres qui aura duré 7 ans, la sonde américaine Cassini parvient en 2004 autour de l’orbite de Saturne. Elle effectuera plusieurs survols rapprochés d’Encelade, qui dévoileront un autre visage du satellite. Toujours aussi blanche, Encelade est striée de rayures aux accents bleutés – surnommées « rayures de tigre » – surtout dans sa zone sud, qui ne contient par ailleurs aucun cratère. Depuis, les découvertes ne cessent de s’accumuler, faisant d’Encelade l’un des objets les plus fascinants de notre Système Solaire.

Au sud de nulle part

Pourtant, rien ne destinait Encelade à devenir aussi prometteuse. Il faut bien le dire : Encelade surprend sans cesse, déjoue tous les pronostics, et incite à l’approcher toujours un peu plus. Situé au sein de l’anneau E de Saturne, le plus externe après l’anneau de Phœbé, Encelade est un petit corps céleste d’environ 500 kilomètres de diamètre. Elle est composée d’un noyau rocheux de 370 kilomètres de diamètre. Sa surface est recouverte d’une épaisse couche de glace, bien plus ténue au pôle sud.

Et c’est au pôle sud, justement, que se concentrent la plupart des mystères d’Encelade. 101 geysers en éruption y éjectent un liquide composé de vapeur d’eau, de particules de glace et de molécules organiques simples. Ils se situent près de ces quatre énormes « rayures de tigre » (d’ailleurs similaires à celles du satellite Europe, en orbite autour de Jupiter) qui sont en réalité des failles d’environ 2 kilomètres de large, 130 kilomètres de long et près de 500 mètres de profondeur.

geyser-encelade

C’est en 2014 que Cassini détecte la présence d’un océan sous la surface d’Encelade. A l’époque, le modèle des chercheurs prévoit un océan d’une profondeur d’environ 10 kilomètres, enfoui à 40 kilomètres sous la surface glacée du satellite, en contact direct avec son noyau rocheux. L’eau, toujours d’après les publications de l’époque, remonte jusqu’à la surface au travers d’étroites fissures, poussée par l’intense champ de force gravitationnel généré par Saturne.

Mais en 2016, ce modèle s’écroule. Il est en effet incohérent. Du fait de la force gravitationnelle générée par Saturne, Encelade oscille sur elle-même, et de tels mouvements ne peuvent s’expliquer que d’une seule façon : cet océan ne serait pas situé seulement au pôle sud, mais bien partout sur le satellite, recouvert d’une couche de glace dont l’épaisseur varie entre une vingtaine de kilomètres et moins de cinq kilomètres dans le cas du pôle sud, éternel cœur des secrets d’Encelade ! Par ailleurs, les données de Cassini y font état d’un fort dégagement de chaleur, généré par le noyaux rocheux. Oui, là-dessous, l’eau est chaude. Et salée, comme sur Terre.

La prochaine question est essentielle, tout le monde se la pose, et pour une fois légitimement : et si quelque chose nageait dans ces eaux ?

Il était une fois la vie

L’océan d’Encelade est-il hospitalier pour l’apparition et le développement de la vie ? Oui. Avec Titan (une autre lune de Saturne) et Europe (sur laquelle Hubble aurait récemment repéré des panaches de vapeur), ils forment un trio de beaux espoirs dans notre quête de vie dans le Système solaire. Sous la glace, là-bas, à environ 1,3 milliards de kilomètres de la Terre, de l’eau à un pH de 11 ou 12 frémit, circule, bouillonne. Elle contient peut-être de l’hydrogène, une source d’énergie favorable à la vie. Et qui sait, une vie bactérienne ? La sonde Cassini, dont les instruments ont plus de vingt ans et n’ont pas été conçus pour cela, n’est pas en mesure de le détecter.

Cheminée hydrothermale

Cheminée hydrothermale

La recherche de la vie sur Encelade pourrait aussi répondre à la question de l’apparition de la vie sur Terre. Rechercher ailleurs les raisons de notre arrivée ici… Si la curieuse chimie du vivant a mené à l’apparition de micro-organismes dans l’océan souterrain d’Encelade, alors la théorie qui explique que la vie sur Terre est apparue près des cheminées hydrothermales des dorsales océaniques se trouverait renforcée.

Chris McKay, scientifique à la NASA Ames Research Center, explique :

Ce qu’on recherche n’est pas la vie, mais la compréhension de la nature de la vie.

Les futures missions

La couche de glace qui recouvre le pôle sud d’Encelade étant plus réduite que ce que la communauté scientifique pensait auparavant, les futures missions destinées à en percer les secrets s’en trouvent facilitées.

La mission Enceladus Life Finder (ELF) proposée par Jonathan Lunine (de l’Université d’Ithaque à new York), souhaite poursuivre le travail de Cassini, afin de détecter et d’identifier la présence des briques essentielles du grand mur de la vie, les acides aminées. La mission ELF a été proposée au programme Discovery de la NASA, qui offre jusqu’à 500 millions de dollars à des petites missions spatiales. Malheureusement, le financement a été rejeté en 2015 au profit d’une mission focalisée sur des astéroïdes et sur Vénus. Mais Lunine ne désespère pas et compte bien proposer à nouveau cette mission à la NASA.

geyser-encelade2

Une autre mission, au nom encore plus éloquent – LIFE, pour Life Investigation for Enceladus – propose une approche alternative, et à vrai dire plus ambitieuse : rapporter des échantillons des cette vapeur d’eau sur Terre pour les analyser. Peter Tsou, leader du projet, explique :

Nous n’avons même pas d’instruments sur Terre pour détecter la vie. Nous ne sommes mêmes pas sûrs de ce qu’est la vie. Si nous envoyons là-bas des instruments pour des analyses in situ, ils seront toujours extrêmement limités, et l’information reçue en retour ne sera pas définitive.

Le retour d’un ou de plusieurs échantillon permettrait selon lui d’accéder plus facilement à un consensus de la communauté scientifique. Pour le moment, deux problèmes se posent pour le financement de la mission par la NASA. La mission LIFE est censée utiliser des batteries au plutonium, hors l’agence spatiale américaine refuse de financer au travers de son programme Discovery des missions utilisant des sources d’énergie nucléaire. Et selon Peter Tsou, la NASA craint également le risque de contaminations par d’éventuels germes extraterrestres…

Que la vie soit possible sur Encelade, ne signifie pas forcément que la vie y existe bel et bien. Il n’est toutefois pas interdit d’espérer, en attendant de prochaines missions. Toujours est-il que si, dans l’immensité du cosmos, un Système Solaire – le nôtre – accueille deux corps célestes sur lesquels la vie est présente – la Terre et Encélade – alors la vie foisonne dans l’Univers…

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Le mystère KIC 8462582 http://dans-la-lune.fr/2016/05/28/mystere-kic-8462582/ http://dans-la-lune.fr/2016/05/28/mystere-kic-8462582/#comments Sat, 28 May 2016 11:01:02 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=397 KIC 8462582. Une étoile parmi des milliards d’autres dans la Voie Lactée. Et pourtant une étoile singulière, dont les étranges variations de luminosité interpellent la communauté scientifique. Aucune hypothèse naturelle, pour le moment, ne semble convenir. Faut-il pour autant accorder du crédit à cette folle hypothèse de la mégastructure extraterrestre ? Un œil pointé vers d’autres […]

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KIC 8462582. Une étoile parmi des milliards d’autres dans la Voie Lactée. Et pourtant une étoile singulière, dont les étranges variations de luminosité interpellent la communauté scientifique. Aucune hypothèse naturelle, pour le moment, ne semble convenir. Faut-il pour autant accorder du crédit à cette folle hypothèse de la mégastructure extraterrestre ?

Un œil pointé vers d’autres mondes

Lancé par la NASA en 2009, le télescope spatial Kepler a pour mission principale la détection d’exoplanètes. La méthode utilisée est particulière : Kepler n’a en jamais observé directement la moindre exoplanète. Il est en fait dirigé vers les étoiles et mesure leur luminosité. Lorsqu’une planète, en orbitant, passe devant son étoile, la luminosité de cette dernière diminue très légèrement, et Kepler est en mesure de le détecter : c’est la méthode des transits.

Pour aider le télescope dans cette mission, un groupe de scientifiques dits citoyens – car n’appartenant pas à la communauté universitaire – est chargé de repérer la répétition régulière de baisse de luminosité sur les graphiques fournis par Kepler, aidant ainsi à la détection des exoplanètes. Ce groupe est appelé Planet Hunters.

En 2011, une étoile au comportement tout à fait particulier est repérée par Planet Hunters. Elle est située dans la constellation du Cygne, à environ 1.500 années-lumière de la Terre. Elle est un peu plus grosse et chaude que le Soleil. Son nom ? Guère poétique, mais qui fera pourtant le tour du monde : KIC 8462582. KIP étant l’acronyme de Kepler Input Catalog, la base de données des étoiles cibles du télescope (environ 13 millions).

Selon certains mythes, cette constellation est une représentation d'Orphée, changé en cygne après sa mort.

Selon certains mythes, cette constellation est une représentation d’Orphée, changé en cygne après sa mort.

La baisse de luminosité enregistrée lorsqu’une planète passe devant son étoile est tout au plus d’1%, dans le cas par exemple d’une planète gazeuse comme Jupiter. KIC 8462582 perd jusqu’à 22% de sa luminosité, ce qui non seulement énorme, mais en plus tout à fait unique. Autre étrangeté : les transits sont irréguliers.

Tabetha Boyajian, jeune astrophysicienne à l’origine du premier papier scientifique sur le sujet, et qui donnera d’ailleurs ensuite son nom à l’étoile – Tabby – explique :

Nous n’avions jamais rien vu de tel, c’était très étrange…

Résumons : là-bas, une étoile brille anormalement, parce que quelque chose d’inconnu et de gigantesque, orbite autour de manière irrégulière. Le titre de l’article publié par Tabetha Boyajian est  éloquent : « Où est le flux ? » Autrement dit : où sont passés tous ces photons ? Pourquoi cette énergie n’a-t-elle pas terminé son long voyage de 1.500 ans dans l’œil de Kepler ?

Les baisses de luminosité de l'étoile de Tabby. Graphique guère sexy, j'en conviens.

Les baisses de luminosité de l’étoile de Tabby. Graphique guère sexy, j’en conviens.

Pour répondre à cette épineuse question, Boyajian et les co-auteurs de l’article (dont certains de l’équipe Planet Hunters) passent en revue différentes hypothèses, avant de les balayer une à une d’un revers de la main, parmi lesquelles :

  • Une erreur de mesure ? Non, après vérification, le phénomène est bien de nature astrophysique.
  • Le résultat d’un immense impact sur une planète, similaire à celui qui a permis la formation de notre Lune ? Scénario infirmé par les observations, et si rare qu’il est peu probable que Kepler en ait été le témoin.
  • De la poussière de planétésimales, ces embryons de planètes ? Encore raté. L’étoile est trop âgée : le travail de la gravité, durant des millions et des millions d’années, aurait soit consolidé ces fragments pour former des planètes, soit les aurait précipité vers l’étoile, où ils auraient été consumés.
Vue d'artiste d'un planétésimal : un disque de débris qui par attraction gravitationnelle est à l'origine de la création des planètes.

Vue d’artiste d’un planétésimal : un disque de débris qui par attraction gravitationnelle est à l’origine de la création des planètes.

L’hypothèse finalement retenue comme étant la plus sérieuse, au vu des données disponible, est celle du passage de comètes devant l’étoile. Mais l’article le précise bien : d’autres observations sont absolument nécessaires. Le physicien Bradley Schaefer a découvert que les variations de luminosité de l’étoile dataient de plus d’un siècle, suite à ses recherches dans les archives des plaques photographiques de l’Observatoire d’Harvard. L’hypothèse des comètes suppose que 648 000 comètes géantes de 200 kilomètres de diamètres soient passées devant l’étoile depuis cent ans, soit à peu près l’équivalent de la masse de la ceinture de Kuiper qui entoure notre Système Solaire !

Peu probable, comme il l’explique lui-même :

Je ne vois pas comment 648 000 comètes géantes peuvent bien exister autour d’une seule étoile, encore moins comment leurs orbites peuvent êtres orchestrées de manière à ce qu’elles passent toutes devant l’étoile durant les cent dernières années.

Croître ou périr

Jason Wright, probablement président du club d'échecs au lycée.

Jason Wright, probablement président du club d’échecs au lycée.

Jason Wright est professeur assistant d’astronomie et d’astrophysique à l’Université de Penn State. Il est par ailleurs proche du SETI (Search for Extra-Terrestrial Intelligence), programme ayant pour mission la détection de signaux émis par une potentielle civilisation extraterrestre. Les hypothèses naturelles n’étant pas satisfaisantes pour le moment, il émet l’idée que la chose qui orbite autour de l’étoile de Tabby puisse être d’origine artificielle… Autrement dit, conçu par une civilisation extraterrestre.

