Science-fiction

Soon ou le grand filtre

Prudence : cet article révèle des éléments de l’intrigue !

Dans cette bande dessinée surprenante de Thomas Cadène et Benjamin Adam, un adolescent parcourt le monde de l’an 2151 tandis que sa mère se prépare pour une mission spatiale ambitieuse et sans retour. Un récit de science-fiction qui mêle l’intime à l’épique dans un joli écrin, avec un style graphique étonnant.

Le grand voyage

Soon est divisé en deux grandes parties dont les chapitres s’intercalent les uns entre les autres. Il y a d’abord le grand récit de l’Univers, depuis le Big Bang jusqu’à l’année 2151, celle où se déroule le récit de Youri, un adolescent dont la mère, Simone, doit partir pour un voyage spatial dont le lecteur ignore d’abord à peu près tout mais dont il sait en tout cas qu’il est sans retour.

Soon raconte l’émergence d’une civilisation spatiale qui aura survécu à la menace d’un anéantissement global. Dans certaines pages qui résonnent froidement avec l’actualité, il est fait état d’une suite de catastrophes écologiques (des tempêtes), sanitaires (l’apparition d’une grippe pandémique et l’érosion de la fertilité) et géopolitiques (une guerre mondiale) qui se sont déroulées des années 2030 à 2050 et ont réduits la population mondiale à un peu moins d’un milliard d’habitants.

Au prix de graves sacrifices, l’humanité est toutefois parvenue à survivre et à rebâtir une société. La Terre est désormais divisée en quatre zones. La première, la plus grande avec 98% des terres émergées, est interdite aux hommes, elle est rendue à la nature. Les hommes vivent au sein de sept villes réparties sous la planète, et signataires d’un contrat commun.

C’est ce monde que Simone souhaite explorer avec son fils Youri, un dernier tour du monde avant de s’échapper vers un autre monde, celui des étoiles. Mais un voyage qui ne se passera pas tout à fait comme prévu, Youri refusant ce qu’il considère n’être rien d’autre qu’une tournée d’adieux…

Riche de références à l’histoire exploration spatiale, Soon aborde des thématiques universelles : le manque, le deuil, le nécessaire besoin d’exploration de l’homme, et finalement son refus de cesser d’espérer, le tout au sein d’un monde concrètement post-apocalyptique mais aux antipodes de ce qu’il évoque d’ordinaire.

Vers le grand filtre

Soon, c’est cela : une civilisation qui a frôlé l’apocalypse, mais qui est parvenu malgré tout à poursuivre l’exploration spatiale. Une civilisation conscience de sa fragilité et qui souhaite augmenter ses chances de survie en essaimant dans l’espace.

Voilà qui évoque l’une des solutions possibles au paradoxe de Fermi qui, pour rappel, se base sur la question suivante : si une civilisation extraterrestre existait dans notre galaxie, nous devrions déjà avoir été visités par elle, au vu de la taille et de l’âge de la Voie Lactée.

Parmi les innombrables réponses possibles à ce paradoxe, en voici une : des civilisations extraterrestres existent bien, mais elles s’éteignent toutes avant de pouvoir s’établir durablement dans l’espace et quitter leur berceau planétaire. Elles épuisent toute l’énergie de leur planète sans pouvoir s’en arracher, s’effondrent et disparaissent.

Dans Soon, l’humanité semble, pour un temps au moins, être parvenue à passer ce moment critique de l’histoire des civilisations. En serons-nous capables ? Dans ce contexte, nous sommes à une époque charnière. Par la force de leur raison, les hommes sont parvenus à s’arracher de l’attraction gravitationnelle de la Terre pour explorer leur environnement spatial (très) proche, surtout à l’aide de sondes et de robots. Mais par ailleurs, de multiples dangers menacent leur existence. La route pour devenir une civilisation spatiale (concept nébuleux s’il en est) est encore longue, quoi qu’en disent certains grands entrepreneurs nourris à la science-fiction. Mais cette route est belle et porteuse d’espoirs.

Soon, une bande-dessinée de Thomas Cadène et Benjamin Adam, aux éditions Dargaud.

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