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Et l’homme découvrit une exoplanète

L’intuition de l’homme le pressentait, la science le confirma en 1995 : autour des étoiles de notre ciel tournent d’autres planètes. Notre Système solaire n’avait dès lors plus rien d’unique, et notre place rien de centrale dans le cosmos – s’il y avait encore besoin de le préciser. Retour sur une découverte historique.

Horizons cosmologiques

L’histoire de l’astronomie n’est qu’une éternelle redéfinition de la place de l’homme au sein de l’Univers. Nos horizons se sont pour ainsi dire constamment éloignés. Depuis l’homme qui, un jour, a trouvé un morceau de terre au-delà de la mer qu’il croyait infinie, jusqu’à la découverte des milliards d’autres galaxies qui nous entourent, en passant par la fameuse révolution copernicienne. Ainsi va le désir d’exploration de l’homme , qui le pousse à quitter le doux confort utérin pour se confronter aux dangers du monde extérieur. Au risque d’abimer son ego, de comprendre qu’il n’est qu’un homme parmi tant d’autres, sur une planète parmi tant d’autres, dans une galaxie parmi tant d’autres, et peut-être même, selon les hypothèses les plus audacieuses, au sein d’un univers parmi tant d’autres.

Curieusement, jusqu’en 1995, alors que depuis soixante ans l’homme connaissait l’existence d’autres galaxies et que le télescope spatial Hubble commençait à scruter le ciel, aucun scientifique ne pouvait affirmer avec certitude que des planètes tournaient autour d’autres étoiles que notre Soleil. Comment donc ? Bien sûr, certains penseurs l’affirmaient depuis longtemps. Lucrèce, déjà, au Ier siècle après Jésus-Christ, affirmait que d’autres terres existaient au sein de notre univers infini. Quinze siècles plus tard, Giordano Bruno fut brûlé pour avoir défendu l’idée de la pluralité des mondes :

Il est donc d’innombrables soleils et un nombre infini de terres tournant autour de ces soleils.

Giordano Bruno fut envoyé sur le bûcher pour avoir osé imaginer l’infini. Une image tirée de la série documentaire Cosmos.

L’intuition avait amené l’homme à supposer que les étoiles du ciel ne devaient guère différer de notre Soleil, et que par conséquent des planètes devaient y orbiter, cependant leur observation est pendant longtemps restée impossible. Pourquoi ? Car les exoplanètes sont des objets situés à des distances très lointaines, que leur taille est réduite et qu’elles renvoient peu de lumière : les observateurs sont éblouis par la lumière de l’étoile autour de laquelle elles orbitent. C’est la raison pour laquelle l’imagerie directe reste encore aujourd’hui  très rare, et qu’il faut souvent recourir à d’autres méthodes pour « deviner » la présence d’une planète autour d’une étoile.

Proto-découvertes

L’histoire ne retient que l’essentiel : la première exoplanète, dit-on, fut découverte en 1995. La réalité est plus subtile : la première exoplanète orbitant autour d’une étoile sur la séquence principale (donc similaire à notre Soleil) fut découverte en 1995. D’autres exoplanètes furent pourtant bien découvertes auparavant, parmi lesquelles :

  • Gamma Cephei Ab : elle fut détectée dès 1988 mais des travaux remirent son existence en doute en 1992 ; son existence ne fut définitivement confirmée qu’en 2002
  • HD 114762 b : détectée dès 1989, elle fut identifiée comme étant une naine brune
  • PSR B1257+12 : sous ce nom peu poétique se cache un pulsar autour duquel orbitent plusieurs planètes découvertes par l’astronome polonais Alexander Wolszczan en 1992

Mais l’histoire a retenu d’autres noms.

La Terre n’est plus seule

Le 6 octobre 1995, à 15 heures et 30 minutes, Michel Mayor de l’observatoire de Genève et son étudiant Didier Queloz révèlent au monde leur découverte : une planète située dans une autre système solaire, à 51 années-lumière de la Terre. Elle orbite autour de l’étoile 51 Pegasi, une naine jaune similaire à notre Soleil. Elle est appelée 51 Pegasi b, comme le prévoit la nomenclature – la lettre a étant réservée à l’étoile. 51 Pegasi b est une planète étonnante, qui n’a pas d’équivalent dans notre Système solaire : sa masse est d’environ 150 fois celle de la Terre, et elle effectue une révolution complète autour de son étoile en seulement 4 jours !

Comment les deux chercheurs ont-ils pu réaliser un tel exploit couvert par toute la presse internationale mais qui pourtant laisse sceptique certains de leurs confrères ?

Didier Queloz et Michel Mayor à l’Observatoire de La Silla, au Chili.

En 1993, après déjà plusieurs décennies de réflexion et de tatonnements, Michel Mayor met au point le spectrographe Elodie qui permet d’observer les variations de vitesses radiales. Il s’agit là de la toute première méthode de détection des exoplanètes : une étoile soumise à l’influence gravitationnelle de sa planète se déplace légèrement, ce qui modifie son éclat. Le spectrographe étudie le spectre de la lumière émise par l’étoile et y révèle la planète.

A la fin 94, Mayor et Queloz repèrent l’exoplanète qui les rendra célèbres, mais ils préfèrent poursuivre leurs observations, sceptiques devant les caractéristiques étranges de l’objet. En juillet 95, ils n’ont plus de doute. Il est temps d’annoncer au monde que les 9 planètes du Système solaire ne sont plus seules dans le cosmos.

Dans un article consacré aux vingt ans de cette découverte historique, Mayor se souvient :

Nous avons alors été pris dans un tourbillon médiatique, auquel nous n’étions pas préparés. Je pensais que cela passerait après quelques mois. Mais non. Ça continue encore aujourd’hui !

En novembre 1995, les deux chercheurs publient un article dans Nature intitulé A Jupiter-mass companion to a solar-type star, qui se conclut ainsi :

La recherche d’exoplanètes peut être incroyablement riche en surprises. Depuis un système solaire complet détecté autour d’un pulsar, jusqu’aux paramètres orbitaux inattendus de 51 Peg b, les recherches comment à révéler l’extraordinaire diversité des sites de formation planétaires.

En 2015, 51 Pegasi b fait à nouveau parler d’elle : elle est la première exoplanète dont on a détecté directement la lumière. Michel Mayor, lui, poursuit sa quête : il dirige en 2007 l’équipe d’astronomes qui découvre Gliese 581c, première exoplanète connue aux caractéristiques similaires à celles de notre planète.

A ce jour, plus de 3500 exoplanètes ont été découvertes. Il y en aurait plus de 200 milliards rien que dans notre galaxie, la Voie Lactée.

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