Bien que, pour le moment, nous n’ayons qu’un seul exemple de vie dans l’univers (la vie basée sur le carbone, sur la Terre), la classification de Kardachev, du nom de l’astronome soviétique qui en est l’auteur, propose trois stades d’évolution des civilisations, selon leur consommation énergétique. Abondamment utilisée dans la science-fiction, elle classe les civilisations en trois types :

  • Une civilisation de Type 1 est capable d’utiliser toute l’énergie à disposition sur sa planète d’origine.
  • Une civilisation de Type 2 est capable de collecter et utiliser toute l’énergie de l’étoile autour de laquelle sa planète orbite.
  • Une civilisation de Type 3 est capable de collecter et utiliser toute l’énergie de la galaxie dans laquelle elle est située.

A priori, l’humanité semble se situer dans le Type 1. D’après Wright, en dernière hypothèse, les étranges variations du flux de luminosité de KIC 8462582 pourraient être dues à une civilisation de Type 2. La sphère de Dyson, objet hypothétique, pourrait en effet être responsable de cette énorme collecte d’énergie.

La sphère de Dyson

La question est la suivante : une civilisation ayant atteint un certain stade technologique et donc épuisé la totalité des ressources de sa planète est-elle condamnée à moyen terme ou bien peut-elle s’extraire de son berceau ? En ce cas, jusqu’où l’expansion cosmique peut-elle se poursuivre ? A-t-on les moyens technologiques nécessaires pour établir un contact avec une civilisation extraterrestre ? Nul n’a de réponse. Pour le moment. Les bouteilles à la mer que sont les sondes Voyager ne suffiront pas à rentrer en contact avec de petits hommes verts, et le voyage interstellaire restera probablement durant un temps hors de notre portée. Néanmoins, en ouvrant les yeux plutôt qu’en étendant les bras à la recherche d’une vie extraterrestre, peut-être homme sera-t-il en mesure d’observer des sources stellaires d’origine artificielle.

Freeman Dyson avec un bobo sur le pif.

Freeman Dyson avec un bobo sur le pif.

C’est en tout cas ce que pense le physicien Freeman Dyson, fasciné par la question de la vie extraterrestre et du voyage interstellaire (et participant d’ailleurs au projet Breakthrough Starshot, qui vise à rejoindre Alpha du Centaure). Le principe de la mégastructure qu’il propose en 1960 dans un article du magazine Science et qui porte son nom est le suivant : capter l’intégralité de l’énergie d’une étoile au moyen d’une sphère qui l’entoure.

Dans une réponse donnée à l’un des lecteurs de son article, il écrit :

Une enveloppe solide ou un anneau entourant une étoile est mécaniquement impossible. La forme de biosphère que j’ai envisagée consiste en un essaim d’objets voyageant sur des orbites indépendantes autour de l’étoile. La taille et la forme de ces objets individuels serait adaptée aux habitants. Je ne souhaite pas spéculer outre-mesure en ce qui concerne les détails de la construction de cette biosphère, puisque les émissions de radiation infrarouge sont indépendants de tels détails.

Dyson suppose que ce type de structure émettra un rayonnement infrarouge, et altérera la lumière renvoyée par l’étoile, et propose donc que les recherches s’orientent vers ces signatures potentielles de civilisations extraterrestres.

Une sphère de Dyson en construction. Vue d'artiste, hein, faut-il le préciser ?

Une sphère de Dyson en construction. Vue d’artiste, hein, faut-il le préciser ?

Des recherches se sont déjà orientées dans ce sens, notamment grâce au télescope spatial IRAS mais aussi et surtout Kepler, qui selon Jason Wright (papier wright) :

A non seulement la capacité de détecter de telles structures, mais aussi la précision photométrique suffisante pour les distinguer des exoplanètes.

Dans un article paru peu après la publication de celui de Tabetha Boyajian, Jason Wright résume les caractéristiques différenciatrices de ces mégastructures par rapport aux exoplanètes, et étudie ensuite le cas particulier de KIC 462852. Il en convient : l’étoile contient tous les signes distinctifs d’une sphère de Dyson, ou plus précisément d’un essaim similaire aux biosphères de Dyson.

Le magazine américain The Alantic consacre un article au sujet, dans lequel Jason Wright déclare :

Les extra-terrestres devraient toujours être la dernière hypothèse à considérer, mais cela ressemble à quelque chose que l’on pourrait attendre d’une civilisation extraterrestre.

La machine médiatique est lancée.

De la prudence et du droit à rêver

Que les hypothèses naturelles ne soient pas suffisantes pour expliquer ce phénomène ne signifie pas pour autant qu’il faille privilégier l’hypothèse artificielle, bien entendu. En ce sens, un précédent, au moins, existe : la découverte des pulsars.

En 1967, quand Jocelyn Bell découvre cet étrange signal périodique émis par des étoiles à neutron, et qu’elle en avise son supérieur Anthony Hewish, tous deux pensent d’abord avoir détecté les signaux d’une civilisation extraterrestre. Ce signal sera d’ailleurs baptisé LGM-1, pour Little Green Men (les petits hommes verts), avant d’être plus tard renommé. En 1974, Anthony Hewish remportera le prix Nobel de Physique qui vient récompenser la découverte des pulsars.

Pour reprendre les paroles de  Seth Shostak, astronome au SETI :

L’histoire de l’astronomie nous montre que chaque fois que nous pensions avoir trouvé un phénomène dû aux activités d’extraterrestres, nous nous sommes trompés.

L’hypothèse extra-terrestre est la plus sensationnaliste, et celle qui a évidemment les faveurs du grand public. La couverture presse de l’étoile de Tabby est éloquente : des centaines d’articles, dont certains n’hésitent pas à user de titres alléchants, et qui éludent trop souvent les autres hypothèses. La frontière entre science et science-fiction, dans ce genre de cas, devient particulièrement ténue… D’autant plus que la sphère de Dyson, pourtant issue des travaux d’un éminent physicien, a essaimé dans les œuvres de fiction. La communauté scientifique doit en même temps inciter à la prudence, et aussi répondre à l’excitation légitime du public, quitte à le décevoir ensuite…

Que caches-tu, petite étoile ?

Que caches-tu, petite étoile ?

La question de la vie extraterrestre est essentielle : la découvrir serait un bouleversement majeur pour l’humanité. Un total changement de paradigme. Cette question obsède l’homme depuis l’Antiquité, quand la raison remplaça la magie, quand les astres devinrent autre chose que des Dieux. Que l’on parle de vie bactérienne dans les océans d’Europe, la lune de Jupiter, ou d’une civilisation galactique, peu importe : dès lors que l’on découvrira du vivant ailleurs que sur Terre, nous ne serons plus seuls. Le cosmos sera un peu plus chaud. La science-fiction nous a fait miroiter d’épiques batailles spatiales, ou des poignées de main entre le président des Etats-Unis et un émissaire de la planète Xanthor. Les lois de l’Univers sont cruelles : le temps et l’espace étant ce qu’ils sont, c’est-à-dire aux échelles probablement incompatibles  avec la rencontre simultanée entre deux civilisations à un moment donné, dans un instant donné, nous sommes pour le moment condamnés à observer, de loin, le voisinage proche de notre Terre. Quand bien même ! L’observation indirecte, au travers de simples courbes sur un graphique,  d’un objet artificiel ayant émis un signal il y a 1 500 ans, là-bas, serait déjà un événement exceptionnel. Nous avons désormais les instruments pour qu’un tel événement se produise.

Pensez-y quand vous lèverez les yeux, une fois la nuit tombée. Quelque part dans la constellation du Cygne, KIC 8462582, invisible à l’œil nu, brille anormalement. Et il n’est pas interdit de rêver.

Tomorrow never knows

Où en sommes-nous maintenant ?  Petite déception, les recherches d’ondes radio menées par le SETI dans la zone proche de l’étoile avec le télescope Allen n’ont rien données pour le moment. Encore faut-il supposer que la prétendue civilisation en question ait suivi le même cheminement technologique que les humains, et qu’elle utilise les ondes radio… Parallèlement, une polémique a opposé les partisans de la découverte de Bradley Schaefer (que la variation a lieu depuis cent ans), et les sceptiques, qui remettent en cause ses travaux.

Les fréquences radio du quasar 3c84 face à celles de l'étoile de Tabby. Electro-encéphalogramme plat.

Les fréquences radio du quasar 3c84 face à celles de l’étoile de Tabby. Electro-encéphalogramme plat.

Dans tous les cas, KIC 8462582 demeure un mystère. Et des observations ultérieures sont nécessaires. C’est dans cette optique que Tabetha Boyajian, l’auteur, rappelons, du premier article scientifique sur le sujet, a lancé un projet de financement participatif sur le site Kickstarter. Puisque les variations de luminosité n’interviennent pas à des intervalles de temps périodiques, il faut constamment pouvoir garder un œil sur l’étoile. C’est l’objectif de ce projet, grâce au télescope de l’observatoire de Las Cumbres, et aux 100 000 dollars requis. Pourquoi faire appel aux citoyens ? Parce que les programmes scientifiques des gouvernements sont longs, coûteux et non adaptés à un projet comme celui-ci, qui requiert la mise à disposition en permanence d’un télescope. Par ailleurs, l’étoile de Tabby a été découverte par les astronomes amateurs de Planet Hunter : il est normal que cette collaboration entre citoyens et amateurs se poursuive.

Si les fonds sont récoltés, la chasse pourra continuer. La chasse à quoi ? Mystère. En tout cas, pour reprendre les sages paroles de Carl Sagan, cité au début de la conférence TED de Tabetha Boyajian :

Des affirmations extraordinaires nécessitent des preuves extraordinaires.

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Un peu plus près des étoiles http://dans-la-lune.fr/2016/04/15/un-peu-plus-pres-des-etoiles/ http://dans-la-lune.fr/2016/04/15/un-peu-plus-pres-des-etoiles/#comments Fri, 15 Apr 2016 07:21:02 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=359 L’épopée spatiale est grisante : elle permet à l’homme de repousser les limites de ses technologies, de découvrir des mondes fabuleux et de révéler peu à peu les secrets de son origine. Elle est aussi frustrante : l’Univers, c’est avant tout du vide. 4 années-lumière séparent en effet le Soleil de sa plus proche voisine, Proxima du […]

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L’épopée spatiale est grisante : elle permet à l’homme de repousser les limites de ses technologies, de découvrir des mondes fabuleux et de révéler peu à peu les secrets de son origine. Elle est aussi frustrante : l’Univers, c’est avant tout du vide. 4 années-lumière séparent en effet le Soleil de sa plus proche voisine, Proxima du Centaure. Un photon émis depuis le Soleil et qui parcourt l’espace à 300.000 kilomètres par seconde mettra 4 ans pour y parvenir. Une sonde spatiale terrienne traditionnelle, à peu près 30 000 ans. Voilà qui complique les ardeurs de l’humanité… Alors, passé Pluton, point de salut ? Devrons-nous nous contenter éternellement de notre entourage proche, et compter sur nos télescopes pour observer les alentours ? Peut-être pas.

Du rêve à la réalité

Jusqu’à présent, le voyage interstellaire était cantonné à la science-fiction. Trous de ver, vitesses supraluminique, hyper-espace… Les auteurs ne manquent pas d’idées pour pallier à la faiblesse de nos fusées propulsées avec de simples moteurs à combustion. Pourtant, dans les années 70, la science s’est emparée du sujet suite à la ferveur générée par les premiers pas de l’homme sur la Lune et plusieurs projets, évidemment jamais concrétisés, ont été couchés sur le papier, tels que le cylindre O’Neill ou le projet Orion… Plus récemment, le web s’est enflammé autour d’un soi-disant projet de vaisseau supraluminique de la NASA. Pure spéculation, a rappelé l’agence spatiale américaine. Nouvelle déception : le voyage vers une autre étoile reste donc une chimère.

Le prétendu projet de la NASA. Faut avouer que ça tue, niveau design.

Le prétendu projet de la NASA. Faut avouer que ça tue, niveau design.

La fondation Breakthrough Initiatives, créée par le milliardaire russe Yuri Milner, a justement pour objectif de dépasser cette frontière et d’élargir les horizons de l’humanité. Elle a déjà fait parler d’elle en juillet 2015 avec son programme Listen, destiné à trouver les traces d’une civilisation extraterrestre. Projet soutenu par le physicien britannique Stephen Hawking, Listen prévoit de surveiller un million d’étoiles pendant dix ans, pour un budget de 100 millions de dollars.

Ecouter, c’est bien. Mais bouger, c’est mieux. Le mardi 12 avril 2016, soit cinquante-cinq ans jour pour jour après le premier vol de l’homme dans l’espace, Milner annonce son nouveau projet, Starshot. L’objectif est ambitieux : rejoindre Proxima du Centaure en 20 ans seulement (au lieu de 30 000 ans, donc)… Il pourrait sembler absurde, irréaliste, farfelu – qu’importe, il fait déjà rêver. Et Yuri Milner est bien entouré :

  • Stephen Hawking est une fois de plus partisan du projet
  • De même que Mark Zuckerberg, président de Facebook et membre du Conseil de Starshot avec Hawking et Milner
  • Freeman Dyson, éminent physicien américano-anglais, créateur entre autres de la sphère de Dyson (dont quelques esprits créatifs en soupçonnent la présence autour d’une étrange étoile, KIC 8462852) et surtout collaborateur du projet Orion, un vaisseau à propulsion nucléaire pour lequel Dyson envisagea la possibilité de missions interstellaires, déjà vers Alpha du Centaure, en à peu près 133 ans…

En somme, que du beau monde. Milner investit à hauteur de 100 millions de dollars dans la conceptualisation du projet, ce qui en fait le plus ambitieux à ce jour dans la recherche interstellaire. Une discipline jusque-là cantonnée, il est vrai, à la spéculation.

La feuille portée par le vent

Mais comment atteindre Proxima du Centaure en seulement vingt ans ? Il s’agit d’une voile photonique, d’environ 4 mètres d’envergure, pour un poids de quelques grammes et une épaisseur d’environ cent atomes, propulsée par des antennes situées sur la Terre. Ces antennes émettront ensemble un énorme rayon laser en direction de cette voile. La force délivrée par les collisions de photons (générées par la réflexion de la lumière sur la voile) devrait accélérer la voile jusqu’à 20% de la vitesse de la lumière.

Le vaisseau fixé à cette voile, appelé StarChip, sera évidemment loin des poncifs des grandes épopées cinématographiques. Son poids devra être le plus réduit possible, tout juste un petit gramme, et sa taille guère plus grande que celle d’un timbre-poste. Plus il sera léger, plus il ira vite.

Milner tient dans sa main son super vaisseau spatial. En-dessous, Hawking fait le clown, comme d'habitude.

Milner tient dans sa main son super vaisseau spatial. En-dessous, Hawking fait le clown, comme d’habitude.

En se fondant sur la célèbre loi de Moore qui induit une miniaturisation des composants, Milner explique :

Un instrument qui pesait autrefois 300 grammes en pèse aujourd’hui 3. Ce qui pesait autrefois 100 grammes en pèse aujourd’hui 0,5. C’est la tendance sur laquelle nous surfons.

La charge utile d’un vaisseau aussi réduit doit être minimale, elle comprendra le strict nécessaire :

  • Des caméras et des capteurs chimiques élémentaires
  • Du matériel de communication
  • Des instruments de navigation

Tout est donc dans la miniaturisation. Plus la voile est petite, plus le vaisseau est petit, et plus la vitesse atteinte sera grande. C’est en fait une nuée de vaisseaux qui s’envoleront ; dans une optique de réduction des coûts de production, mais aussi pour éviter l’échec d’un vaisseau unique, et parvenir à plusieurs destinations en même temps. Un vaisseau mère sera chargé de larguer ces nanovaisseaux dans la haute atmosphère terrestre. L’idée rappelle celle des nanorobots auto-réplicants capables de coloniser la galaxie toute entière, parfois évoquée par les transhumanistes.

Demain c’est loin

Pour autant, soyons réalistes, le projet est loin d’être concrétisé, tant du point de vue financier que technologique. Milner précise d’ailleurs lui-même que les 100 millions de dollars seront investis dans la vérification du concept même de cette mission qui nécessiterait à terme plusieurs milliards de dollars. Parmi les points d’interrogation figurent notamment :

  • La puissance des lasers et leur concentration sur un vaisseau aussi minuscule, notamment en passant à travers l’atmosphère terrestre
  • Leur impact sur ce vaisseau
  • Les conséquences d’une accélération aussi soudaine, équivalente à une force de 60 000 G
  • La présence de poussière interstellaire qui, à une telle vitesse, réduirait le vaisseau à néant
  • Les manœuvres du vaisseau à destination, puisqu’il n’existe aucun moyen pour le faire décélérer…
  • Le retour des données qui nécessiterait, au regard des technologies actuelles, une antenne immense
Une colonie de vaisseaux timbre-postes se lance à l'assaut de l'Univers.

Une colonie de vaisseaux timbres-poste se lance à l’assaut de l’Univers.

Alors seulement, peut-être, l’un de ces vaisseaux pourra approcher une exo-planète, permettant à l’humanité de contempler, comme indiqué sur le site officiel de la mission :

[…] une image d’une qualité suffisante pour apercevoir les caractéristiques de sa surface, comme des continents ou des océans.

Un exploit qui nécessiterait sur Terre un télescope de 300 kilomètres de diamètre, située comme Hubble sur son orbite !

Mark Alpert dans ses œuvres.

Mark Alpert dans ses œuvres.

Mais avant, il faudra être patient : si la technologie pourrait être disponible d’ici une vingtaine d’années, il faudra aussi compter les vingt ans du voyage, et les quatre années nécessaires pour que les données nous parviennent à la vitesse de la lumière… Ce qui nous emmène déjà dans le dernier quart du XXIème siècle… La brièveté de la vie humaine n’est guère adaptée à la longueur des voyages interstellaires, c’est une évidence, ce qui fait dire à l’écrivain Mark Alpert, dans le blog des invités du site Scientific American, qu’il va falloir adapter notre stratégie à ces vastes distances. Les sondes envoyées vers d’autres systèmes solaires ne seront pas capables de communiquer rapidement avec la Terre, elles devront agir et prendre des décisions de manière autonome.

Alpert écrit :

Dans le futur, les émissaires de la Terre dans les étoiles ne seront pas humain. Nos explorateurs galactiques seront nos machines et nos intelligences artificielles.

Plus concrètement, les recherches nécessaires à ce projet devraient de toute façon bénéficier à la recherche spatiale en général : atteindre Alpha du Centaure en vingt ans, c’est atteindre Mars en quelques heures et Pluton en quelques jours…

On ne peut que féliciter ces hommes, Hawking et Dyson, qui ne verront jamais l’aboutissement de ce projet qu’ils lancent, peut-être pour écrire leur histoire, certainement pour écrire celle de l’humanité. A l’aube du prochain siècle, le voyage interstellaire sera peut-être une réalité. Et une banalité dans les siècles à venir… Finalement, comme dans le cas du programme Apollo au début des années 60, ce qu’il faut à l’homme pour élargir son horizon, c’est une vision. Une vision claire, portée par un homme orgueilleux, une nation ambitieuse, une entreprise arrogante, une poignée de chercheurs passionnés, qui portent l’humanité avec eux, dans leurs projets tout aussi fous que géniaux. L’homme a grandi sur Terre, mais il est peut-être né dans les étoiles. Peut-on lui reprocher l’envie d’y retourner ?

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Aux origines de la vie – 2 – Panspermie : la vie tombée du ciel http://dans-la-lune.fr/2016/03/31/aux-origines-de-vie-2-panspermie-vie-tombee-ciel/ http://dans-la-lune.fr/2016/03/31/aux-origines-de-vie-2-panspermie-vie-tombee-ciel/#comments Thu, 31 Mar 2016 15:46:34 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=333 Il y a environ 4 milliards d’années, un vaisseau spatial extraterrestre, venu des tréfonds du cosmos, s’écrase sur une planète de la Voie Lactée. Malgré la violence de l’entrée dans l’atmosphère, ces êtres vivants venus d’ailleurs ont survécu. Mieux : ils ont trouvé un endroit particulièrement hospitalier et propice à leur colonisation. 4 milliards d’années […]

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Il y a environ 4 milliards d’années, un vaisseau spatial extraterrestre, venu des tréfonds du cosmos, s’écrase sur une planète de la Voie Lactée. Malgré la violence de l’entrée dans l’atmosphère, ces êtres vivants venus d’ailleurs ont survécu. Mieux : ils ont trouvé un endroit particulièrement hospitalier et propice à leur colonisation. 4 milliards d’années plus tard, cette vie extraterrestre a essaimé partout, et cette planète, la Terre, lui appartient désormais. Science-fiction ? Peut-être pas.

1 – La chimie du vivant
2 – Panspermie : la vie tombée du ciel

Existe-t-il une hypothèse scientifique plus poétique que la panspermie, lorsqu’il s’agit d’expliquer l’origine de la vie ? Les minuscules graines de la vie, voyageant à travers l’espace, pour finir par s’échouer sur Terre, y trouvant enfin un lieu accueillant et propice à leur développement. Douce ironie : nous, les humains, braquons en vain nos télescopes vers le ciel, en quête du signal d’une civilisation extraterrestre… Alors que ce sont nous, les extraterrestres !

Les prémisses de cette hypothèse remontent à l’antiquité, lorsque Anaxagore, philosophe pré-socratique (avant Socrate, souvent considéré comme un jalon absolu de la philosophie antique), soutient au Vème siècle avant Jésus-Christ que les spermata, les plus petites particules du cosmos, présentes partout et toujours, ont fécondé la Terre en tombant avec la pluie. Anaxagore en conclut que la vie, issue de ce procédé, doit exister partout ailleurs dans le cosmos. Si Aristote reprendra en partie l’idée de la nature fécondatrice (il expliquait notamment que lors d’un accouplement entre deux animaux, le sexe du petit variait selon la direction du vent), il était pourtant partisan de l’hypothèse de la génération spontanée qui perdurera jusqu’au XIXème siècle. Rappelons-le, la génération spontanée explique que la vie apparaît de nulle part, à partir de la matière organique.

Il faudra donc attendre le XIXème siècle pour voir réapparaître l’idée que la vie pourrait venir du ciel. En 1881, le physicien britannique Lord Kelvin, tient pour probable l’idée que des pierres météoritiques aient pu semer la vie sur Terre. Il explique sa pensée auprès de la British Science Association :

Donc, et comme nous croyons tous secrètement qu’il y a eu à ce jour, et ce depuis la nuit des temps, plusieurs mondes habités en plus du nôtre, nous devons considérer probable au plus haut degré qu’il existe un nombre incalculable de météorites portant des graines qui se déplacent à travers l’espace. Si à ce jour aucune vie n’existait sur Terre et qu’une de ces dites pierre tombait dessus, alors la Terre pourrait bientôt être couverte de végétation.

Ce type est aussi précurseur dans l'étude de l'effet de serre.

Ce type est aussi précurseur dans l’étude de l’effet de serre.

En 1903, le chimiste suédois Svante Arrhenius, reprend cette idée dans un livre appelé Worlds in a making. Il rappelle la capacité des bactéries à pouvoir survivre dans des environnements extrêmes, et suppose que dans de rares cas, des particules pourraient être éjectées d’une planète habitée et atteindre un autre système solaire, grâce à la pression du champ de rayonnement du soleil et des autres étoiles.

Ces idées novatrices ont provoqué à l’époque de féroces oppositions, à un tel point que l’hypothèse tomba en désuétude et qu’il fallut attendre le milieu des années 70 pour entendre à nouveau parler de la panspermie dans les milieux scientifiques.

Ce n’est pas sale

PanspermiaLithopanspermie, radiopanspermie, panspermie directe… Les idées ne manquent pas quand il s’agit d’expliquer comment la vie est tombée du ciel. Par la chute d’un astéroïde, grâce à la visite d’une civilisation extraterrestre… Mais le modèle le plus communément admis est le suivant : la semence qui a fécondé la Terre est issue de micro-organismes arrachés d’une planète suite à l’impact d’un astéroïde ou d’une comète.

La principale objection opposée à la panspermie est la suivante : l’espace est un endroit particulièrement inhospitalier. Les températures y sont glaciales, le vide y est presque parfait, des étoiles chaudes et massives engendrent des rayonnements ultraviolets extrêmement nocifs, et des particules énergétiques dangereuses sont libérées par des supernova. Du point de vue terrestre, le ciel est cette toile magnifique qui s’offre à nos yeux depuis l’aube de l’humanité, nourrissant de sa peinture céleste nos mythes et cosmogonies. Ne la percez pas pour passer derrière : cette toile est mortelle. C’est cet argument qui pendant longtemps a empêché la panspermie d’être considérée comme plausible dans les milieux scientifiques. Si des organismes ont été envoyés dans l’espace, ce qui est possible, ceux-ci ont été tués là-haut. Seuls des cadavres ont pu pleuvoir sur la planète à destination, et les cadavres, a priori, ne créent pas la vie.

Heureusement, plusieurs hypothèses infirment cet argument de l’espace génocidaire :

  • Certaines bactéries peuvent peut-être survivre dans un tel milieu
  • Ce milieu n’est peut-être pas si hostile
  • De la mort peut jaillir la vie (Amen)

La vie, partout

Le Mesenchytraeus est un ver qui vit à l'intérieur des glaciers... Il fond s'il se retrouve face à une température supérieure à 5°C !

Le Mesenchytraeus est un ver qui vit à l’intérieur des glaciers… Il fond s’il se retrouve face à une température supérieure à 5°C !

La Terre est à ce jour et dans la limite de nos connaissances le seul exemple de planète avec de la vie. Et si parfois les humains s’étonnent que les mondes qui les entourent semblent vides, désolés et inanimés, en revanche tout porte à croire que la vie sur Terre est particulièrement tenace et capable d’adaptation. La vie foisonne, partout. Et même dans des conditions extrêmes :

  • au milieu des enfers, là où la température approche ou dépasse les 100°C
  • au plus profond des abysses, jusqu’à 10 000 mètres au-dessous du niveau de la mer, là où la pression est extrême
  • sous les glaces des pôles, dans un froid intense

A tort, les hommes ont considéré certains territoires comme stériles. Dans les cheminées de ces profondeurs de l’Océan Pacifique ? Des bactéries, la vie. Dans des sédiments datés de plusieurs millions d’années, sans aucune source de nourriture ? Des bactéries, la vie. Très profondément, sous la surface terrestre, dans un environnement dénué d’accès à l’oxygène ? Des vers, la vie.

L'archeobactérie Pyrolobus fumarii peut survivre jusqu'à plus de 100°C, près de ce type de cheminées hydrothermales.

L’archeobactérie Pyrolobus fumarii peut survivre jusqu’à plus de 100°C, près de ce type de cheminées hydrothermales.

Une biodiversité encore inconnue existe, là-dessous, et prolifère depuis des millions d’années. Rien ne semble l’affecter, et surtout pas l’homme, à qui elle survivra certainement. A l’abri du temps, à l’abri des hommes.

Ces organismes sont appelés « extrêmophiles ». Et ce sont d’excellents candidats à un voyage dans l’espace.

L’odyssée de l’espace

 Nous avons déjà expliqué plus haut combien l’espace est un milieu inhospitalier. Dans quelles mesures ces conditions pourraient-elles être rendues plus favorables à la survie d’une forme de vie ?

Dans son Dictionnaire amoureux du ciel et des étoiles, l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan imagine le voyage de bactéries à l’intérieur d’un nuage interstellaire, à l’abri de la majorité des rayonnements nocifs susceptibles de les tuer. Il rappelle que notre Système Solaire traverse l’un de ces nuages tous les quelques dizaines de millions d’années. Des bactéries peuvent être happées à cet instant, et voyager jusqu’à une autre étoile, à l’issue d’un voyage de plusieurs millions d’années. Problème : l’intense rayonnement des étoiles les tuera certainement avant qu’elles ne parviennent jusqu’à leur planète de destination.

Il émet alors une autre hypothèse :

Et si ce bouclier n’était pas fait de gaz d’hydrogène [comme les nuages interstellaires] mais de roc solide ?

Les météorites sont régulièrement citées comme étant des véhicules idéaux pour l’échange de matériel organique entre étoiles. La Terre est sans cesse bombardée par de la roche venue du Ciel, riche de matériel extraterrestre. Des acides aminés, molécules entrant dans la composition des protéines, briques essentielles du vivant, ont en effet été découverts sur plusieurs météorites.

En 1996, un article fortement médiatisé et hautement polémique annonça même la découverte de structures ressemblant à des bactéries fossilisées sur la météorite ALH 84001, d'origine martienne... Bill Clinton fit même une déclaration à ce sujet.

En 1996, un article fortement médiatisé et hautement polémique annonça même la découverte de structures ressemblant à des bactéries fossilisées sur la météorite ALH 84001, d’origine martienne… Bill Clinton fit même une déclaration à ce sujet.

Les comètes contiennent elles aussi de la matière organique. A ce titre, la récente mission Rosetta a fait dire au chercheur Max Wallis, de l’Université de Cardiff, que :

La comète ne devait pas être considérée comme un corps très froid et inactif mais qu’elle était le siège de phénomènes géologiques et pourrait se révéler plus hospitalière aux micro-organismes que l’Arctique et l’Antarctique.

Dans un article écrit avec Chandra Wickramasinghe (pionnier de l’exobiologie et fervent défenseur de la panspermie), Wallis va même jusqu’à émettre l’hypothèse que des bactéries vivraient dans les eaux salines sous la surface de Tchouri !

La mort est le début de la vie

Autre solution pour pallier au problème de la survie de micro-organismes à un voyage interstellaire : imaginer leur retour à la vie, une fois parvenus à destination.

Une faculté propre à Jésus ? Du tout. En 1995, une équipe de chercheurs américains a annoncé être parvenue à faire revivre des spores de bactéries de type Bacillus trouvées à l’intérieur d’un miel datant de 25 millions d’années et conservé dans de l’ambre !

Trop mignon !

Trop mignon !

Il faut également évoquer les tardigrades, ces petits êtres si fascinants. Les tardigrades sont des extrêmophiles qui ressemblent à des oursons nageurs d’un millimètre, sont capable de résister à l’eau bouillante, à la déshydratation, au vide spatial, et peuvent même revenir à la vie après avoir été congelés durant plusieurs décennies ! Des capacités de survie extraordinaires qui poussent certains chercheur à voir en eux de bons candidats à un voyage à travers les étoiles…

Encore plus fort : la necropanspermie. Miam.Imaginée par Paul Wesson de l’Institut d’astrophysique Herzberg  (Canada), elle prévoit que les restes fossilisés de vie bactérienne, échouées sur une planète hospitalière, puissent contenir les informations génétiques nécessaires à l’apparition et au développement de la vie.

La panspermie est une hypothèse intéressante. Finalement, elle ne fait que repousser le problème de l’origine de la vie. Certes, il est possible qu’elle vienne du ciel. Mais alors comment est-elle apparue là-haut ?

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Aux origines de la vie – 1 – La chimie du vivant http://dans-la-lune.fr/2016/03/10/aux-origines-de-vie-1-chimie-vivant/ http://dans-la-lune.fr/2016/03/10/aux-origines-de-vie-1-chimie-vivant/#comments Thu, 10 Mar 2016 17:01:22 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=315 Par quelle sorte de processus chimique l’inerte est-il devenu vivant ? Comment est apparue la toute première cellule ? De quelles molécules était-elle issue ? Comment a-t-elle acquis la capacité de croître, de se répliquer ? S’agit-il d’un mélange particulier entre de la matière organique et de l’eau ? Faut-il des conditions particulières ? Quel curieux […]

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Par quelle sorte de processus chimique l’inerte est-il devenu vivant ? Comment est apparue la toute première cellule ? De quelles molécules était-elle issue ? Comment a-t-elle acquis la capacité de croître, de se répliquer ? S’agit-il d’un mélange particulier entre de la matière organique et de l’eau ? Faut-il des conditions particulières ? Quel curieux mystère ! En effet, de cette vie primitive, de cette première chose vivante, est issue l’intégralité de toutes les espèces ayant vécues, vivantes et qui vivront sur notre planète, y compris l’homme, qui, par un processus encore inconnu à ce jour, est parvenu à la conscience, lui permettant de se questionner sur ses origines, comme nous le faisons ici.

1 – La chimie du vivant
2 – Panspermie : la vie tombée du ciel

Il était une fois la vie

Mais d’abord, la vie, c’est quoi ? Vaste question qui mériterait un dossier. Voici la définition du Larousse :

Caractère propre aux êtres possédant des structures complexes […] capables de résister aux diverses causes de changement, aptes à renouveler, par assimilation, leurs éléments constitutifs (atomes, petites molécules), à croître et à se reproduire.

Voilà qui est plutôt limpide. Mais qui n’indique en rien l’origine du vivant.

Tout au long de l’histoire, les hypothèses n’ont pourtant pas manquées :

  • Les différentes cosmogonies et religions humaines ont principalement soutenu l’idée d’un ou plusieurs Dieux créateurs de la vie. Point de vue encore soutenu aujourd’hui par les créationnistes et d’une certaine manière par les partisans du « dessein intelligent »
  • Depuis Aristote et jusqu’au XVIIIème siècle, l’hypothèse de la génération spontanée connut d’ardents défenseurs, . Elle expliquait que la vie naît de manière spontanée et quasiment immédiatement à partir de la matière inanimée.
  • Dès la fin du XIXème siècle, l’hypothèse que la vie ait pu être amenée sur Terre depuis le cosmos par des microorganismes vivants sur des météorites est évoquée : c’est la panspermie, et nous y reviendrons.
Ce sont les expériences de Pasteur qui, dans la seconde moitié du XIXème siècle, mettront un terme à l'idée de la génération spontanée du vivant.

Ce sont les expériences de Pasteur qui, dans la seconde moitié du XIXème siècle, mettront un terme à l’idée de la génération spontanée du vivant.

Concrètement, soyons honnêtes, aujourd’hui nous ne savons ni :

  1. comment la vie est apparue sur Terre
  2. si elle existe ailleurs dans l’Univers

L’exobiologie, domaine en pleine expansion depuis la découverte des premières exoplanètes (les planètes qui tournent autour d’une autre étoile que notre Soleil) au milieu des années 90, a justement pour objet d’étude l’apparition et la diffusion de la vie dans l’Univers, sur Terre comme ailleurs. Ces deux questions sont en fait intimement liées. En effet, le jour où nous saurons comment la vie est apparue sur Terre, nous saurons quels sont les endroits les plus favorables pour la chercher ailleurs.

Pour le moment, nous n’avons qu’un seul laboratoire au sein duquel la vie est apparue : celui dont nous sommes issus et dont l’origine remonte à environ 4 milliards d’années, la Terre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les exobiologistes recherchent la vie sur les astres célestes où les conditions sont proches de celles de la Terre. A terme, lorsque nos connaissances seront plus affinées, rien n’est exclu : certains chercheurs à contre-courant n’hésitent ainsi pas à imaginer une vie basée sur le silicium et non sur le carbone.

Tree of Life

Ne devrait-on pas ériger une statue en l’honneur de la cellule commune dont nous descendons tous ? Celle qui est parvenue à la vie, qui s’est retrouvée absolument seule sur la Terre, dans cet environnement encore hostile, et qui malgré l’adversité a pu se répliquer, essaimer ? Evidemment, la réalité est plus complexe, et cette cellule n’est pas apparue ex-nihilo, à partir de rien, comme le supposait l’hypothèse de la génération spontanée.

2,3 millions d'espèces vivantes sont répertoriées sur ce cercle, depuis la toute première cellule, au centre, il y a 3,5 milliards d'années, dont nous descendons tous...

2,3 millions d’espèces vivantes sont répertoriées sur ce cercle, depuis la toute première cellule, au centre, il y a 3,5 milliards d’années, dont nous descendons tous…

Il existe plusieurs racines élémentaires sur lesquelles l’arbre du vivant est apparu puis a grandi. C’est plutôt simple, les voici :

  • Les lipides, constituant la membrane des cellules
  • Les sucres complexes, source d’énergie des cellules
  • Les protéines, pour favoriser certaines réactions chimiques
  • L’ADN (acide désoxyribonucléique), pour stocker l’information génétique, c’est-à-dire toutes les particularités qui fondent une espèce ; et l’ARN (acide ribonucléique), qui traduit les informations de l’ADN et bâtit à partir d’elles.

Voilà. Ce sont les constituants de base de la cellule, la plus petite unité biologique capable de se reproduire. Vous, moi, les ornithorynques, les arbres… En somme tout ce qui est vivant sur cette planète est composé de ces éléments, briques élémentaires du mur de la vie. Et puis il faut un environnement pour se développer : ce sera l’eau. Pas de vie sans eau. D’ailleurs toutes les formes de vie se composent d’environ 80 % d’eau.

Nous ne sommes guère plus avancés. Nous avons décomposé la structure d’une cellule, voilà tout. Et bien reculons encore un peu plus loin… D’où viennent ces quatre éléments fondamentaux ?

  • Les lipides de la membrane se composent d’acides gras
  • Toutes les protéines des êtres vivants se composent à partir de la combinaison de vingt acides aminés, des petites molécules organiques comprenant une fonction acide et une fonction amine, d’où leur nom !
  • L’ADN et l’ARN sont formés à partir de nucléotides, des molécules organiques
ADN, support biologique fascinant de l'information. 700 téraoctets : c'est le volume de données qui seraient stocké dans 1 gramme d'ADN...

ADN, support biologique fascinant de l’information. 700 téraoctets : c’est le volume de données qui serait stocké dans 1 gramme d’ADN…

Et nous voilà donc avec, d’un côté, un plat complet : la cellule ; et de l’autre, cette série d’ingrédients indispensables à la vie telle que nous la connaissons sur Terre. La recette demeure toutefois inconnue, de même que le cuisinier. Par facilité, je pourrais invoquer ici Dieu, chef de haute volée qui ne révèle évidemment pas ses meilleures recettes, en tout cas pas dans la Genèse où les premiers êtres vivants sont des plantes :

Puis Dieu dit : Que la terre produise de la verdure, de l’herbe portant de la semence, des arbres fruitiers donnant du fruit selon leur espèce et ayant en eux leur semence sur la terre. Et cela fut ainsi. La terre produisit de la verdure, de l’herbe portant de la semence selon son espèce, et des arbres donnant du fruit et ayant en eux leur semence selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le troisième jour.

Si la communauté scientifique n’est pour l’instant pas parvenue à fournir de réponse définitive à cette question passionnante, cela ne l’empêche pas de fournir de nombreuses hypothèses. Aujourd’hui, pour rester sur nos métaphores cuisinières, nous allons parler de soupe.

Mange ta soupe, ça fait grandir

Quelque petite mare chaude, en présence de toutes sortes de sels d’ammoniac et d’acide phosphorique, de lumière, de chaleur, d’électricité, etc. […] un composé de protéine fut chimiquement formé, prêt à subir des changements encore plus complexes.

Stanley Miller (1930 - 2007)

Stanley Miller (1930 – 2007)

Voilà comment Darwin imaginait dans une lettre de 1871. Retravaillée et complétée, cette hypothèse dite de la « soupe primitive » est peut-être celle qui est la plus populaire parmi la communauté scientifique. Elle fut notamment défendue par le biologiste américain Stanley Miller qui, en 1953, mit au point une expérience particulièrement étonnante avec son collègue Harold Urey.

L’objectif ? Rien de moins que de recréer en laboratoire les conditions chimiques primitives présentes sur Terre avant l’apparition de la vie, soit il y a environ 4 milliards d’années. Voici donc les ingrédients utilisés dans sa recette :

  • Un mélange de plusieurs gaz (méthane, ammoniac, hydrogène), présents sur notre Terre primitive
  • De l’eau chauffée, l’océan
  • De l’électricité, pour simuler des éclairs

Des conditions finalement assez proches de celles décrites un siècle plus tôt par Darwin. Après une semaine d’expérience, le temps était venu pour Miller et Urey d’analyser cette étrange soupe primordiale. Que remarquèrent-ils alors ? Rien de mois que la présence de onze acides aminés, ainsi que du sucre, des lipides, et des composants des acides nucléiques ! Oui, les briques essentielles de la vie, recrées dans les petites fioles d’un laboratoire…

Toujours controversées aujourd’hui, l’expérience de Miller a été répétée de nombreuses fois, avec des variantes différentes, donnant des résultats plus ou moins prometteurs. L’idée de pouvoir recréer une atmosphère en laboratoire est dans tous les cas extrêmement intéressant pour les exobiologistes. En effet, il sera très bientôt possible, grâce notamment au télescope spatial James Webb (successeur d’Hubble), d’analyser l’atmosphère des exoplanètes, et donc pourquoi pas de la recréer en laboratoire, pour deviner, à plusieurs années-lumière de distance, quels mystères s’y cachent…

Dans le segment "L'éprouvette de la genèse" d'un épisode des Simpsons, Lisa crée une civilisation miniature en plongeant l'une de ses dents de lait dans du soda, qu'elle soumet ensuite à une décharge électrique...

Dans le segment « L’éprouvette de la genèse » d’un épisode des Simpsons, Lisa crée une civilisation miniature en plongeant l’une de ses dents de lait dans du soda, qu’elle soumet ensuite à une décharge électrique…

Avec Miller, la quête de nos origines perd un peu de magie : la vie, finalement, ne serait rien d’autre qu’un ensemble de processus physiques et chimiques qui se produisent dès lors que les conditions sont suffisamment favorables.

Donc le grand jeu de la vie se serait entièrement déroulé sur Terre, aucun événement extérieur n’étant venu le favoriser. Une autre hypothèse, que je trouve personnellement infiniment plus fascinante et poétique, invoque au contraire une action venue du ciel. Evidemment, des objets célestes peuvent perturber la vie (nos regrettés dinosaures l’ont constaté…), peuvent-ils aussi la favoriser, voire l’apporter sur Terre ?

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L’hypothèse du zoo http://dans-la-lune.fr/2016/02/20/lhypothese-du-zoo/ http://dans-la-lune.fr/2016/02/20/lhypothese-du-zoo/#comments Sat, 20 Feb 2016 18:09:22 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=298 Si nous semblons si isolés, si nous n’avons pas eu l’honneur de recevoir la visite d’une éminente civilisation extraterrestre, c’est peut-être parce que nous ne sommes que des singes derrière des barreaux, dans l’immense zoo de notre Système Solaire, isolés de nos gardiens à jamais invisibles… E.T. Téléphone maison Où se cachent donc les extraterrestres […]

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Si nous semblons si isolés, si nous n’avons pas eu l’honneur de recevoir la visite d’une éminente civilisation extraterrestre, c’est peut-être parce que nous ne sommes que des singes derrière des barreaux, dans l’immense zoo de notre Système Solaire, isolés de nos gardiens à jamais invisibles…

E.T. Téléphone maison

Où se cachent donc les extraterrestres ? Les dimensions de l’Univers étant ce qu’elles sont, il n’est pas déraisonnable de penser que la vie existe ailleurs, ne serait-ce que dans notre galaxie, composée de 400 milliards d’étoiles et au moins autant de planètes. L’âge de l’Univers étant en plus ce qu’il est, soit 13,7 milliards d’années, la vie existe sans doute ailleurs depuis bien plus longtemps que sur la Terre, faisant apparaître des civilisations à la technologie autrement plus avancée que la nôtre. Le genre homo est apparu voici presque 3 millions d’années, l’espèce Homo Sapiens il y a 200 000 ans, et l’âge de notre civilisation est estimée à 10 000 ans environ. Quelles prodiges technologiques serait capable d’accomplir une civilisation avec plusieurs milliers ou millions d’années d’évolution ?

Selon le paradoxe de Fermi, il ne suffirait que de quelques millions d’années à une civilisation pour coloniser entièrement la Voie Lactée. C’est une période de temps qui peut sembler longue, elle est pourtant courte face à l’âge de notre galaxie, environ 10 milliards d’années. Si la vie a émergé et évolué sur ne serait-ce qu’un pourcent des 400 milliards de planètes de la Voie Lactée, cela représente 4 milliards de civilisations potentiellement colonisatrices.

Pourtant, le ciel demeure silencieux. La Terre est à ce jour le seul exemple de vie dans l’Univers.

Face à ces doutes, plusieurs réponses peuvent être envisagées, en voici quelques-unes :

  • La vie est un accident, nous sommes effectivement seuls dans l’Univers
  • Les civilisations extraterrestres s’éteignent avant de pouvoir parvenir au voyage interstellaire
  • Nous recevons la visite discrète d’extraterrestres (observations d’ovnis, phénomènes d’abductions, etc.)
  • Corollaire de l’idée précédente : les extraterrestres connaissent notre position dans la galaxie, mais ne souhaitent pas nous rendre visite

C’est à travers de larges grilles…

C’est John A. Ball qui sera en mars 1973 le premier à émettre cette hypothèse, dans un article paru dans la revue Icarus, intitulé The Zoo Hypothesis. Ball part de trois prémisses absolument cruciales pour valider son hypothèse. Autrement dit, si l’une de ces trois prémisses est incorrecte, alors l’hypothèse du zoo est infirmée.

Premièrement, la vie apparaîtra si les conditions sont réunies pour que cela soit le cas.

Kepker-186f, explanète similaire à la Terre (vue d'artiste).

Kepker-186f, explanète similaire à la Terre (vue d’artiste).

Deuxièmement, il existe beaucoup d’endroits dans le cosmos sur lesquels la vie est en mesure d’apparaître. Lorsque Ball publia son article, l’existence des exoplanètes n’avait pas encore été confirmée par l’observation. C’est le cas depuis 1995, et régulièrement la NASA communique (parfois avec un peu trop d’entrain !) sur la découverte de planètes dites « habitables », ce critère étant mesuré par un indice de similarité avec la Terre. La découverte sur notre planète d’organises extrêmophiles est également encourageante sur la capacité de la vie à apparaître et se développer dans des conditions jugées auparavant extrêmement défavorables (températures très chaudes ou très froides, milieux radioactifs, etc.).

Troisièmement, nous n’avons pas connaissance d’une civilisation extraterrestre. C’était le cas en 1973, c’est toujours le cas en 2016.

Si ces trois prémisses sont vérifiées, alors l’hypothèse du zoo peut être envisagée.

Selon Ball, trois grandes catégories définissent l’évolution d’une civilisation :

  • la destruction (de l’intérieur ou de l’extérieur)
  • la stagnation technologique
  • le progrès technologique quasi-continu
Notre civilisation continuera-t-elle son développement technologique ? Est-elle vouée à la stagnation ou, pire, à la destruction ?

Notre civilisation continuera-t-elle son développement technologique ? Est-elle vouée à la stagnation ou, pire, à la destruction ?

Cette dernière catégorie est entendue comme la capacité croissante d’une civilisation à contrôler son environnement. Comme Ball le rappelle, notre action en tant qu’êtres humains sur Terre influe la quasi-totalité de notre environnement, des  virus jusqu’aux éléphants. Corollaire de cette action colonisatrice parfois négative, notre éthique nous pousse à vouloir parfois isoler certaines espèces ou mêmes civilisations pour leur permettre de se développer naturellement, c’est-à-dire en interagissant peu ou pas avec l’homme. Ainsi des réserves naturelles, des zoos ou des zones entières laissées à l’état sauvage.

Certaines tribus amazoniennes demeurent isolées du reste du monde depuis plusieurs millénaires.

Certaines tribus amazoniennes demeurent isolées du reste du monde depuis plusieurs millénaires.

Ball explique :

Le zoo parfait […] serait celui dans lequel la faune qui y vit n’interagit pas avec ses gardiens, et n’est même pas au courant de leur existence.

Derrière les barreaux, le vide de l’éternité

Dans cette optique, la dernière prémisse est déterminante. Selon l’hypothèse du zoo, Nous n’aurons jamais de contact avec une civilisation extraterrestre, car nous sommes mis à l’écart. Toute interaction est empêchée, au moyen d’une technologie supérieure que nous ne serons jamais en mesure de détecter.

Les critiques à l’encontre de cette hypothèse étonnante n’ont pas manquées :

  • En fin d’article, Ball lui-même la juge pessimiste et déplaisante, en précisant toutefois que l’histoire des sciences contient de nombreux exemples d’hypothèses pessimistes qui se sont avérées par la suite.
  • Peut-on tout simplement croire que toutes les civilisations extraterrestres, de concert, décident de notre isolement ? Cette règle serait-elle unanime, inviolable, sans possibilité d’être transgressée ?
  • Et puis, quel crédit accorder à une hypothèse par essence invérifiable ? Peut-on la qualifier de scientifique ?

Ces critiques n’ont pas empêché scientifiques et philosophes de revenir sur l’idée de Ball, tantôt en la développant, tantôt en en fournissant une version alternative.

Le roman La Guerre des Mondes de H.G. Wells, paru en 1898, supposait déjà une observation à notre insu par des extraterrestres, pour des raisons belliqueuses par contre...

Le roman La Guerre des Mondes de H.G. Wells, paru en 1898, supposait déjà une observation à notre insu par des extraterrestres, pour des raisons belliqueuses par contre…

Du zoo à Matrix

Commençons par évoquer l’hypothèse du laboratoire, antérieure à celle du zoo, et d’ailleurs considérée par Ball comme grotesque et morbide. Elle stipule que la vie sur Terre ne serait qu’une expérience de laboratoire menée par des chercheurs extraterrestres, qui n’auraient donc aucun intérêt à la parasiter. Une idée quasiment créationniste !

Poussant plus loin l’idée de Ball et sortant du cadre du zoo stricto sensu, l’hypothèse de la quarantaine cosmique : cet isolement est peut-être une sorte de test de la population terrestre, mise en quarantaine le temps qu’elle parvienne à un stade technologique suffisant, évite sa propre autodestruction ou résolve les problèmes de l’humanité. Là encore, toutefois, il faut partir du principe que la ou les civilisations extraterrestres exercent un pouvoir hégémonique.

Idée similaire : l’hypothèse de l’interdit. Sous-entendu, l’interdiction pour les civilisations extraterrestres d’accéder à la Terre. Voilà qui résout la principale objection émise au sujet de l’article original : pourquoi demeurent-ils malgré tout silencieux, pourquoi aucune civilisation ne brise-t-elle la règle, pourquoi aucune faction extraterrestre dissidente ne cherche-t-elle pas à passer sa tête entre les barreaux ? Martyn J. Fogg, dans un article paru en 1986, explique : il s’agirait d’un pacte galactique conclu entre civilisations. Reprenant ainsi l’idée de Carl Sagan (grand scientifique et vulgarisateur américain) et Newman (physicien et mathématicien américain) dans un article commun en 1981 :

La mise en place d’un Codex Galactica inviolable, qui impose des injonctions strictes contre la colonisation ou la prise de contact avec des planètes déjà peuplés,  n’est en aucun cas exclus.

En somme, tout contact avec la Terre serait interdit tant que nous n’aurions pas atteint un certain stade technologique. En fait, la colonisation deviendrait même totalement inutile : Sagan et Newman proposent en effet que les civilisations très anciennes auraient résolu depuis longtemps les questionnements tels que le contrôle des territoires, l’accroissement de la population, le vieillissement ou même la mort, propres à nos sociétés terrestres immatures. La ressource principale d’une telle civilisation deviendrait alors tout simplement… le savoir, la connaissance. Dès lors, quel besoin de venir coloniser la Terre pour sa technologie et ses ressources si primaires ?

Autre développement intéressant, et très stimulant pour la science-fiction : l’hypothèse de l’apartheid cosmique. Les civilisations extraterrestres nous observent et nous accompagnent dans notre évolution sans toutefois se manifester ouvertement, tels des tuteurs venus d’ailleurs, exerçant leur influence au travers des religions, par exemple.

La Sentinelle, nouvelle d'Isaac Asimov qui a inspiré le scénario de 2001 : L'Odyssée de l'Espace de Stanley Kubrick, propose une idée similaire : c'est un étrange monolithe noir qui a fait avancer l'humanité à plusieurs moments charnières dans son histoire.

La Sentinelle, nouvelle d’Isaac Asimov qui a inspiré le scénario de 2001 : L’Odyssée de l’Espace de Stanley Kubrick, propose une idée similaire : c’est un étrange monolithe qui a fait avancer l’humanité à plusieurs moments charnières dans son histoire.

Le développement peut-être poussé encore plus loin, bien plus loin… Comme par exemple avec les hypothèses du planétarium ou des cerveaux matriochka : le Système Solaire tout entier ne serait qu’une réalité virtuelle… Idée similaire à l’hypothèse de simulation qui a déjà eu les faveurs d’un article ici-même.

Et si nous découvrions bientôt une forme de vie, même bactérienne, et pourquoi pas dans le Système Solaire, sur un satellite de Jupiter ou de Saturne ? A l’inverse, et si nous étions la toute première civilisation technologique de la galaxie, chargée d’accomplir une mission panspermique et de la diffuser partout dans la Voie Lactée ? Croisons les doigts pour que l’exobiologie, domaine fascinant de l’étude de l’apparition et de la diffusion de la vie dans l’Univers, puisse nous fournir quelques réponses avant la fin du siècle…

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Vivons-nous dans une simulation informatique ? http://dans-la-lune.fr/2016/01/26/hypothese-de-simulation-vivons-nous-dans-une-simulation-informatique/ http://dans-la-lune.fr/2016/01/26/hypothese-de-simulation-vivons-nous-dans-une-simulation-informatique/#comments Tue, 26 Jan 2016 12:03:39 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=264 Cette hypothèse semble tirée d’un récit de science-fiction, et ses conséquences donnent le vertige. Elle est pourtant envisagée par certains chercheurs. Et si notre Univers n’était qu’une simulation informatique ? La cuillère n’existe pas Que de chemin parcouru depuis le dépouillement de la représentation d’un match de tennis dans Pong jusqu’aux rues ultra-détaillées de Gran Theft Auto V ou […]

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Cette hypothèse semble tirée d’un récit de science-fiction, et ses conséquences donnent le vertige. Elle est pourtant envisagée par certains chercheurs. Et si notre Univers n’était qu’une simulation informatique ?

La cuillère n’existe pas

Que de chemin parcouru depuis le dépouillement de la représentation d’un match de tennis dans Pong jusqu’aux rues ultra-détaillées de Gran Theft Auto V ou des sublimes planètes de la simulation spatiale Elite : Dangerous ! Les qualités des mondes virtuels dépeints par les jeux-vidéos, qu’elles soient graphiques, scénaristiques ou narratives, réussissent durant un temps à nous faire oublier le monde réel, physique, tangible, et à nous accrocher devant une suite ininterrompue de 0 et de 1.

A gauche, Pong (1972). A droite, le jeu de tennis de GTA V (2013).

A gauche, Pong (1972). A droite, le jeu de tennis de GTA V (2013).

Les progrès de l’informatique en générale sont de toute façon ahurissants, et ce dans tous les domaines d’application. Deux exemples parmi tant d’autres :

  • Les ordinateurs sont aujourd’hui capables de cartographier avec une précision extraordinaire les milliards de galaxies voisines de la Voie Lactée.
  • Le projet Blue Brain d’IBM tente de reconstituer de manière informatique un cerveau humain.

Et tout cela en quelques décennies seulement. De quoi sera capable l’informatique dans seulement un siècle ? Et dans mille ans ?

Cosmographie de l'Univers observable : vous êtes ici !

Cosmographie de l’Univers observable : vous êtes ici !

La science-fiction s’est évidemment emparée du thème depuis longtemps : l’ordinateur, nous raconte-t-elle parfois, sera capable de simuler un monde virtuel avec tant de précisions qu’il sera en tout point conforme au nôtre.

Matrix (1999).

Matrix (1999).

En s’inspirant de ces œuvres, la trilogie Matrix, des frères Wachowski, porta ce thème jusqu’au grand public. A la fin de Matrix, tout spectateur se pose la question : et si ? Et si nous vivions, nous aussi, dans une simulation informatique ?

Ce qui peut sembler de prime abord farfelu est pourtant sérieusement envisagé par les partisans de ce qui est appelé « l’hypothèse de simulation ». Bien sûr, ces théories demeurent hautement controversées, complètement hypothétiques ; mais aussi tout à fait fascinantes…

Nick Bostrom. Son nom est cité de manière récurrente dans les papiers consacrés à cette hypothèse. Nick Bostrom est l’auteur d’un article précurseur, paru en 2003 dans la revue Philosophical Quarterly, et intitulé Are You Living In a Computer Simulation? (Vivez-vous dans une simulation informatique ?).

Contrairement à ce qui est souvent affirmé, Bostrom n’est pas un partisan absolu de l’hypothèse de simulation (the simulation argument). Le point d’interrogation à la fin du titre de son article n’est d’ailleurs pas là par hasard. En fait, Bostrom écrit que l’un au moins des trois postulats suivants est avéré :

  • L’humanité s’éteindra probablement avant d’atteindre un stade post-humain (ou transhumaniste)
  • Il est peu probable qu’une civilisation post-humaine puisse créer des simulations informatiques de la réalité
  • Nous vivons certainement dans une simulation informatique

En résumé, l’idée est la suivante : la probabilité que nous devenions un jour post-humains et développions des simulations informatiques de notre passé est faible, si cela arrive néanmoins alors nous vivions sans doute déjà dans une simulation.

D’accord, mais post-humain, ça veut dire quoi ?

Transhumanisme : de l’Homme qui valait trois milliards à Matrix

Le post-humanisme fait référence au transhumanisme, un courant intellectuel en vogue, dont le pape est américain et s’appelle Ray Kurzweil. Il est l’auteur de la Bible des transhumanistes, Singularity is Near : When humans transcend Biology. Tout est déjà dans le titre, résumé des 600 pages du livre.

Par le truchement des révolutions dans le domaine de la génétique, de l’intelligence artificielle et des nanotechnologies, les transhumanistes croient que l’humanité parviendra à un stade particulier de son évolution technologique, suite à un événement fondateur appelé la Singularité.

Ray Kurzweil

Voici Ray Kurzweil. Bonjour, Ray. Ray veut devenir le premier homme immortel, il a donc tout intérêt à ce que la Singularité survienne rapidement, puisqu’il est né en 1948. En attendant, Ray survit en gobant 150 pilules de vitamines et d’antioxydants par jour.

Kurzweil écrit :

La Singularité représentera le point culminant de l’osmose entre notre mode de pensée biologique et l’existence avec notre technologie. Le résultat sera un monde toujours humain mais qui transcendera nos racines biologiques. Il n’y aura plus de distinction entre les humains et la machine ou entre la réalité physique ou virtuelle.

Pour les transhumanistes, la singularité est un changement radical, inéluctable, et les prédictions s’accordent à dire qu’elle est prévue entre les années 2030 et 2050.

Comment un tel changement de paradigme peut-il arriver si vite ? C’est que les transhumanistes pensent que la croissance du développement technologique n’est pas linéaire mais exponentielle.

Dans une tendance linéaire, le progrès se développe par un facteur additionnel : 1, 2, 3, 4, 5, etc.
Dans une tendance exponentielle, le progrès se de développe par un multiplicateur : 1, 2, 4, 8, 16, 32, etc. A un moment, le progrès accélère puis explose soudainement, pour atteindre un rythme de croissance phénoménal.

Cette croissance exponentielle se fonde sur la célèbre loi de Moore, du nom d’un ingénieur d’Intel : le nombre de transistors des microprocesseurs double tous les dix-huit mois. En somme, la puissance augmente, tandis que le prix diminue.

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Partant de ce principe, Kurzweil, dont l’approche englobe toute l’histoire de l’univers depuis le Big-Bang jusqu’au moment où arrive la Singularité, distingue six époques de l’évolution :

  • Epoque 1 : la physique et la chimie, quelques centaines de milliers d’années après le Big-Bang, la formation des atomes, la création des molécules.
  • Epoque 2 : la biologie et l’ADN, et le début de la vie, il y a plusieurs milliards d’années.
  • Epoque 3 : la capacité de certains animaux à analyser et stocker de l’information grâce à leur cerveau.
  • Epoque 4 : l’apparition de la technologie et son évolution.
  • Epoque 5 : la fusion de la technologie humaine avec l’intelligence humaine, ou la Singularité.
  • Epoque 6 : le réveil de l’univers, la redéfinition des notions d’espace et de temps, la réorganisation de la matière et de l’énergie, la multiplication de l’intelligence par des milliards et des milliards de fois. Concepts nébuleux extrêmement difficiles à prévoir et trop complexes pour nos cerveaux uniquement biologiques très imparfaits !

Le post-humanisme fait référence à l’époque 5, le moment où l’homme transcende sa condition d’humain.

Pour Nick Bostrom, une telle débauche de technologie, si tant est qu’elle soit possible, amènerait sans doute nos descendants post-humains à créer des simulations de leur passé sur leurs ordinateurs, des simulations de la vie de leurs ancêtres (vous et moi). A supposer que ces simulations de leurs ancêtres disposent d’une conscience (certes, cela fait beaucoup de suppositions), alors il est rationnel de penser que nous sommes nous-mêmes issus d’une telle simulation. Au contraire, si nous ne sommes pas issus d’une de ces simulations informatiques, alors il y a fort à parier que nos descendants ne seront jamais en mesure de les générer.

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Si nous parvenons au stade post-humain,et que nous créons des simulations, alors nous sommes très certainement issus d’une telle simulation. CQFD !

Les détracteurs

Depuis 2003 et la publication de l’article original de Bostrom, l’hypothèse de simulation enflamme Internet.

Pour le physicien américain Max Tegmark, auteur du livre Notre Univers Mathématique, longue quête d’un chercheur sur la nature ultime de la réalité, l’argument de la simulation est invalide, pour principalement deux raisons :

  • Si le post-humanisme permet la création de simulation, et si nous sommes une simulation, alors nous pourrons nous aussi créer des simulations une fois parvenus à la Singularité. Nous sommes alors sans doute une simulation, dans une simulation, dans une simulation, et ainsi de suite jusqu’à l’infini, en une espèce de mise en abîme aussi vertigineuse qu’absurde.
  • Tegmark souligne ensuite que tenter de définir les ressources en calcul de notre univers simulé est inutile : il faudrait définir celles de l’univers dans lequel a lieu la simulation ; et de celui-là nous ne savons absolument rien.

Un autre argument est celui de la complexité nécessaire pour faire tourner une telle simulation. Premièrement, la Loi de Moore est régulièrement remise en cause (à cause de la limite physique de la taille des composants informatiques : on ne pourra pas toujours les miniaturiser !), éloignant notre civilisation de la possibilité d’atteindre la Singularité. Deuxièmement, nos descendants pourront-ils vraiment simuler un Univers sur un ordinateur contenu lui-même à l’intérieur de cet Univers ? La puissance de calcul de l’Univers est estimée à environ 10120 bits. Un ordinateur capable de simuler notre Univers à la perfection doit donc disposer d’une puissance de calcul encore plus importante : comment est-ce possible alors qu’il est contenu à l’intérieur de ce même Univers ?  Ne serons-nous capables que de réaliser des simulations approximatives, compressées, grossières, de la même manière que compte tenu de ses capacités techniques un DVD est loin de fournir la même qualité d’image qu’un Blu-Ray ?

La simulation d'Univers, comme la restauration de tableaux, est un art complexe !

La simulation d’Univers, comme la restauration de tableaux, est un art complexe !

Les partisans de l’hypothèse de réalité répliquent en affirmant que la complexité de l’Univers est surestimée : une structure sous-jacente relativement simple régit l’univers, de laquelle découlent ensuite tous les phénomènes physiques. Simuler un Univers serait plus simple, ou en tout cas pas forcément plus compliqué, que simuler un cerveau.

Le débat se concentre surtout sur une question récurrente : s’agit-il bien encore là de physique, de science dure, ne sommes-nous pas déjà en train de pérorer sur des questions métaphysiques ?  N’est-ce pas simplement de la pure science-fiction ? Pour le savoir, une seule solution : place à l’expérience.

Vers l’expérience : confirmer ou infirmer l’hypothèse de simulation

Une méthodologie particulière du physicien Martin Savage et de ses collègues des Universités de Washington (Etats-Unis) et de Bonn (Allemagne) propose d’étudier les éventuelles signatures, ou traces, qu’une simulation pourrait laisser sur notre Univers, en partant du postulat que les méthodes de simulation et les algorithmes utilisés aujourd’hui seront utilisés dans le futur, même de manière parcellaire. Il faut bien disposer d’éléments de comparaison.

Car oui, nos supercalculateurs modernes sont bien en train d’essayer de simuler notre Univers. Ce champ de recherche fascinant n’en est encore qu’à ses balbutiements, et les résultats sont pour le moins primitifs… Nous sommes capable de simuler une minuscule partie de notre Univers, pour le moment, d’une taille de quelques femtomètres, sachant qu’un femtomètre est égal à 10-15 mètres (soit 0,000 000 000 000 001 mètre) !

Dans ces univers informatiques primitifs, mathématiciens et physiciens tentent notamment de récréer l’une des quatre interactions fondamentales qui régissent tous les phénomènes physiques observés dans l’Univers :

  • L’interaction nucléaire forte
  • L’Interaction électromagnétique
  • L’interaction faible
  • Et bien sûr la gravitation

Inutile de rentrer dans les détails, notez toutefois que la simulation informatique de l’interaction nucléaire forte est extrêmement complexe, et nécessite la création d’un maillage particulier, appelé QCD sur réseau. QCD, ici, est l’acronyme de chromodynamique quantique : la théorie qui décrit physiquement l’interaction forte.

Ce maillage, cet outil particulier mis en place pour pallier à la complexité de la simulation de l’interaction forte, pourrait être la signature indiquant que notre Univers lui-même est une simulation, si tant est qu’il ait été utilisé par nos descendants (ou bien une autre civilisation dont les ordinateurs font tourner notre Univers). Comment ? Par l’observation des rayons cosmiques, qui ne réagiraient pas de la même manière en présence d’une QCD sur réseau…

Trouverons-nous un jour l'indice en faveur de l'hypothèse de simulation ? (The Truman Show, 1998)

Trouverons-nous un jour l’indice en faveur de l’hypothèse de simulation ? (The Truman Show, 1998)

Bien, mais cette expérience ne donnera pas de résultats tangibles avant plusieurs décennies, au mieux. Que reste-t-il faveur de l’hypothèse de simulation ? Peut-être le  principe anthropique : l’Univers est réglé de manière extrêmement précise, depuis le Big Bang, par une série de paramètres primordiaux. Déréglez un et un seul de ces paramètres, et jamais la vie et l’homme ne seraient apparus ! Ce qui fait dire à certains spécialistes que l’Univers a été « conçu » pour que l’homme y fasse son apparition et se questionne sur l’Univers… Dominique Lecourt, dans son Dictionnaire d’histoire et philosophie des sciences, parle :

d’une succession vertigineuse de hasards minutieux…

De hasards minutieux, vraiment ? Et si ces hasards étaient provoqués ? Non pas par un créateur chimérique mais plutôt par… Enfin, voyons… L’ordinateur suprême !

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L’Univers est-il fini ou infini ? http://dans-la-lune.fr/2015/12/19/univers-est-il-fini-ou-infini/ http://dans-la-lune.fr/2015/12/19/univers-est-il-fini-ou-infini/#comments Sat, 19 Dec 2015 12:06:49 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=180 Voilà une question qui, gamin, me taraudait, et je suis certainement pas le seul dans ce cas. L’Univers est-il fini ou infini ? A l’époque, deux hypothèses  se disputaient dans ma petite tête. S’il est infini, il doit pourtant bien avoir une fin, car rien ne peut être infini S’il a une fin, un mur, […]

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Voilà une question qui, gamin, me taraudait, et je suis certainement pas le seul dans ce cas. L’Univers est-il fini ou infini ? A l’époque, deux hypothèses  se disputaient dans ma petite tête.

  • S’il est infini, il doit pourtant bien avoir une fin, car rien ne peut être infini
  • S’il a une fin, un mur, et que d’aventure je passe à travers ou tente de le creuser, que se passe-t-il ?

Mon moi enfant était loin de se douter que cette question a depuis toujours agité philosophes et savants.

La vérité, c’est que personne n’en sait rien, et ne peut affirmer l’une ou l’autre des hypothèses avec une totale certitude. En fait, la meilleure théorie physique que nous connaissons à l’heure actuelle, celle qui définit le mieux l’Univers dans lequel nous vivons – la Relativité Générale d’Albert Einstein – autorise ces deux possibilités. Même si pour Einstein, l’Univers était fini et statique  : on sait aujourd’hui qu’il est en expansion, et que cette expansion s’accélère.

Vous me direz : s’il est en expansion, c’est donc bien qu’il s’étend par rapport à sa taille actuelle, qui ne peut donc pas être infinie. En fait, il faut raisonner autrement : l’Univers n’est pas en expansion dans le sens où il s’étendrait dans un espace dans lequel il serait contenu, ce sont pas ses bords qui s’éloignent. Non : c’est la distance entre chaque point, entre chaque galaxie, qui s’étend. Pensez à un ballon de baudruche à la surface de laquelle vous auriez inscrit au crayon plusieurs points. En le gonflant, ces points s’éloignent les uns des autres. C’est la même chose pour l’Univers.

Je vous entends et j’entends déjà mon moi enfant me lancer :

S’il est fini, qu’y-a-t-il derrière ?

En posant cette question, vous réfléchissez en termes de géométrie spatiale ordinaire, celle que nous connaissons et expérimentons tous les jours. Si une porte est fermée, je peux l’ouvrir ou la défoncer à coups de pied. Je peux passer par dessus un mur, franchir un obstacle, une borne.

Mais l’Univers peut tout �� fait être à la fois fini et non borné. Prenez la Terre : si d’aventure un courageux voyageur décidait d’en faire le tour en marchant ou nageant, il ne rencontrerait jamais aucun obstacle insurmontable, et finirait d’ailleurs par revenir à son point de départ. La Terre est finie et non bornée. Il peut en être de même pour l’Univers : une fois parvenu à l’une de ses extrémités, vous arrivez à l’autre extrémité.

Si Oscar, personnage de mon livre de lecture de primaire qui se réveille un matin et découvre qu'il peut étirer ses bras, pouvait les allonger jusqu'au "bout" de l'Univers, peut-être que ceux-ci reviendraient derrière lui, en parcourant l'autre "moitié" de l'Univers. Il pourrait ainsi se gratter le dos.

Si Oscar, personnage de mon livre de lecture de primaire qui se réveille un matin et découvre qu’il peut étirer ses bras, pouvait les allonger jusqu’au « bout » de l’Univers, peut-être que ceux-ci reviendraient derrière lui, en parcourant l’autre « moitié » de l’Univers. Il pourrait ainsi se gratter le dos.

En fait, aujourd’hui, les physiciens ne cherchent donc plus tant à savoir si l’Univers est fini ou infini (cette question est davantage d’ordre philosophique) mais  plutôt quelle forme il peut bien avoir. Ce domaine est celui de la topologie cosmique. Ils cherchent également à savoir si notre Univers est le seul, ou bien si comme certaines théories l’affirment il n’est qu’une bulle parmi une infinité d’autres Univers, tous composant le Multivers.

Il existe malgré tout une limite : celle de l’Univers observable. La lumière des galaxies et étoiles situées au-delà de cette frontière ne nous parviendra jamais. Car il faut se rappeler que regarder loin, c’est regarder vers le passé : la lumière, aussi rapide soit-elle, met un certain temps pour parvenir jusqu’à nos yeux :

  • nous voyons ainsi le Soleil tel qu’il était il y a 8 minutes
  • Jupiter telle qu’elle était il y a 45 minutes
  • notre galaxie voisine Andromède il y a 2,55 millions d’années
  • et la galaxie EGS-zs8-1 il y a 13,1 milliards d’années (doyenne des galaxies à ce jour) !

Au-delà, tout est noir : nous sommes remontés trop loin, jusqu’aux moments suivants le Big-Bang, où la lumière n’existait pas encore.

A 13,6 milliards d'années-lumière de la Terre, nous observons l'Univers tel qu'il était il y a... 13,6 milliards d'années, soit peu après le Big-Bang. Cette image est celle du fond diffus cosmologique, l'intense rayonnement qui a suivi le Big-Bang.

A 13,6 milliards d’années-lumière de la Terre, nous observons l’Univers tel qu’il était il y a… 13,6 milliards d’années, soit peu après le Big-Bang. Cette image est celle du fond diffus cosmologique, l’intense rayonnement qui a suivi le Big-Bang.

Si l’Univers tout entier est peut-être infini, en revanche l’Univers que nous sommes en mesure de voir est, lui, bien fini.

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Poussières dans l’Univers http://dans-la-lune.fr/2015/11/11/poussieres-dans-lunivers-2/ http://dans-la-lune.fr/2015/11/11/poussieres-dans-lunivers-2/#comments Wed, 11 Nov 2015 21:02:17 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=90 Nous ne sommes que poussières dans l’Univers. Il suffira à celui qui voudra s’en convaincre de lever les yeux au Ciel, lors d’une nuit claire et dégagée, et de contempler ces milliers de points blancs qui nous surplombent. Ceux-ci sont appelés étoiles. La plus proche des yeux d’un observateur terrien se nomme Proxima. Elle est […]

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Nous ne sommes que poussières dans l’Univers.

Il suffira à celui qui voudra s’en convaincre de lever les yeux au Ciel, lors d’une nuit claire et dégagée, et de contempler ces milliers de points blancs qui nous surplombent. Ceux-ci sont appelés étoiles.

etoiles

La plus proche des yeux d’un observateur terrien se nomme Proxima. Elle est située dans la constellation du Centaure, visible dans le ciel Austral. Elle est située à 4,22 années-lumière de nos yeux. L’Univers étant ce qu’il est, c’est-à-dire aux dimensions tellement immenses qu’elles dépassent le champ de nos conceptions bassement humaines, parler en termes de kilomètres pour évaluer une distance n’est pas raisonnable. L’unité généralement utilisée est donc l’année-lumière, soit la distance que parcourt la lumière en une année. Une année-lumière équivaut ainsi à environ 10 000 milliards de kilomètres.

L’étoile Proxima se situe donc à 39 734 milliards de kilomètres des yeux d’un terrien, et elle est, rappelons-le, l’étoile la plus proche. Si d’aventure cet observateur décide de rejoindre la dite étoile, au moyen des technologies spatiales actuelles, il lui faudrait environ 420 000 ans avant d’arriver à destination.

Pour information, l’objet fabriqué de la main de l’homme qui se situe aujourd’hui à la distance la plus éloignée de la Terre est la sonde Voyager 1, lancée dans l’espace en 1977. Elle se situe à environ 18 milliards de kilomètres de la Terre, soit 4% de la distance qui sépare la Terre de Proxima du Centaure. Les scientifiques estiment qu’en 2025, cette sonde ne sera plus capable de communiquer avec la Terre, elle ne sera plus alors qu’un déchet cosmique parmi tant d’autres. Dans 40 000 ans, Voyager 1 s’approchera pour la première fois d’une étoile : Gliese 445.

Si la sonde ne sera plus active, les disques qu'elle contient devraient eux encore être là. Ils contiennent une série de sons, d'images et d'informations sur la Terre.

Si la sonde ne sera plus active, les disques qu’elle contient devraient eux encore être là.
Ils contiennent une série de sons, d’images et d’informations sur la Terre.

Aussi démesurées que semblent être ces distances, il faut bien considérer que nous restons là dans la proximité immédiate, dans le voisinage même, de notre chère petite planète bleue.

La Terre est située au sein du Système solaire, le nom donné à notre système planétaire. Un système planétaire est un ensemble d’objets gravitant autour d’une étoile. Dans le cas du Système Solaire, 8 planètes, dont la terre, gravitent autour de notre étoile, le Soleil. 150 millions de kilomètres séparent la Terre du Soleil, soit 8 minutes lumière, la distance parcourue par la lumière en 8 minutes, rappelons-le.

Le Système Solaire est situé sur le bras d’Orion, en périphérie de la Voie Lactée.

Notre galaxie, la Voie Lactée, a une taille d’environ 100 000 années-lumière, soit 10 000 milliards de kilomètres multiplié par 100 000 ; et elle comporte environ 300 milliards d’étoiles similaires au Soleil. Autour  de ces étoiles gravitent un ensemble de planètes. Ces planètes, extérieures à notre Système Solaire, sont appelées des exoplanètes. La première exoplanète a été découverte en octobre 1995 par deux suisses. Depuis, on en découvre chaque année un peu plus. Chiffre dérisoire : en 2014, l’homme a découvert au total moins de 2000 exoplanètes sur un chiffre estimé au minimum à 50 milliards dans notre galaxie, la Voie Lactée.

Eloignons-nous encore un peu plus dans le vertigineux cosmos. La Voie Lactée est voisine d’une autre grande galaxie, appelée Andromède, et d’un cortège une cinquantaine de galaxies à la taille plus réduite. Cet ensemble est appelé un groupe de galaxies. Entre ces galaxies, le vide intersidéral, omniprésent, rendant impossible tout espoir de rejoindre ces mondes dans un futur proche. Le vide, qui représente 90 pour cent du volume de l’Univers, chose que les magnifiques images astronomique ont tendance à nous faire oublier. Dans un futur lointain, dans 4 milliards d’années, la Voie Lactée entrera certainement en collision avec sa voisine Andromède, toutes deux victimes de leur déplacement inéluctable et invisible à nos yeux, et de ce chaos naîtra peut-être une nouvelle galaxie, encore plus immense, et dont les scientifiques ont déjà trouvé le nom : Milkomeda.

Andromeda_Collides_Milky_Way

Panorama de cette future collision depuis la Terre.

Quittons encore un peu plus l’enveloppe désormais ridicule que constitue cette minuscule boule appelée la Terre. Ce groupe de galaxies est lui-même aggloméré auprès d’un millier d’autres galaxies, aux formes, tailles et couleurs variables, séparées les unes des autres par le vide intersidéral. Cet ensemble est appelé un amas de galaxies.

Ô quel désir pousse l’homme à cartographier ainsi l’infiniment grand autour de lui, ne faisant que lui confirmer l’inutilité de son existence éphémère à l’échelle de l’Univers ? Serait-ce pour ressentir cet agréable frisson devant les choses qui nous dépassent, autrefois de l’ordre du divin, aujourd’hui de l’ordre de la Science ?  Serait-ce pour retrouver le sentiment d’accomplissement des grands explorateurs d’autrefois face à la découverte de l’inconnu ? Serait-ce pour relativiser les tracas du quotidien ? Pour se dire que finalement, face à ces échelles si immenses que le pauvre cerveau humain ne peut même pas les concevoir, toutes nos pathétiques existences ne sont que poussières, et que, définitivement, se chagriner pour cet emploi perdu, pour cette femme partie, pour ce parent disparu n’en vaut point la peine. Un meurtre ou un suicide n’aurait aucune espèce de conséquence, dans un espace-temps aussi éphémère, pas plus que la mort d’une fourmi sous le pied d’un randonneur.

Allons, il est temps de nous éloigner à nouveau. Les amas de galaxies sont eux-mêmes contenues dans des ensembles appelés des superamas, qui peuvent agglomérer des milliers de galaxies.

Parmi ces superamas, celui qui englobe la Voie Lactée, immense structure cosmique à la taille étourdissante : un demi-milliard d’années-lumière de diamètre. Son nom est Laniakea, ce qui signifie en polynésien horizon céleste immense. Découvert en 2014 par quatre scientifiques, R. Brent Tully, Hélène Courtois, Yehuda Hoffman et Daniel Pomarède, Laniakea redéfinit la géographie assourdissante de l’Univers.  Une chevelure englobant des milliards et des milliards de mondes, un continent du cosmos, au beau milieu duquel nous vivons et respirons, tâchant de ne point trop y penser, pour éviter de ressentir un immense vertige… Laniakea et ses galaxies qui, inlassablement, se déplacent à plusieurs centaines de kilomètres par seconde vers un point précis mais encore bien mystérieux appelé le Grand Attracteur.

laniakea

Laniakea. Parfaitement, c’est bien la Voie Lactée à droite.

Laniakea est actuellement le plus grand superamas découvert, la plus grande structure classifiée dans l’Univers. Il reste maintenant à découvrir les continents voisins de Laniakea.

Z8-GND-5296 dans toute sa beauté primitive.

Z8-GND-5296 dans toute sa beauté primitive.

Nous arrivons maintenant aux confins du cosmos. Notre voyage est sur le point de s’achever. Non pas parce que nous atteignons une frontière ou un mur infranchissable, mais parce que les lois de la physique nous empêchent d’aller plus loin. C’est le concept dit de l’univers observable, c’est-à-dire de l’Univers que nous pouvons observer depuis la Terre. Lorsque nous observons le Soleil, nous le voyons tel qu’il était il y a 8 minutes, le temps que la lumière parvienne jusqu’à nos yeux.  De la même manière, nous voyons Jupiter avec 43 minutes de retard. La galaxie d’Andromède avec 2,5 millions d’années de retard. Plus nous regardons loin, plus nous voyageons dans le temps. Seulement, nous ne pouvons pas voir au-delà d’un certain point de l’Univers, puisqu’alors nous arriverions jusqu’à la création de l’Univers suite au Big-Bang il y a environ 13,8 milliards d’années. Autrement dit, la lumière issue du point le plus lointain observable depuis la Terre aura mis 13,8 milliards d’années pour nous parvenir. Mais l’univers étant en continuelle expansion, ce point s’est depuis éloigné de notre Terre. La taille de l’univers observable est ainsi estimée à 40 milliards d’années-lumière. La galaxie la plus lointaine jamais observée est ainsi z8_GND_5296, située à 30 milliards d’années de la Terre et que nous observons telle qu’elle était il y a 13,1 milliards d’années. Au-delà de cet horizon cosmologique, que trouve-t-on ? Nous n’en savons rien, et à jamais nous n’en saurons rien, à moins de s’y déplacer, ce qui est impossible pour le moment, et le restera longtemps. S’y trouvent certainement d’autres superamas de galaxies, d’autres milliards de galaxies, de milliards de milliards d’étoiles et de planètes. Quand bien même notre Univers contient déjà 200 milliards de galaxies, et que ces galaxies peuvent contenir plus de 200 milliards d’étoiles comme notre Soleil, quelle frustration de savoir ces mondes au-delà de l’univers observable demeurer à jamais hors de notre portée visuelle ! De même, quelle frustration de savoir la sonde Voyager 1 atteindre à peine l’espace intersidéral, à la fois si loin de nous et pourtant si proche, n’ayant pas fait encore un pas sur la longue route qui mène à Gliese 445, à 1,7 année-lumière de la Terre, distance ridiculement grande ou petite selon le point de vue employé.

Quelle horreur de constater combien nous sommes perdus, seuls à tout jamais au milieu de nulle part, n’ayant que les timides avancées de la science et ses images de galaxies et de phénomènes cosmiques inaccessibles, pour seule consolation…

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La science d’Interstellar – 5 – Le cylindre O’Neill http://dans-la-lune.fr/2015/11/08/la-science-dinterstellar-5-le-cylindre-oneill/ http://dans-la-lune.fr/2015/11/08/la-science-dinterstellar-5-le-cylindre-oneill/#comments Sun, 08 Nov 2015 15:23:12 +0000 http://dans-la-lune.fr/?p=57 Ce dossier se compose d’une série d’articles  autour du livre de Kip Thorne, The Science of Interstellar, qui explique le travail de l’astrophysicien sur le film de Christopher Nolan, Interstellar. 1 – Les trous de ver 2 – Le trou noir, Gargantua 3 – Le tesseract 4 – Eux, les êtres du bulk 5 – Le cylindre […]

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Ce dossier se compose d’une série d’articles  autour du livre de Kip Thorne, The Science of Interstellar, qui explique le travail de l’astrophysicien sur le film de Christopher Nolan, Interstellar.

1 – Les trous de ver
2 – Le trou noir, Gargantua
3 – Le tesseract
4 – Eux, les êtres du bulk
5 – Le cylindre O’Neill

Aujourd’hui, la station Cooper, qui sert de décor à la séquence finale, fortement inspirée d’un cylindre O’Neill.

O’Neill ? Comme April ?

Le professeur O'Neill et son célèbre casque futuriste.

Le professeur O’Neill et son célèbre casque futuriste.

Non, pas tout à fait. Je parle du professeur O’Neill. Le professeur Gerard K. O’Neill est optimiste et ambitieux. Après la réussite du programme Apollo qui vit la NASA envoyer l’homme sur la Lune, on pouvait l’être. A l’époque, la conquête spatiale a le vent en poupe, et de multiples projets ambitieux sont envisagés.

Dans l’article « La Colonisation de l’Espace » publié en septembre 1974 dans la revue Physics Today[i], O’Neill résume le travail entrepris depuis 1969 avec ses étudiants, initialement dans le cadre d’une introduction à son cours de physique.

O’Neill est clair: nous pouvons coloniser l’espace, et si l’effort est mis en place rapidement, d’ici un siècle toute l’activité industrielle humaine pourrait être déplacée hors de la fragile biosphère de la Terre. O’Neill ne fait pas dans la prospective ou le futurisme : il conçoit ainsi une structure composée de deux gigantesques cylindres, construite avec les technologies de l’époque, et destinée à faire vivre en autosuffisance. une communauté de plusieurs millions d’hommes dans l’espace.

O’Neill commence par énumérer les conditions requises par un tel projet : une gravité normale, un cycle jour et nuit, une lumière naturelle (issue du soleil), une apparence proche de celle de la terre, une utilisation efficace de l’énergie solaire. Et il en vient à la conclusion que la seule structure géométrique capable de répondre à ces exigences est un cylindre, ou plutôt une paire de cylindre tournant autour de leurs axes. Ces cylindres sont composées de six tranches alternées : trois tranches de terre (destinées à l’agriculture ou aux habitations) et trois tranches de verre (des miroirs destinés à faire entrer la lumière du Soleil). L’axe des cylindres est toujours pointé vers le Soleil. La période de rotation des cylindres est de deux minutes.

Ça donne plutôt envie, faut l'avouer.

Ça donne plutôt envie, faut l’avouer.

Les cylindres O’Neill ont évidemment essaimé la science-fiction, aussi bien en littérature (Rendez-vous avec Sama d’Arthur C. Clarke), qu’au cinéma (Elysium de Neil Blomkamp et donc Interstellar).

La représentation d’Interstellar

Kip Thorne a été élève du professeur O’Neill. Rien d’étonnant donc à ce que le cylindre présenté à la fin d’Interstellar soit assez fidèle à ses travaux. Cette scène est évidemment déroutante : Copper, à travers la fenêtre de sa chambre d’hôpital, observe le lancer d’un jour de base-ball : la balle atteint la vitre d’une maison située au-dessus de lui ! Une scène qui n’est pas sans rappeler Inception et les toits de Paris qui se renversent.

Inception, yep.

Inception, yep.

Comment diable un tel tour de force est possible ?

Rappelez-vous. Dans Interstellar, deux plans pour sauver l’humanité sont évoqués par le professeur Brand.

  • Le Plan A est le plan idéal. Aller dans le trou de ver, visiter les trois planètes potentiellement habitables, en trouver une qui puisse accueillir l’humanité, puis envoyer des données vers la Terre, permettant de résoudre la fameuse équation de Brand et donc d’organiser un sauvetage massif de l’humanité grâce à ce cylindre que Cooper visite avec le professeur Brand peu avant son départ.
  • Le Plan B consiste à démarrer une nouvelle colonie sur une planète habitable à l’aide d’embryons congelés stockés dans l’Endurance, laissant donc la Terre et ses habitants à l’abandon.

En réalité, Brand le confesse à sa fille sur son lit de mort, le plan A n’a jamais existé, il ne s’agissait que d’une ruse pour convaincre Cooper de sauver sa fille (et l’humanité, tout de même). Brand ne pouvait résoudre son équation sur la gravité, ne réussissant pas à réconcilier les lois de la relativité générale avec celles de la mécanique quantique.

"Monte dans ta fusée et va sauver ta conne de fille, Cooper."

« Monte dans ta fusée et va sauver ta conne de fille, Cooper. »

OK, soit. Et donc ?

La clé réside évidemment dans les données que le robot TARS récupère dans la Singularité du trou noir Gargantua, et que Cooper transmet à sa fille Murph en morse sur les aiguilles de sa montre. Murph apprend ainsi à contrôler les anomalies gravitationnelles. Selon Kip Thorne, elle découvre même comment réduire la constante gravitationnelle de Newton (G) et ainsi s’échapper de l’attraction de la Terre.

Isaac Newton, mécontent de l'utilisation faite par Holywood de son travail.

Isaac Newton, mécontent de l’utilisation faite par Hollywood de son travail.

Permettons-nous une petite équation : g = Gm/r².

  • G est donc la constante gravitationnelle de Newton, c’est la proportionnalité de l’attraction entre deux masses, par exemple une planète et son étoile.
  • m est la masse de la Terre.
  • r² est le rayon au carré de la planète, c’est-à-dire la distance entre le centre et la surface.
  • g représente l’intensité de la gravité à la surface de la Terre.

En vertu de cette équation, diviser G par deux c’est réduire la gravité de la Terre par deux. Diviser G par 100, c’est réduire la gravité de la Terre par 100. C’est diminuer donc la vitesse de libération[ii] nécessaire pour qu’un objet, par exemple une station spatiale, échappe à l’attraction gravitationnelle de la Terre et s’en aille dans l’espace.

Ça c’est de la science, mon bonhomme. S’est passé quoi ensuite ?

Tout cela n’est pas montré ou expliqué dans le film, mais Kip Thorne le précise dans son livre : on ne réduit pas ainsi à la volée la constante gravitationnelle sans quelques dégâts. Le cœur de la Terre, n’étant plus soumis au poids énorme des couches qui l’entourent, s’est violemment déplacé, entraînant de nombreux cataclysmes (tremblements de terre, tsunamis, etc.).

Un prix terrible à payer, mais comme l’écrit Kip Thorne :

L’humanité était sauvée.


[i] http://www.askmar.com/Massdrivers/1974-9%20Space%20Colonization.pdf
[ii] https://fr.wikipedia.org/wiki/Vitesse_de_lib%C3%A9ration

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